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L’industrie du bois, l’avenir du Gabon
Publié le mardi 28 avril 2015   |  Le Gabon Emergent


La
© Autre presse par DR
La transformation du bois au Gabon : des chiffres encourageants


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Le passage de l’exploitation forestière à travers le négoce des grumes à l’industrialisation de la filière bois, impose au pays l’impérieuse nécessité de former dans les métiers du bois. La Suisse dans ce secteur est un partenaire privilégié du Gabon.

D’où cet entretien avec Félicien Moukagni, inspecteur pédagogique en génie bois, coordonnateur du projet de partenariat Gabon-Suisse entre le gouvernement et la haute école spécialisée de Berne (en Suisse) pour la formation des Gabonais, dans les métiers du bois.

La formation professionnelle aux métiers du bois et la recherche constituent un pan important dans le développement des filières forestières. Pouvez-vous nous présenter le projet de formation dans les métiers du bois en partenariat avec la Suisse ?

Félicien Moukagni, inspecteur pédagogique en génie bois : Ce projet englobe plusieurs volets de formation et se positionne principalement sur trois axes.

Le premier axe concerne la formation des jeunes. Le Gabon, en attendant l’ouverture de l’Ecole des mé- tiers du bois de Booué, a octroyé des bourses aux jeunes Gabonais bacheliers qui suivent actuellement une formation en Suisse.

A l'Ecole de Booué, il est prévu deux cycles de formations. Le cycle d’ingénieurs et celui de techniciens. Actuellement, ce sont 18 boursiers Gabonais qui suivent une formation dans le cadre de ce partenariat entre les deux pays et qui est entièrement financée par le Gabon.

Le deuxième axe de notre partenariat concerne la formation des formateurs. Le gouvernement gabonais a pensé juste en mettant un accent particulier sur la formation des enseignants qui piloteront les enseignements à l’Ecole de Booué. C’est dans ce cadre que ce programme a prévu la formation de 20 enseignants.

Actuellement 10 boursiers ont achevé leur formation de deux ans en Suisse et ils sont déjà rentrés au pays et restent disponibles pour l’Ecole de Booué. Nous avons actuellement 9 autres enseignants en formation et leur retour au Gabon est prévu en septembre prochain. Ils auront pour mission de faire vivre l’Ecole de Booué.

Enfin, le troisième axe de ce partenariat avec la Suisse concerne l’assistance technique.



Quelles sont les orientations données à ces enseignants formés pour l’Ecole du bois de Booué ?

Dans cette Ecole, les enseignants auront une triple mission. La première sera de donner des enseignements dans la formation initiale, la deuxième d’assurer les formations continues des professionnels qui y seront admis et la troisième d’y développer la recherche.

Il est question de proposer aux entreprises tous les services nécessaires pour les accompagner dans l’industrialisation de la filière bois. Ces enseignants, à l’issue de leur formation, assureront l’enseignement au niveau des formations initiale et continue en même temps qu’ils feront de la recherche.



Concernant l’assistance technique, comment se traduit-elle actuellement sur le terrain ?

La Haute Ecole Bernoise nous assiste dans la mise en œuvre des formations par l’apprentissage du type dual. Ces formations nous permettent à l’heure actuelle de développer, au Lycée technique national Omar-Bongo, des formations suivant le modèle suisse que nous sommes en train de contextualiser.

Le principe est que durant toute la semaine d’activité scolaire, les élèves passent 4 jours en entreprise et 2 jours à l’école. En entreprise, ils sont appelés à développer toutes les activités professionnelles, alors qu’à l’école ils viennent compléter toute la partie théorique et la formation générale.

Dans 3 ans nous pourrons délivrer un baccalauréat sur ce modèle de formation en partenariat avec des entreprises. Lesquelles entreprises deviendront, toujours sur ce modèle, une institution à part entière dans la formation, d’où le nom de la formation duale.

Cette formation a une spécificité, celle de créer une période tampon où tous les apprentis sont réunis dans un seul lieu pour développer ce que nous appelons les cours interentreprises. Il s’agit donc d’une période au cours de laquelle les apprentis vont revisiter toute la partie méthodologique.

Ils vont prendre un exercice pratique, essayer de le décortiquer et le réaliser effectivement, peu importe l’endroit où ils se trouvent, peu importe les activités qui sont développées dans cette entreprise. Il s’agit de développer en eux et de façon méthodologique les compétences qui sont attendues d’eux.

Voilà comment se présentent les trois axes sur lesquels nous travaillons avec la Suisse. Pour me résumer, nous avons, d’une part, la formation des jeunes en Suisse dans l’ingénierie et la technique de base, et, d’autre part, la formation des enseignants en deux ans pour l’obtention du Master en enseignement de manière à leur permettre de venir assurer les cours à l’Ecole de Booué.

Enfin, il y a l’assistance technique suisse dont nous béné- ficions dans le cadre de ces projets de formations par apprentissage avec les entreprises au niveau du Gabon. Port-Gentil accueillera la filière maintenance des équipements industriels



Une stratégie a été mise en place par les autorités gabonaises afin que le pays puisse transformer ses essences localement et générer une plus grande valeur ajoutée de ses ressources forestières. Quelle est votre appréciation de cette vision sur ce secteur prometteur ?

En 2009, il a été décrété l’interdiction de l’exportation des grumes du Gabon. C’est une décision salutaire pour notre économie verte, saluée à travers le monde. Une initiative bonne mais qui a mis en difficulté les entreprises forestières locales.

