Dans l’interminable feuilleton judiciaire pour le contrôle de l’entreprise Pogab, le président de la Cour d’Appel a reçu beaucoup d’argent en vue d’en renverser le verdict. Haro sur les ripoux du système judiciaire gabonais.
«Nous voulons avoir des juges honnêtes, compétents et équilibrés, des hommes de bien, animés par le souci constant d’une justice qui fait respecter le droit. Nous voulons une justice équitable et impartiale, une justice efficace, rapide et humaine, bref une justice juste. Le juge devrait donc être un homme de bien, c’est-à-dire vertueux, car (…) les serments du magistrat nous rappellent les valeurs qui fondent l’exercice de notre profession et qui, si chacun en avait conscience, feraient des magistrats les porte-flambeaux de la vertu dans la République», indiquait Martin Akendengué, 1er président du Conseil d’Etat, le 4 octobre 2010, devant Ali Bongo, président de la République, dont c’était alors la toute première rentrée judiciaire après son arrivée au pouvoir le 16 octobre 2009. Un vœu pieux, pourrait-on dire aujourd’hui.
En effet, la corruption tant décriée dans l’administration gabonaise, notamment au sein de l’appareil judiciaire, fait encore parler d’elle à la Cour d’appel judiciaire de Libreville. Dans la célèbre affaire opposant le franco-libanais Ghassan Bitar et le groupe chinois François Wu & Guohua Zhang qui se déclarent tous les deux propriétaires de l’entreprise Pogab, filiale gabonaise de l’entreprise française de contreplaqué Plysorol, le premier cité vient de prendre avantage sur son adversaire : il s’est fait recevoir par le président de la Cour d’appel de Libreville. «D’importants pots de vins ont été versés et la messe est désormais dite», confie, indigné, une source des services de renseignements.
Sans xénophobie aucune, pour avoir comme acteur un franco-libanais, ces dessous de table autour du contrôle de Pogab ramènent au souvenir de l’affaire Hachem Lemami, entrepreneur Gabonais d’origine libanaise, épinglé l’année dernière dans le dossier des fêtes tournantes. De sa prison préventive, celui-ci a été victime d’escroquerie : de hauts magistrats et des agents de la gendarmerie lui ont soufflé, selon de nombreux journaux locaux, la bagatelle de 200 millions de francs CFA en échange de sa liberté. Des noms ont circulé dans la presse, parmi lesquels des personnalités haut placé du tribunal et un avocat.
Le système judiciaire gabonais est-il donc si truffé de ripoux ? Ce qui se trame autour de l’affaire Pogab et sur laquelle Gabonreview reviendra prochainement, fait également penser au feuilleton judiciaire de Me Louis-Gaston, dans lequel deux magistrats avaient joué des rôles principaux infâmes. L’un d’eux s’était fait «acheter» pour étouffer une affaire aussi grave que la fabrication de la fausse monnaie. La corruption s’est-elle donc si profondément incrustée dans les mœurs de ces hommes et femmes payés et nommés par l’Etat pour rendre la justice ? Jusqu’où peut aller un juge qui rend la justice «au nom du peuple gabonais» pour en fausser le verdict ? Les espèces sonnantes et trébuchantes permettent-elles aujourd’hui de violer tous les serments ? Affaire à suivre.