Dans une lettre ouverte au président français et à son peuple, la société civile libre revient sur l’adoption et la ratification de la convention de l’OCDE pour la lutte contre la corruption de 1997 et la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, ainsi que plusieurs autres actes européens que la France s’est engagée à respecter et appliquer, aussi bien sur son sol qu’à l’étranger. Marc Ona Essangui et ses compagnons préviennent contre toute intention maladroite qui viserait à choisir ou imposer au peuple gabonais un candidat qu’il ne reconnaît pas. «À ce jeu, c’est la France qui risque de tout perdre, car jamais on n’a vu le peuple gabonais aussi déterminé à chasser un imposteur du pouvoir afin de donner la place à l’alternance. En 2016, le slogan populaire est tout sauf un Bongo. La seule évocation de ce nom entraine aujourd’hui une répulsion quasi-générale de la population», indiquent-ils.
Pour les membres de la société libre, il est primordial pour la France de corriger sa position maladroite, car le peuple gabonais, après plus d’un siècle de colonisation française, aspire à plus de liberté, de souveraineté et à un peu de bonheur, comme le peuple français et tous les autres peuples de la terre. «Rien ne peut arrêter un peuple ivre de liberté tel que l’a exaltée le poète surréaliste Louis Aragon», lancent-ils. Réprouvant vivement le traitement administré par la France à ses anciennes colonies, surtout celles qui constituent son «pré-carré africain », terres de prédilection de la Françafrique, riches de leur sous-sol qui servent de «greniers» au pays de Rousseau, Montesquieu, Voltaire et Victor Hugo, la société civile s’interroge sur les raisons du soutien de la France à une personnalité devenue président de la République sans produire un acte d’état-civil authentique et qui s’entête à se maintenir voire à concourir de nouveau, en dépit de ce handicap majeur.
Pourquoi l’Élysée accepterait d’adouber quelqu’un qui, en six ans seulement de «gouvernance», a mis le pays en quasi-cessation de paiement ? Pourquoi soudainement, contrairement à sa logique mercantiliste, la France accepterait-elle de se compromettre avec quelqu’un qui a autant mis à mal ses intérêts en offrant les plus gros marchés aux Malaysiens, Chinois et Marocains, ses nouveaux compères ? Au nom de quels autres intérêts va-t-elle choisir de sauver le soldat Ali Bongo, laissé par le «parrain Sarkozy» ?
En attendant les réponses de François Hollande, à qui le bénéfice du doute est encore accordé pour avoir assuré à Dakar, lors de son premier déplacement en Afrique à l’issue de son élection à la présidence de la République française, «le temps de la Françafrique est révolu : il y a la France, il y a l’Afrique, il y a le partenariat entre la France et l’Afrique, avec des relations fondées sur le respect, la clarté et la solidarité», la société civile libre recommande, au nom de la «liberté», que le peuple français laisse les Gabonais choisir eux-mêmes, enfin, et en toute liberté, leur futur dirigeant dans une élection transparente, démocratique et crédible, sans effusion de sang cette fois-ci. «En reconnaissant enfin aux Gabonais le droit de décider librement de leur destin en 2016, la France pourrait réparer les profondes blessures qu’elle a infligées à l’âme de ce peuple et par la même occasion transfigurer nos relations séculaires…De grâce, ne nous imposez plus un candidat de votre choix, ce que le peuple français ne pourrait jamais accepter d’un autre pays», lancent les auteurs de la lettre ouverte, avant de paraphraser Jean Jaurès : «A celui qui n’a rien, la patrie est son seul bien. Nous aussi, nous aimons la nôtre jusqu’à la dernière fibre de nos êtres à l’instar du peuple français qui aime la France».