Le comité technique mis en place par Ali Bongo se démène non pour rapprocher les positions mais pour installer l’un des siens dans un rôle d’acteur incontournable pour la suite.
Le processus de formulation du «Plan de redynamisation» du PDG pourrait, selon les circonstances, s’enliser ou se muer en opération de reconquête pour certains. Voulue et entendue comme un cadre de concertation, de rapprochement des idées, le comité technique mis en place le 4 du mois en cours va très vite changer de nature. Personne n’a oublié la délectation avec laquelle Paul Biyoghé Mba plaça les siens à tous les postes essentiels de l’administration publique et parapublique. Tout le monde se souvient de la hargne, du cynisme et de la haine avec lesquels il s’efforça de bannir toute une partie de la communauté nationale au prétexte qu’elle n’avait pas voté pour Ali Bongo en 2009 (lire par ailleurs «Paul Biyoghé Mba et les revers du cynisme en politique»).
L’histoire retiendra avec quelle facilité Michel Essonghé lâcha son allié de toujours Casimir Oyé Mba en 2009 pour se ranger, corps et biens, derrière Ali Bongo. Elle retiendra aussi avec quel docilité, quelle nonchalance, quelle passivité il dirigea le dernier congrès du PDG, se laissant imposer ou dicter tout et rien par de supposés proches du «distingué camarade».
Egoïsme
N’empêche, le choix de ces deux personnalités peut se comprendre. Il peut même s’expliquer. Ce comité technique est une instance conjoncturelle. Sa mise en place répond à l’urgence du moment : fallait bien donner des gages aux initiateurs d’Héritage et Modernité et rassurer les zélateurs, obusiers de service, artificiers de circonstance, et gardiens du temple autoproclamés. Idéologiques ou circonstancielles, désintéressées ou pécuniaires, collectives ou personnelles, raisonnées ou instinctives, raisonnables ou illégitimes, toutes les initiatives en cours devaient être prises en compte. En période de crise, toutes les opinions se valent. Près de deux semaines plus loin, ce comité technique a tout le mal du monde à se mettre en place. La publication d’une annonce y relative dans le quotidien L’Union du 13 juillet courant, traduit des désaccords de fond. Autrement dit, le recours aux militants ne changera rien. Le surplace actuel n’est pas lié au refus des uns et des autres de travailler. Il est le contrecoup de l’idée que les uns et les autres se font des deux co-présidents. Il tient à leur passé, à leur nature profonde et à leur incapacité intrinsèque à aller au-delà de leurs intérêts personnels. Au vu de leur cahier des charges, cela se nomme : incompétence.
Ancien président d’honneur du Mouvement gabonais pour Ali Bongo Ondimba (Mogabo), Paul Biyoghé Mba est, pour de nombreux militants PDG, «une souris élevé dans (leurs) sacs d’arachides». Nombreux d’entre eux voient en lui un politicien retors, brutal, dont l’horizon s’arrête à sa bourgade de Bikélé et les fréquentations aux seuls anciens membres du Mouvement commun de développement (MCD), son parti dissout dans le PDG depuis. Michel Essonghé est, quant à lui, décrit comme une personnalité lisse, sans relief. Son activité politique est interprétée comme un gage donné au pouvoir en place pour faire prospérer ses affaires. Au mieux, il est présenté sous les traits d’un homme d’affaires égaré en politique et, au pire, comme un politicien affairiste. En invitant les «militants qui souhaitent participer à cette réflexion prospective (…) à déposer ou transmettre des propositions concises (…) au plus tard le 19 juillet 2015», ces deux personnalités laissent penser à une mauvaise compréhension de leur mandat. Or, en y regardant de près, une évidence saute aux yeux : leur démarche est motivée par une propension à l’intrigue et un certain égoïsme.
Prétexte pour gogo
Comment Paul Biyoghé Mba et Michel Essonghé peuvent-ils feindre de croire qu’un comité peut être composé de deux personnes ? Pourquoi n’édictent-ils pas les modalités d’organisation et de fonctionnement de ce comité technique ? Croient-ils réellement que les animateurs du Mogabo et d’Héritage et Modernité entendent demeurer spectateurs durant la phase actuelle ? Pourquoi en appellent-ils à la base alors que c’est le comportement des élites et plus largement la gouvernance de leur parti qui est en cause ? Ils voudraient créer la suspicion, radicaliser les positions qu’ils ne s’y prendraient pas autrement. L’argument des consultations multiples et diverses est un écran de fumée, un prétexte pour gogo. On doit plutôt y voir la manifestation d’une intrigue politicienne. Point n’est besoin d’être grand clerc pour deviner les intentions cachées de Paul Biyoghé Mba. Il entend mettre à profit cette période pour revenir en grâce. Il veut profiter de sa présence à la tête de ce comité pour relancer sa carrière politique, quelque peu mise en veilleuse depuis son éviction de la Primature. Au fond de lui, il veut jouer le peuple contre les élites, la base contre les instances du PDG. A la fin des fins, il espère disqualifier tous les ténors, tirer les marrons du feu et se positionner comme le seul et unique soutien d’Ali Bongo si ce n’est un recours à ce dernier. Cette manière de faire porte un nom : opportunisme.
On le voit : ces arrière-pensées politiciennes ne servent nullement les intérêts d’Ali Bongo et plus largement du PDG. On fait appel à la base. Mais, la base n’est nullement à l’origine de la crise actuelle. S’il en allait ainsi, le secrétariat exécutif du PDG serait confronté à une crise de légitimité interne. Or, le problème mis à nu par la sortie d’Héritage et Modernité est, justement, lié à la tendance de certaines structures informelles à se substituer au secrétariat exécutif du PDG. Au nez et à la barde de Michel Essonghé, Paul Biyoghé Mba n’en a cure. Il est convaincu d’une chose : le propre de l’intrigue est d’être déloyale, secrète, nuisible aux uns et avantageuse pour d’autres. Il sait une autre : la caractéristique principale de l’opportuniste est de tirer le meilleur parti des circonstances, y compris en prenant des libertés avec la morale et l’éthique. De cela, il usera et abusera parce qu’il a toujours fonctionné ainsi, parce que ces méthodes-là lui ont permis de faire la carrière qui a été la sienne, en dépit d’un manque patent de substance.
Dans une période de crise, peut-on user d’intrigue ? C’est, en tout cas, l’orientation prise par le comité technique mis en place au PDG. Alors qu’ils prétendent que le secrétariat exécutif du PDG prend toute sa part à l’exercice en cours, les duettistes du fameux comité technique le cantonnent au rôle de réceptacle des idées. Pis : ils ne font nullement référence au conseil national dont l’une des missions est justement de recenser les préoccupations des populations. Aux militants PDG de comprendre ce qui se prépare et de dire s’ils l’acceptent ou non…