Libéré après 5 jours de garde à vue, le directeur de l’hebdomadaire Ezombolo, raconte les conditions de sa détention dans un cachot de la direction générale de la Contre-ingérence et de la Sécurité militaire (B2).
Gabonreview : Quelles ont été les conditions de votre arrestation et celles de votre détention au B2 ?
Jean de Dieu Ndoutoum-Eyi : Comme tout journaliste au Gabon, j’avais déjà été approché, et j’ai eu vent de ce qu’à la suite d’un article paru dans le dernier numéro de l’hebdomadaire Ezombolo, rapportant une dispute entre le président de la République, son directeur de cabinet et le ministre la Défense nationale, je faisais l’objet d’une plainte émise au B2 par le dernier cité. Information qui s’est avérée vraie quand mardi 5 mai 2015, à 9 heures, à mon domicile, j’ai été arrêté par des éléments de la direction générale de la Contre-ingérence et de la Sécurité militaire, qui ont dit me rechercher activement depuis le 23 avril 2015. Une interpellation qui s’est d’ailleurs faite sans mandat et en dépit de l’état de santé de ma femme, malade ce jour-là, et sans accorder le moindre respect à notre intimité.
Là-bas, je reconnais ne pas avoir été brutalisé. Curieusement, indépendamment des méthodes d’intimidation rapportées par la plupart de ceux qui y ont séjourné. Mais si j’ai été bien traité, il reste que sur la main courante, mon nom ne figurait pas, et à chaque fois qu’un de mes proches tentait de prendre de mes nouvelles, il lui était répondu que je n’étais pas détenu dans leurs locaux. Ce qui pourrait signifier qu’on aurait pu me faire disparaître sans qu’ils ne soient inquiétés. Ajouté à cela, j’ai été interdit de visite comme s’il s’agissait d’un criminel ou d’un bandit de grand chemin.
Le motif exact de votre arrestation ?
Ils voulaient absolument que je nomme la source qui m’avait donné l’information sur la dispute au palais du bord de mer. Parce que, dans sa plainte, Ernest Mpouhot Epigat disait ne pas se reconnaître dans les propos rapportés par le journal. Or, moi je maintiens ce qui est contenu dans le numéro incriminé. Je sais que cette information est vraie, et que mon interpellation tient plus du fait qu’elle dérange qu’elle soit supposée fausse. Face à ma fermeté, l’un d’eux m’a fait savoir que je resterais détenu jusqu’à ce que je livre ma source.
Vous avez été libéré après 5 jours de détention. Avez-vous cédé ?
Certainement pas ! Ils ont tellement insisté que je les ai orientés ailleurs, en disant que j’ai reçu l’information de plusieurs membres de la diaspora, notamment en France. C’est donc ce qui a fait quelque peu assoupir les choses. Et lorsqu’ils ont enfin consenti à me libérer, ils ont fait assortir cette libération d’une curieuse condition : celle que je fasse paraître dans le prochain numéro d’Ezombolo une lettre d’excuse à l’endroit du ministre de la Défense nationale, en plus d’un démenti relatif à l’information querellée.
Ce que vous ferez ?
Evidemment, non ! Je ne peux pas le faire ! C’est vrai que chez eux j’ai pris l’engagement de le faire mais pour moi c’était une façon de me retrouver dehors pour mieux organiser ma défense avec mes avocats et la corporation. Du coup, mercredi 13 mai prochain, le journal paraîtra. Mais je serai incapable de me dédire. Par contre, je dirai un certain nombre de choses en rapport avec la détention injustifiée de plusieurs compatriotes dans les locaux du B2 depuis plusieurs mois sans qu’aucun jugement n’ait été prononcé sur leurs cas. Ce que je condamne vivement, parce qu’un régime qui se respecte ne peut pas se comporter de cette façon. De même, quand ils disent : «force doit rester à la loi», qu’on me dise quelle loi donne l’autorisation de garder en détention des individus sans passer par le tribunal.