Libreville, Gabon – A un an de l’élection présidentielle, pour laquelle l’actuel chef de l’Etat, Ali Bongo Ondimba est l’un des potentiels candidats, le parti qui l’a porté au pouvoir se déchire et menace d’imploser.
« Un mauvais vent souffle et risque d’emporter le parti », constate et se désole Jean Martin Ndombi, un militant de base du Parti démocratique gabonais (PDG, ancien parti unique au pouvoir depuis 47 ans). M. Ndombi vient d’assister samedi à la sortie officielle d’un nouveau courant politique créé au sein du parti.
Une vingtaine de députés et d’anciens ministres ont annoncé samedi à Libreville la création au sein du PDG d’un courant politique baptisé « héritage et modernité ». L’objectif pour ces désormais frondeurs, est d’assumer l’héritage d’Omar Bongo Ondimba, président fondateur de ce parti dont l’histoire se mêle étrangement à la vie politique du Gabon.
Créé le 12 mars 1968, le PDG est aussitôt proclamé Parti-Etat. Devenu de facto parti unique, il dirige le pays sans partage jusqu’en 1990, date du retour au multipartisme après une houleuse conférence nationale. Soumis à la concurrence des partis nouvellement créés, le PDG tangue mais résiste et conserve le pouvoir depuis 47 ans. Une longévité qui lui vaut le reproche d’être la source des malheurs de ce petit pays pétrolier du golfe de Guinée où circuler en voiture, scolariser ses enfants ou encore se soigner est un véritable casse tête chinois.
Les députés et leurs camarades frondeurs, disent assumer ce passif tout en souhaitant révolutionner la gestion du parti et du pays. Le principal obstacle, selon eux, c’est l’entourage du chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba. Les hommes du président sont « d’habiles profito-situationnistes, aux chaussures enfoncées dans la boue des chemins tortueux de l’enrichissement astronomique dans cause », dénoncent les frondeurs dans une déclaration lue devant un public nombreux par Alexandre Barro Chambrier, ancien ministre du Pétrole d’Ali Bongo Ondimba à la touche depuis plusieurs années.
La méthode d’Ali Bongo à l’origine de la crise ?
« Aussi, nous lançons un appel au Président de la République, afin qu’il se mette à l’écoute de tous, et qu’il brise sans délais la gaine, le carcan, l’armure clanique dans laquelle le pays entier, interloqué et consterné, le découvre vêtu par un petit groupe de prétendus « proches », à la légitimité politique douteuse et à la compétence technocratique toujours attendue », hurlent les frondeurs qui malgré une telle violence des propos réaffirment leur appartenance, sinon leur enracinement aux idéaux du parti.
« Cette sortie est la preuve du malaise profond qui ronge le PDG », estime Martin Mbomo, jeune sociologue.
L’ancien parti unique, selon lui n’a pas complètement fini le ménage « forcé » entamé après la disparition de son président fondateur le 8 juin 2009. En effet après l’annonce du décès d’Omar Bongo Ondimba, plusieurs barons se sont précipités dans l’opposition pour espérer lui succéder par les urnes. D’autres ont préféré la fidélité en restant dans la barque qui prenait l’eau de tous les côtés.
Elu président de la République, Ali Bongo Ondimba a donné un grand coup de balai en vidant du palais présidentiel, du gouvernement et de l’administration plusieurs icones du long règne de son père Omar Bongo Ondimba. Un « tsunami » qui lui attire des rancœurs jusqu’à ce jour. D’autres cadres sont toujours dans le système mais ont perdu leurs privilèges. « La montée d’une nouvelle élite est perçue comme un affront, une gifle contre ces anciens patrons qui ont toujours été du côté où l’on partageait le gâteau », poursuit le sociologue Mombo.
Congrès de clarification
« Nous ne sommes pas là pour défendre ces petites positions », a rétorqué samedi, Denise Mekamne, une proche d’Ali Bongo Ondimba. Porte Parole du gouvernement, Denise Mekamne est aussi membre du Mouvement gabonais pour Ali Bongo Ondimba (MOGABO), un mouvement politique créé par des très proches du chef de l’Etat dans la perspective de l’élection présidentielle de 2016.
La création entre mars et avril dernier de ce mouvement par des fidèles lieutenants d’Ali Bongo Ondimba a davantage creusé l’écart sinon exposé au grand jour la scission entre les anciens barons et la nouvelle garde.
Plusieurs politologues considèrent le MOGABO comme un PDG bis même si ses fondateurs, notamment, Pacôme Moubelet Boubeya, coordonnateur général, par ailleurs Directeur de cabinet du président du PDG s’efforce d’expliquer qu’il s’agit d’un cercle de défense d’Ali Bongo contre les attaques de ses adversaires et aussi un cercle de soutien à l’action politique de cet homme d’Etat.
La vielle garde, détentrice des reliques du parti, ne cache plus son exacerbation. « Personne ne peut gagner tout seul », a sagement conseillé, Faustin Boukoubi, le Secrétaire général du parti dans une longue interview au quotidien gouvernemental L’union. Le Secrétaire général, autrefois très puissant, est devenu l’ombre de lui-même.
« Nous sollicitons la tenue d’un congrès extraordinaire dit de clarification », urgent les frondeurs se positionnant comme les véritables héritiers des idéaux du parti.
Ali Bongo Ondimba n’a pas encore réagit. Toujours est-il que ces querelles longtemps maintenu en sourdine explose en plein jour au moment où l’opposition resserre les rangs et tente de désigner un candidat unique pour conquérir le pouvoir par les urnes à l’issue de la présidentielle de 2016.