Les enseignements de la forte mobilisation enregistrée durant les funérailles du secrétaire exécutif de l’Union Nationale laissent planer le doute quant aux prochaines élections. La majorité ne peut rester insensible. Elle doit revoir sa gouvernance et restaurer la crédibilité des institutions.
Certains avaient refusé d’envisager un tel scénario. D’autres s’efforçaient d’imaginer autre chose. Il y en avait même pour laisser le sentiment de vouloir se mettre au travers du processus. Mais, ce qui devait arriver arriva : une mobilisation jamais égalée, une ferveur militante perceptible, une détermination remarquable, un sens du sacrifice admirée et surtout une discipline remarquée. L’Union nationale et plus largement le Front de l’opposition pour l’alternance peuvent désormais regarder vers l’avenir, réfléchir aux voies et moyens de capitaliser les événements de ces derniers jours.
Cette pleine et entière participation de la population aux funérailles d’André Mba Obame est, quoi qu’on en dise, un message politique de fond, adressé à l’actuelle majorité, aux institutions de la République et à la communauté internationale. De manière spontanée, les populations se sont mobilisées comme jamais auparavant, bravant les intempéries, contribuant au financement des cérémonies par l’achat de tee-shirts et prenant même le contrôle des opérations. L’inédite mobilisation de ces derniers jours traduit l’espérance suscitée au sein de la population par une partie de l’opposition. Elle est révélatrice de l’existence d’une lame de fond voire d’une volonté de tout remettre à plat. Alliage d’adhésion au changement prôné André Mba Obame et de rejet de la gouvernance actuelle, elle est une incitation à aller plus en avant sur les sentiers de la confrontation démocratique si ce n’est de la confrontation tout court. Dans un tel contexte, on peut déjà imaginer le résultat des prochaines consultations électorales. Si les précédents scrutins ont toujours été entachés d’irrégularités et dénoncés avec véhémence par une bonne partie de l’opinion, les prochains pourraient nous mener nulle part, vers l’inconnu…
Défi majeur
Visiblement désavouée par la rue, la majorité doit réagir. Rien ne serait pire que la tentation de minimiser les événements de ces deniers jours, ou d’y voir une simple péripétie, un incident de parcours sans lendemain. A la faveur des funérailles d’André Mba Obame, les masses populaires ont pris conscience de leur capacité à faire bouger les lignes, à prendre en mains des situations politiques et à s’exprimer au vu et au su des forces de l’ordre. La majorité peut-elle ne pas en tenir compte ? Même si elle a quelque peu faiblit au fil du temps, la mobilisation est demeurée forte et constante, à toute heure et en tout lieu. Mieux : entre le deuxième et le troisième jour, elle a même gagné en densité. Il est une chose : les populations se sont massivement mobilisées et ont accepté de passer par pertes et profits leurs occupations habituelles. Il est une autre : elles ont compris que la capacité des forces de l’ordre à s’imposer est inversement proportionnelle à leur mobilisation. Leur rapport à la présence policière a définitivement changé. Désormais, elles savent que la mobilisation massive est leur force et la détermination leur arme.
Avec froideur, recul et lucidité, la majorité doit réfléchir à la situation nouvellement créée, à cette perception des choses. Elle est condamnée faire face à ce défi majeur auquel se trouvent confrontées, tôt ou tard, toutes les démocraties inabouties : asseoir les institutions sur le respect du suffrage universel. Depuis le début de son mandat, Ali Bongo est accusé d’autisme et de gestion solitaire du pouvoir. Il est peut-être temps d’y remédier. Il est temps de réhabiliter la politique et tourner le dos à une gestion précautionneuse du pays. Cette lecture correspond-elle aux intérêts individuels de certains ténors de la majorité ? Sans doute pas. Mais elle peut conduire à un changement de méthode et de gouvernance. Elle peut sortir le pays de sa torpeur, de ce climat de «guerre civile froide», lui permettre de se donner un nouveau souffle et d’affronter avec sérénité les échéances futures. Il n’est nullement question de se saborder. Il est plutôt question de rendre la gouvernance inclusive, s’assurer de la durabilité des actions et tirer le meilleur parti des compétences diverses. Une concertation véritable, une capitalisation des expériences du passé ou d’ailleurs et une meilleure répartition des rôles ne seront nullement de trop. La voie semble audacieuse, mais c’est la seule qui vaille désormais. Certaines personnalités de la majorité peuvent y perdre leurs positions. Mais la majorité et le Gabon ont tout à y gagner…