Rappel : Né d’un métissage inter ethnique, de père Fang et de mère Obamba, de la communauté Mbédé du Haut-Ogooué, chez lui le tribalisme n’a pas de place. Homme singulier, attachant et très au fait de tout ce qui se passe chez les Gabonais ordinaires, on ne présente plus Monsieur Michel ONGOUNDOU LOUNDAH, que ce soit au Gabon ou ailleurs.
Quand on le rencontre, on est surpris par sa simplicité et sa gentillesse naturelle, il ne se force pas, ne compose pas. Il ne vous prend pas de haut, il se met naturellement au niveau de son interlocuteur quel qu’il soit. Et l’homme se présente comme un simple citoyen gabonais engagé et soucieux de l’avenir son pays. Ni plus, ni moins. Et pourtant, M. Michel ONGOUNDOU LOUNDAH a roulé sa bosse et troque d’innombrables casquettes : acteur politique, cet opposant gabonais, ex-réfugié politique en France est militant de l’Union Nationale (UN) et membre du mouvement des Souverainistes. Journaliste, il est, entre autre, fondateur du magazine BlackMen et du premier journal satirique panafricain, Le Gri-Gri International
Entretien
Qui est Michel ONGOUNDOU LOUNDAH
MOL. : Ça c’est la question piège (rire) ! Je suis un simple citoyen, un Gabonais au milieu d’autres Gabonais. Je n’ai ni doctorat, ni agrégation à revendiquer. Je suis un enfant du peuple, militant politique de l’Union Nationale (UN) et membre du mouvement des « Souverainistes ».
Vos interventions en tant que membre très actif de l’opposition sur le terrain au Gabon se font au sein d’un courant appelé «LES SOUVERAINSTES». Ce mouvement est-il un simple courant au sein de l’Union Nationale, parti de l’opposition ou un parti indépendant qui est accolé à l’Union Nationale ? - Quelle est l’origine de ce mouvement ?
MOL. : Je vais commencer par vous dire ce que nous ne sommes pas : les Souverainistes ne sont ni un parti politique ni un appendice de l’Union Nationale. Ceci précisé, je vais maintenant essayer de faire un peu de pédagogie, car il y a beaucoup d’amalgame et de confusion à propos des Souverainistes.
C’est-à-dire ?
MOL. : L’idée fondatrice de notre mouvement est simple : si l’on veut implanter la démocratie dans le pays, il faut commencer à la pratiquer dans nos partis politiques et associations. Pour nous, il n’y a pas de démocratie à géométrie variable.
Partant de ce principe, nous avons voulu rappeler que dans les partis politiques, le pouvoir appartient aux militants. Ce sont ce sont eux qui font vivre les partis et non l’inverse. Quant aux dirigeants, nous le savons tous, leurs missions essentielles sont l’administration, la coordination et la représentation. L’époque des présidents-fondateurs et autres leaders providentiels omniscients est révolue !
A l’échelle du pays, cette vision que nous nous attachons à mettre en avant est tout aussi incontournable car le pouvoir souverain appartient au citoyen, donc au peuple. Les dirigeants n’ont qu’un pouvoir délégué et limité à la fois dans le temps et dans son exercice. Si vous prenez l’exemple des Etats-Unis ou de la France, vous entendrez toujours dire, à propos de leurs présidents, que tel est « locataire de la Maison Blanche » ou « locataire de l’Elysée ». Pourquoi ? – parce que chacun sait, dans ces régimes, que l’on est que de passage. Or, chez nous, la mentalité de présidence à vie a amené certains Gabonais à considérer le pouvoir et le palais présidentiel comme appartenant à la famille Bongo. Nous avons donc voulu briser ces chaines mentales, mais en partant de la base, c’est-à-dire des partis politiques où la citoyenneté doit véritablement s’exprimer.
C’est ainsi qu’est né le courant « Souverainiste » au sein de notre propre parti, l’Union Nationale.
Il y a pourtant des incompréhensions qui se font entendre ci et là au sujet des souverainistes au sein de l’Union Nationale, vous n’allez pas me dire le contraire?
