Depuis plusieurs années, les communautés villageoises du Gabon dénoncent l’abandon massif de bois coupé par les sociétés forestières. Aujourd’hui l’attrait pour les essences aussi nobles que le Kévazingo dont le mètre cube atteint sur le marché international 1,2 million de francs ou encore le Moabi, les exploitants forestiers sont de plus en plus enclins à emporter et vendre ces essences prisées et à abandonner dans leurs parcs ou en bordure de route des milliers de mètres cube, sous le regard amer des villageois qui ne peuvent pas l’utiliser sous peine d’interpellation.
Du Bois à la traîne, le spectacle est vécu comme une trahison par les populations de Yen, Djidji ou Oussa dans l’Ogooué-Ivindo mais aussi par celles de Zanaguè dans le Woleu-Ntem. Les sociétés forestières coupent le bois puis abandonnent les pièces peu intéressantes pour leurs bénéfices. La règle est d’or. Une situation qui pose le problème de la crédibilité des sociétés forestières et la responsabilité de l’administration des eaux et forêts qui répond peu présente dans les villages victimes du phénomène, selon les habitants eux-mêmes. « Ce bois là tu ne peux pas toucher mais il est là, il pourrit. Quand tu sais que ce bois peut servir à nous autres et que les Eaux et Forets et les sociétés forestières ne font rien, ça fait mal au cœur », lance Pierre du village Yen dans le département de la Mvoung.
Le cas est suffisamment flagrant que plus personne n’en parle comme un tabou. Les vieillards et les jeunes dénoncent la surexploitation du bois et l’incapacité des exploitants à tenir leurs engagements. Surtout indexées, les entreprises chinoises qui coupent tout et n’importe quoi, à un rythme effréné.
Abandonné ainsi, ce bois ne peut cependant pas être récupéré par les populations villageoises sans l’accord des eaux et forêts. L’omniprésence du phénomène montre bien que l’intervention et les contrôles de l’administration des Eaux et Forêts sont irréguliers et que les sociétés forestières ne cèdent pas toujours aux doléances des communautés villageoises qui peuvent utiliser ces mètres cubes pour des actions d’intérêt général. Un gaspillage qui fonde la colère des villageois.
La gestion de ces stocks est évidemment difficile. Certains notables, pour certains des juristes ou des agents des Eaux et Forêts retraités, suggèrent une loi qui permettrait aux villageois de récupérer systématiquement et sans autorisation tout bois abandonné dans un parc ou en bordure de route pendant au moins six mois.