Alors que la charge des forces de l’ordre au fret de l’aéroport international Léon-Mba de Libreville a été vivement critiquée, certains tentent de laisser croire qu’elle était inévitable, en raison des provocations supposées de la foule.
Si le trouble occasionné peu avant le départ de la dépouille mortelle d’André Mba Obame pour Oyem a vite été imputé aux forces de l’ordre que d’aucuns ont tôt fait d’accuser de barbarie et de violence gratuite et disproportionnée, il ressort pourtant que la scène enregistrée le 1er mai dernier suscite la controverse. Pour cause : la trop grande passion des manifestants et les difficultés rencontrées par les familles biologique et politique du disparu pour canaliser la foule au cours des deux journées précédentes. Alors que le 28 avril 2015, date de l’arrivée de la dépouille de Yaoundé (Cameroun), tout s’était passé conformément au programme, sans que les obsèques n’aient eu à souffrir d’aucun débordement, la machine s’est visiblement emballée au terme de la cérémonie d’hommages politiques organisée au siège de l’Union nationale (UN), et la situation s’est davantage dégradée au cours des heures qui ont suivi, jusqu’à la charge des forces de l’ordre peu avant le départ de la dépouille.
Si les nombreux cas de blessures et autres malaises enregistrés suite à l’assaut restent à condamner, qui devrait peser davantage sur la réputation écornée des forces de sécurité, pour certains agents, le tort devrait être imputé à la population, et particulièrement aux initiateurs de cette mobilisation. «Ils n’ont pas cessé de nous provoquer durant ces derniers jours, mais nous avons reçu l’ordre de ne pas céder malgré leurs injures», a confié un agent de la Gendarmerie nationale plusieurs heures après les troubles de l’aéroport. Des propos qui pourraient se justifier par le constat fait la veille, qui a révélé que la famille d’André Mba Obame et la hiérarchie de l’UN avaient du mal à contrôler la situation. «J’ai tout fait. J’ai tenté de leur expliquer, de leur faire comprendre que nous avons trouvé un arrangement avec les agents, mais ils ne veulent rien comprendre. J’ai laissé tomber», avait alors confié Marc Ona Essangui, le 30 avril au fret de l’ADL, après que les manifestants, motivés par des rumeurs liées à la supposée présence de l’archevêque de Libreville et du président de la République sur le tarmac, aient une nouvelle fois décidé de ramener le cercueil au siège de l’UN. Ceci explique-t-il cela ?
Pour certaines victimes qui ont vu leurs véhicules endommagés, il ne fait aucun doute que la charge des agents des forces de l’ordre ait été donnée en réponse aux agissements des sympathisants. «Aussitôt le cercueil entré dans le fret, ils ont été les premiers à s’en prendre aux agents qui ont pacifiquement tenté de les dissuader de forcer le portail, en leur demandant de vider les lieux», rapporte un badaud, qui dit avoir assisté à la scène, alors qu’il gagnait la ville pour assister aux festivités liées à la fête du travail. Pour lui, le nombre de blessés et la gravité de certains accidents serait dû à la forte affluence des sympathisants dans les environs de l’aéroport, et la bousculade qui s’en est suivi, alors qu’ils tentaient de se protéger des gaz lacrymogène. «Nous avons été contraints de répondre à la violence des manifestants pour protéger les passants, et dissuader les individus qui semblaient trouver un certain intérêt à ce que la situation se dégrade. Vous verrez par vous-mêmes sur les images diffusées par TV+ que la violence part des manifestants et non des agents», a affirmé l’agent. En dépit des considérations politiques, et de la condamnation renouvelée de l’usage pour le moins excessif de la force par les agents, faut-il comprendre que les événements du 1er mai sont une conséquence de la manipulation de la foule, à l’instar de celle que plusieurs leaders de l’opposition craignaient déjà des jours auparavant ? Qu’à cela ne tienne, les responsabilités restent à clarifier dans cette affaire.