LIBREVILLE -- Les joueurs de l’Association sportive de Mitzic (ASM) ont du talent pour remonter en première division du championnat national professionnel gabonais, a estimé, jeudi à Libreville, la présidente de ce club relégué depuis un moment en troisième division du département de l’Okano, Gisèle Laure Lanchais Eyang Ntoutoume, dans un entretien à l’AGP. Entretien.
AGP. Quelle est votre ambition après l’élimination de l’AS Mitzic en huitièmes de finale de la Coupe du Gabon ?
Gisèle Laure Lanchais Eyang Ntoutoume : Je suis très satisfaite du score réalisé contre l’AJF, lors des huitièmes de finale de la coupe du Gabon. Certes, nous avons été battus par 1 but à 0. Mais nous avons mené le jeu avant d’encaisser le but qui nous élimine dans le temps additionnel. Nos joueurs ont du talent, il leur manque un soutien matériel et un encadrement de qualité pour remonter en première division, d’ici deux ans.
S’il fallait comparer la formation d’ASM qui a séjourné cette semaine à Libreville et celle qui avait séjourné à l’INJS (Institut national de la jeunesse et des sports, ndlr.) de Libreville, lors de votre montée en première division en 2005, que diriez-vous ?
Aujourd’hui, l’ASM est équipée. Mais à l’époque, certains joueurs portaient des tee-shirts de Sobea, d’autres de Siat. Certains étaient pieds nus, d’autres avaient des plastiques, etc. Les joueurs dormaient tous par terre à l’INJS où l’équipe avait été logée. Moi j’étais venue à leur secours au milieu de la compétition pour leur apporter à manger. Aristide Mebale, le président actif de l’équipe, m’avait montré les 14.000 FCFA qui lui restaient en poche quand je suis arrivée à l’INJS, alors que l’équipe avait encore trois matches à jouer.
Et, l’ASM, semble-t-il, était montée en première division en battant une équipe pourtant mieux lotie, logée dans un hôtel de la place…
Effectivement, on avait éliminé une équipe de Port-Gentil dont les joueurs étaient logés dans des chambres climatisées d’un hôtel huppé de Libreville. Vous voyez un peu le contraste, alors que nous étions sur des nattes, par terre, à l’INJS. Et nous les avons battus pour ensuite monter en division supérieure.
Une montée qui avait tout de même été entachée du décès d’Aristide Mebale, considéré comme le père-fondateur de l’ASM…
Oui ! Aristide est tombé malade quelques heures après notre victoire, avant d’être hospitalisé. J’ai dû accompagner l’équipe à Mitzic, à la place d’Aristide, à qui j’avais dit exactement ceci : ‘’il faut que tu te relèves vite parce que tout le monde t’attend au village. A Mitzic, tout le monde est au courant que l’équipe est montée en première division. On ne peut pas fêter sans ta présence parce que ASM c’est toi, tout ce que tu gagnes c’est pour ASM’’. Malheureusement, Aristide est descendu à Mitzic dans un cercueil.
A vous entendre, après l’électrochoc causé par le décès d’Aristide personne n’a voulu prendre sa succession ?
Aristide avait donné toute sa vie à l’ASM et l’équipe s’est retrouvée pour la première fois en assemblée générale sans lui. On a demandé dans la salle, alors que nous étions en assemblée générale, maintenant qu’Aristide est décédé et que l’équipe va en première division, qui prend en mains ASM ? La salle est restée silencieuse, personne n’a levé le doigt. Il y avait un responsable de la SEEG, un ressortissant de l’Estuaire, de Cocobeach plus exactement. On a voulu lui confier la responsabilité, mais il a décliné la proposition. Il a dit qu’il donnait un coup de main à Aristide parce qu’il aime le foot, mais il a estimé que n’étant pas de Mitzic, il ne pouvait pas prendre l’équipe, et qu’en plus il n’en avait pas la capacité.
Que s’est-il passé par la suite ?
Un des joueurs de l’équipe s’est levé et a dit ceci : ‘’Gisèle s’est occupée de nous. Est-ce qu’on ne peut pas lui confier la responsabilité du club’’. Et, en fin de compte, tous les joueurs se sont levés et ont porté leur dévolu sur moi. Voilà comment j’ai été portée à la tête de l’ASM, sans avoir aucune notion technique de football, alors que je n’ai jamais joué au foot. J’ai joué seulement au tennis, j’ai fait de la danse classique.
Vous n’aviez aucune notion en football, mais vous deveniez alors la seule femme dirigeante d’un club de D1 au Gabon, pourquoi avez-vous accepté ce défi dans un milieu masculin ?
