La réunion du Comité permanent du Bureau politique du PDG, vendredi dernier, au palais présidentiel, devait amener à plus de sérénité dans les rangs du parti au pouvoir, mais certaines réactions font croire que tout n’a pas été réglé par la seule dissolution du Mogabo, de Renaissance et du courant «Héritage et Modernité». Pour Alexandre Barro Chambrier (ABC) qui répond aussi, sur sa page Facebook, à Ali Bongo Ondimba (ABO), il faut appliquer les idées d’Héritage et Modernité au sein du parti, puisque le président du PDG les trouve «bonnes».
Quand on regarde la page Facebook de certains de ses responsables, on se rend compte que le Parti démocratique gabonais n’a pas pansé ses plaies vendredi dernier. Pour commencer, cette réunion a été plombée par la démission de ses rangs d’un ancien Premier ministre ! Raymond Ndong Sima, qui avait déjà démissionné en octobre 2014 du Bureau politique, a annoncé, ce jour-là sur les antennes de la radio internationale RFI et, la veille, sur sa page Facebook, qu’il quittait définitivement le parti de Louis. Beaucoup de responsables PDG ont salué la décision de l’ancien Premier ministre, et se désolent, comme celui-ci, de ce que la parole ne soit pas véritablement libérée dans le parti ; certaines critiques, même constructives, étant considérées en haut lieu comme «venant forcément d’aigris n’ayant plus rien à se mettre sous la dent».
Pour sa part, Alexandre Barro Chambrier, chef de file des frondeurs, fait part, sur son mur Facebook, de quelques observations. «Pour le moment, dit-il, il n’y a ni vainqueur, ni vaincu, il nous faut rester mobilisés et rassemblés et faire gagner le Gabon». Demandant, «si les idées d’Héritage et Modernité sont bonnes (comme l’a dit le président du PDG – ndlr), pourquoi ne pas les appliquer sans faux fuyant dans le parti», il réitère certaines des propositions lancées par son groupe le samedi 27 juin à la Chambre de commerce de Libreville, à savoir, entre autres, l’instauration de la démocratie interne au sein du parti. Barro Chambrier et ses amis marquent ainsi leur désaccord sur la décision du président du parti de dissoudre les courants. Et d’indiquer par ailleurs, «peu importe ce que certains pensent de nous», il faut aller à une modernisation du parti. Last but not least, l’élu du 4ème à Libreville a tenu à rappeler «qu’un dialogue est nécessaire avec nos frères de l’opposition». En reprenant mot à mot ce qu’il avait dit une semaine auparavant, ABC n’a-t-il pas ainsi voulu répondre à ABO ?
Au sein de l’Assemblée nationale et du Sénat, «haut lieu de la contestation», de nombreux parlementaires interrogés, tout au long de ce week-end, ont dit que si les associations ou courants à problèmes sont dissous, le malaise que connaît le parti, lui, ne s’est pas dissous. Trop de problèmes restent en suspens, et notamment celui lié au rôle du cabinet du président du parti. «On ne sait pas si le cabinet a prééminence sur le Secrétariat exécutif», dit un député. Un autre se demande «pourquoi le cabinet du président du parti est mieux fourni en moyens que le Secrétariat exécutif qui pourtant gère le parti au quotidien».
Dans les fédérations, les avis sont plus partagés. Certains sont même favorables à la décision du «Distingué Camarade». Au 2ème arrondissement de Libreville par exemple, on estime que «la décision de dissoudre le Mogabo et autres est une bonne chose ; le Distingué Camarade a eu le flair. Il a vu que le parti allait dans tous les sens, et que sa survie n’était pas évidente. Il a fait ce qu’il fallait faire». Une opinion réitérée dans les fédérations et sections du 5ème arrondissement. «La naissance des Mogabo, Renaissance et autres commençait à démobiliser, au lieu de rassembler ; on disait maintenant »de quel PDG es-tu ? Du Mogabo ou d’Héritage ? » Là, le chef a compris». Au 3ème arrondissement, on se satisfait de la décision d’Ali Bongo d’appeler à l’unité des troupes au sein du seul PDG. On se demande toutefois, dans les Akébé, si dans les faits, «ces microstructures» vont vraiment disparaître, «parce que quand de telles structures se créent, des amitiés aussi se créent et se renforcent ; il faut espérer que la décision du Distingué camarade sera immédiatement suivie par tous».
Au Secrétariat exécutif, l’un des secrétaires nationaux – ayant requis l’anonymat – se dit convaincu que rien ne changera après la décision du Distingué camarade. «Il a fait ce qu’il fallait faire, il a dit ce qu’il fallait dire, mais les choses resteront en l’état». Un autre, SGA, affirme que les membres du Mogabo qui devaient aller tenir des causeries citoyennes samedi et dimanche derniers à Oyem et Makokou ne l’ont plus fait ; les délégations parties vendredi ont regagné Libreville dès samedi matin. Pour lui, «seul le Mogabo jour franc jeu».
Beaucoup de militants pensent, pour leur part, que la convocation d’un congrès extraordinaire s’avère plus que jamais souhaitable. «Le congrès permettrait de réaffirmer l’unité, la cohésion et la fraternité dans la famille PDGiste», a-t-on entendu dire dans les milieux PDGistes de Port-Gentil. «Le congrès permettrait de redistribuer les cartes entre les différentes têtes d’affiche du parti», affirme un militant logovéen. Pour un militant de Ndjolé, «rien ne peut se régler si, après la réunion de vendredi, il n’y a pas un congrès de clarification et de réconciliation». «En fait, le Distingué camarade dirige le parti, comme il dirige le pays, avec un autoritarisme incompréhensible, avec du mépris pour ceux qui peuvent porter une contradiction, avec arrogance, et il a transmis cet état d’esprit à ceux qu’on appelle »les Emergents »», s’indigne un député qui soutenait la démarche des membres du courant «Héritage et Modernité», avant de conclure : «le dialogue et la tolérance ne font plus partie de leur vocabulaire. Quant à la paix, son retour est toujours attendu !»
Les observateurs pensent que c’est du dernier congrès ordinaire du PDG tenu en avril 2013, que sont nées toutes les contradictions actuelles, parce que ce congrès avait été préparé non pas par le Secrétariat exécutif plus proche de la base, mais par des membres du cabinet du président du parti. Un grand nombre d’observateurs pensent que le PDG est à la croisée des chemins. Soit il se relèvera de ses contradictions et survivra, soit il se désagrégera progressivement. «Certes, le PDG aura toujours des gens pour faire la claque à l’occasion de ses grand-messes, mais il n’aura plus de gens pour réfléchir à la stratégie», estime un sociologue enseignant à l’Université Omar Bongo.
En dépit des décisions prises le vendredi 3 juillet dernier par son principal dirigeant, le PDG n’a pas pansé ses plaies. La contestation sourde ne s’est pas éteinte. La contestation éveillée se fait encore entendre. Il faudra vraisemblablement beaucoup d’autres «3 juillet» pour ramener la paix et la concorde dans les rangs. Mais est-ce vraiment possible ?