MOL. : C’est incontestable ! D’ailleurs cela était même prévisible. Mais je dois vous dire que malgré les obstacles et les pressions nous avons persisté dans notre démarche. Vous savez, un citoyen ou un militant digne de ce nom n’a besoin de la permission de personne pour exercer ses droits. Chemin faisant, nous avons été rejoints, dans un premier temps, par les responsables et militants de l’UPGL (Union des Patriotes Gabonais Loyalistes), puis par des acteurs de la Société civile, mais aussi par des personnalités indépendantes. Du coup, ce qui était à la base un simple courant au sein de l’Union Nationale est devenu un mouvement citoyen transversal.
Que nous soyons incompris, critiqués ou même diabolisés ne nous étonne pas : nous sommes une curiosité, une sorte d’« ovni » dans le paysage sociopolitique gabonais que certains veulent enfermer dans un archaïsme désuet. Nous assumons totalement notre différence en sortant des schémas classiques où l’on confond « la discipline du parti » avec la sujétion et la subordination.
Maintenant que vous êtes une référence quand on parle de l’opposition gabonaise, qu’est-ce que cela vous fait en tant que membre fondateur ?
MOL. : A titre personnel je n’en tire aucune gloire car l’essentiel est ailleurs. Je veux juste que les Gabonais aient toujours à l’esprit qu’un parti politique n’est pas une secte avec un gourou à sa tête qui pense et décide pour tout le monde. C’est pour cela que, régulièrement, nous invitons avec force nos compatriotes à refuser la pseudo-démocratie gabonaise qui est caractérisée par une prolifération de petits partis uniques créés sur le modèle du PDG et dirigés par des présidents à vie. Vous savez, le « pédégisme » ce n’est pas qu’une question d’appartenance partisane, c’est un état d’esprit, une manière de voir la société, une conception assez particulière de la démocratie…
Qu’est-ce que M. JEAN PING a apporté de plus et de précieux au mouvement Souverainiste ?
MOL. : Ainsi posée, la question peut prêter à confusion. Aussi, si vous permettez, je vais retracer l’histoire de notre relation avec monsieur Jean Ping. A la base, le courant souverainiste issu de l’Union Nationale est majoritairement composé de partisans et de plusieurs ministres du défunt président élu André Mba Obame. C’est à ce groupe que j’appartiens. Quand nous avons constaté que l’indisponibilité pour cause de maladie de M. Mba Obame avait plongé l’opposition dans une certaine léthargie, et même dans une espèce résignation, nous avons décidé de réagir. Il nous fallait trouver des ressources – humaines, d’abord – pour relancer le combat.
Dans un premier temps, nous avons regardé dans notre propre environnement politique, mais à la réflexion nous nous sommes résolus à aller chercher une personnalité qui pouvait transcender les partis politiques. Sur la base d’un certain nombre de critères, nous avons porté notre choix sur trois compatriotes, mais je me contenterai de vous citer Jacques Adiahiénot et Jean Ping.
Alors ?
MOL. : A la fin, c’est monsieur Ping qui est sorti en premier. C’était à la faveur d’un séminaire que nous avions organisé en février 2014. A cette occasion-là, les Professeurs Albert Ondo Ossa et Pierre-André Kombila avaient délivré de très brillantes communications. Au nombre des critères que nous avions définis, il y en avait un qui nous tenait particulièrement à cœur : si André Mba Obame revenait, nous devrions tous nous ranger derrière lui. M. Ping l’a accepté, et c’est ainsi que notre collaboration a pu véritablement se matérialiser.
Contrairement à ce qui se dit ici et là, au début, M. Jean Ping était réticent à s’engager politiquement, car, nous disait-il, il aspirait à vivre une retraite paisible. Quand nous lui avons fait comprendre que son pays avait besoin de lui, il s’est ravisé. Ça, ce sont les faits, tout le reste n’est que pure spéculation.