Mais devant le talent de ces enfants qui n’avaient besoin que d’un soutien matériel et financier, d’un encadrement digne, je ne pouvais, franchement, pas dire non. J’ai accepté. Je n’étais pas encore députée, encore moins ministre, mais cela valait la peine de les accompagner.
Vous vouliez que votre équipe soit professionnelle avant l’heure en commençant par bâtir un stade comme cela se fait quand on monte en Ligue 1 en France. Pourquoi ce projet est-il parti en fumée ?
J’avais initié la construction d’un stade chez nous, sur la route de Feksoloh, un quartier de Mitzic ; parce j’estimais qu’on ne pouvait pas être en première division et ne pas avoir un stade. On devait accueillir chez nous et puis ça allait nous faire rentrer un peu d’argent. Malheureusement, la personne à qui j’avais confié les travaux, un fils de Mitzic, a empoché l’argent sans rien faire. Le gravier, les briques, le peu de sable qu’on avait pu stocker est aujourd’hui noyé dans la brousse. Je tais le nom de ce frère par discrétion, mais vous devez le connaître, renseignez vous.
Est-ce que vous vous sentez réellement chez vous quand vous jouiez au stade Akoakam d’Oyem ?
Quand on recevait c’était compliqué. Je me souviens d’un match contre FC 105. On s’est rendu compte que les Oyemois ne nous soutenaient pas. Lorsqu’ un fils de Mitzic avait le ballon, ils le perturbaient. Mais quand un joueur du FC 105 avait le ballon, on voyait les tribunes se soulever : on a compris qu’on n’était pas chez. Nous avons battu le FC 105. Mais on n’a pas pu jubiler au stade. Nous sommes tout de suite montés dans le bus, en direction de Mitzic où des populations en liesse nous attendaient depuis Metuigne en passant par Nkolalam, jusqu’au centre-ville.
Certaines langues avancent que vous avez confisqué ASM…
On n’avait jamais eu de soutien. Nous avons mis en place un bureau. Mais je ne me souviens même plus des noms des personnalités qui étaient dans le bureau avec moi car je ne les avais jamais vus. C’était même devenu comme une affaire personnelle, à moi seule. Donc, on ne peut pas dire que j’ai confisqué l’équipe.
Que sont devenus les cinq bus de transport que vous avez achetés pour que l’ASM ne dépende plus de la subvention de l’Etat ?
Ces cinq bus, je les avais achetés pour rendre mon club vraiment professionnel. Il s’agissait en fait d’une agence de voyage qui devait transporter les passagers entre Mitzic et Libreville. Car les bus des agences d’Oyem et de Bitam ne prenaient pas souvent les passagers de Mitzic en dépit des réservations faites à l’avance. Un voyage par bus, aller et retour, devait nous rapporter 500 000 FCFA. Et pendant les matches, ces bus étaient censés transporter les supporters et les joueurs. J’avais pensé que je créais aussi cinq emplois au moins. Mais quand un bus démarrait avec les passagers à Mitzic, je n’étais informée qu’une semaine après, ou lorsqu’il y avait un accident. C’était ainsi tout le temps. J’ai eu peur et j’ai préféré arrêter les frais avant qu’un des bus de l’ASM ne tue quelqu’un et que l’on ne m’accuse. J’ai revendu ces bus à vil prix, alors que je continuais à rembourser les crédits contractés pour les acquérir.
Il se dit également que vous avez laissé tomber ASM...
J’ai connu des évènements douloureux dans ma vie. J’ai failli mourir dans la nuit du 1er au 2 mars 2012 ; Huit bandits se sont introduits dans ma maison, ont scotché ma bouche, bandé mes yeux ont attaché mes bras derrière. Ils ont aussi attaché mes jambes. Ils m’ont dit qu’ils avaient été payés pour me tuer et pour enlever mon fils. Cette affaire a été à la ‘’une’’ de tous les journaux. Ce n’est donc pas par gaité de cœur que j’ai quitté mon pays, mes frères, sœurs, ma mère, pour m’exiler en France. Je n’ai donc pas abandonné l’équipe, comme certains le pensent.
A votre retour de France, vous avez donc repris l’équipe en main ?
Quand je suis arrivé à Mitzic, il y a quelques temps, on m’a dit qu’il manquait 50 000 F CFA à l’ASM pour aller jouer en Coupe du Gabon à Oyem, sinon c’était un forfait. Ça m’a fendu le cœur parce que chaque fois que j’entends quelque chose qui concerne ma localité, je cours vite mettre ma pierre à l’édifice. En plus, j’ai appris, qu’ayant été élue en assemblée générale, à la tête de l’ASM, il fallait une autre assemblée générale pour me démettre de mon poste. Autrement dit, je me dois encore de jouer mon rôle de présidente de l’équipe.