Pour répondre directement à votre question, je vous dirais simplement que M. Ping a apporté aux Souverainistes une plus grande visibilité eu égard à sa notoriété. En retour, nous lui apportons ce qui manquait le plus à son bagage politique, le terrain, le contact avec le Gabon profond, car il ne faut pas oublier que Jean Ping a passé plusieurs années à l’étranger, notamment aux Nations unies et à l’Union Africaine. Nous sommes donc dans une relation de complémentarité avec M. Ping.
Monsieur Eyeghe Ndong dit avoir réfléchi et vu que M. Ping était le meilleur candidat pour contrer le candidat du pouvoir en 2016 et ce, sans consulter les autres partenaires du Front de l’opposition. N’est-ce pas un peu cavalier?
MOL. : Si l’on veut libérer le Gabon, il nous faut sortir du charlatanisme politique, des suspicions permanentes et des procès en sorcellerie. Nombreux, parmi les personnes qui commentent la sortie de Jean Eyeghe Ndong n’ont pas lu son discours. Ce que je retiens de ce qu’il a dit, c’est qu’il estime que M. Ping est la personnalité la plus apte à porter le leadership de l’opposition. Ça veut dire qu’il portera nos revendications. Jean Eyeghe Ndong n’a jamais dit qu’il fallait à l’élection dans les conditions institutionnelles actuelles. Pour lui, nous devons nous organiser autour d’un leader afin de contraindre le pouvoir illégitime d’Ali Bongo à réviser complètement les conditions de l’élection.
Contrairement à tous ceux qui s’agitent dans l’ombre, il aurait pu valablement être ce leader-là : ancien Premier ministre, il est celui qui, dans l’Union Nationale, arrivait en tête dans l’estime des militants après André Mba Obame. En plus, lui, il a une véritable base politique. Il l’a encore prouvé récemment en remportant de manière éclatante les dernières élections locales dans son fief. En dépit de tous ces atouts, il a estimé, en patriote responsable, que Jean Ping était plus à même que lui d’incarner notre combat contre les imposteurs qui sont au palais. C’est son choix. Je veux juste rappeler qu’en 2009, il avait eu une attitude similaire en se désistant au profit d’André Mba Obame.
Quelles sont, selon vous, les préalables que doit remplir l’actuel gouvernement pour aller aux présidentielles 2016 ?
MOL. : Pour nous l’urgence, ce n’est pas 2016, mais plutôt la tenue sans délai d’une conférence nationale souveraine qui mettra à plat toutes les institutions. Cet appel à une concertation des forces politiques et sociales de notre pays n’est pas une vue de l’esprit, puisque ce point de vue est soutenu à la fois par les autorités françaises et par le représentant du Secrétaire général des Nations-Unies en Afrique Centrale.
Les Gabonais doivent se parler afin de décider de commun accord du type de société que nous voulons. Je voudrais rassurer ceux qui redoutent la conférence nationale souveraine, ce ne sera pas un tribunal, personne ne viendra pour régler des comptes à personne. Ils doivent savoir que ceux qui rendent le changement pacifique impossible créent les conditions pour un changement dans la violence.
Quel rôle pour la diaspora gabonaise et en particulier celle de France dans ce combat ?
MOL. : En tout cas, nous au sein du mouvement des Souverainistes, nous appelons tous nos compatriotes à prendre toute leur part dans le combat qui est celui de la libération de notre pays. Nous ne pensons pas que la solution aux problèmes du Gabon soit l’apanage d’un parti politique ou d’un groupe d’individus. Si c’était le cas, cela se saurait. Comme dit l’adage, « un seul morceau de bois donne la fumée, mais pas le feu ». Avis aux adeptes de l’enfumage…
Dans l’avenir où voyez-vous M. ONGOUNDOU ?
MOL. : Je vais certainement vous surprendre, mais une fois le Gabon libéré, je me vois très bien dans mon village natal, à Okondja. Je ne suis pas un professionnel de la politique, je ne vis pas de la politique. Même si je la fais sans l’aimer, je donne le meilleur de moi-même en politique car je suis un homme d’engagement. Et mon engagement c’est la libération du Gabon.
Propos recueillis par : Anne Marie DWORACZEK-BENDOME
Publié, le 11 juillet 2015.