Toutefois, il faut savoir que l’on ne peut pas faire d’omelettes sans casser des œufs. Il y a eu forcément des retombées négatives. C’était comme si on avait fait un bon en arrière. Il faut aussi dire que, si les entreprises forestières avaient respecté le chronogramme qui avait été élaboré pour arriver progressivement à l’industrialisation de notre secteur forestier, on n’en serait pas arrivé là.

En effet, lorsque le gouvernement a mis en place ce chronogramme, les entreprises du secteur de l’exploitation forestière ont argué que les investissements étaient lourds et ont décidé de ne pas l’exécuter. Il a donc fallu à un moment donné tranché directement.

Pour nous, en tant que ministère de l’Enseignement et de la Formation professionnelle, nous avions une très lourde responsabilité. Parce que, vous vous imaginez l’argumentation des exploitants forestiers lorsqu’il était question d’interdire la commercialisation des grumes, les entreprises ont tout de suite réagi en arguant qu’elles voulaient bien de l’industrialisation du secteur bois mais qu’il manquait la main-d’œuvre pour effectuer la transformation.

Le président de la République a visité la Suisse et a noté le niveau élevé de transformation du secteur du bois. Il a ensuite estimé que les partenaires suisses étaient fiables pour accompagner le Gabon dans son processus de transformation de sa filière bois.

Le modèle de l’apprentissage de type dual est le plus approprié pour garantir à chaque partie l’assurance d’une main-d’œuvre qualifiée, formée en entreprise avec la philosophie de l’entreprise et prête à l’emploi.

Nous avons actuellement au Lycée technique deux classes qui fonctionnent sur ce modèle en menuiserie industrielle. Ce sont au total 32 élèves qui sont en apprentissage en entreprises.

Nous avons également ouvert des cours de sciage et de déroulage dans une classe de 16 jeunes élèves qui sont formés sur le modèle suisse. En perspective, nous comptons ouvrir dès l’année académique prochaine, c’est-à-dire en septembre 2015, une classe en construction bois et habitat.

Et du 28 au 31 janvier 2015, nous avons rédiger le programme de cette filière avec les entreprises afin de développer le programme de formation comme cela se fait pour les autres filières. Il sera ouvert à Port-Gentil la filière maintenance des équipements industriels au Lycée technique Jean-Fidèle-Otando.



L’on constate que le coût des produits finis de la filière bois est élevé. Comment cette question a-telle été abordée pour avoir un rapport qualité/prix compétitif à l’international ?

C’est une question fondamentale sur le plan stratégique et vous avez entièrement raison de la poser. Il y a deux choses qui peuvent nous aider à stabiliser cette question.

La première, c’est la maîtrise de la technologie. Si l’on veut produire avec une technologie moins performante, il est évident que les coûts de production vont être très élevés. Les entreprises ont à l’heure actuelle du mal à faire venir du matériel de technologie de pointe à cause du manque ou de l’insuffisance d’une main-d’œuvre qualifiée susceptible d’utiliser des machines de haute technologie.

C’est pour cette raison que nous pensons que les jeunes qui sont actuellement formés en Suisse et ceux de Booué, une fois qu’ils auront intégré le marché du travail, les entreprises pourront importer des technologies de haute qualité.

Parce qu’elles auront sur place une équipe de jeunes capables d’utiliser efficacement leur matériel. Par la formation nous arriverons à faire que les entreprises aient un rapport prix/qualité plus compétitif.

La deuxième action qu’il faudra mener concerne le process même de production. Quelles sont nos méthodes de travail qui feront qu’en fin de compte nous serons rentables ?

Il n’est pas question aujourd’hui de dire que vous êtes un professionnel dans la filière bois alors qu’en réalité vous n’êtes qu’un commerçant. Il faut de véritables professionnels qui réfléchissent aux procès de production.

Comment rentabiliser nos structures pour que finalement nous parvenions à faire des économies et à sortir un produit compétitif ? C’est cela aussi la difficulté.

Nous voyons à l’heure actuelle que certaines entreprises ne disposent pas d’outils techniques de travail appropriés parce que non codifiables et relevant de méthodes très archaïques de production.

Il faut moderniser les outils techniques de production par des machines de pointe afin de réduire les coûts de production et les prix sur le marché local avec des produits de qualité très compétitifs.



C’est aussi un problème de technique et de rationalisation des ressources humaines et matérielles ?

Encore une fois, la clé de la réussite de l’industrialisation du secteur bois réside dans la formation. Il faut par exemple avoir une très grande connaissance des essences de bois afin de savoir ce que l’on peut en faire.

La rentabilité de la grume a tout son sens. Parfois on ne se rend pas compte que nos essences sont méconnues par ceux qui les transforment. En fait, lorsqu’on scie une grume, l’on doit savoir que rien ne se perd mais que tout peut se récupérer. Près de 40% des rebuts des scieurs sont définitivement perdus alors qu’ils peuvent servir.

Sous d’autres cieux, en particulier en Europe, ces rebuts ou déchets constituent une matière 1re pour toute une autre industrie. Il sera donc possible pour des investisseurs qui viendront au Gabon de trouver du personnel qualifié pour l’implantation de leur industrie de transformation du bois.



L’autre aspect est la consommation intérieure des produits finis au Gabon, notamment pour la construction des maisons en bois. Il y en a très peu, et on peut dire que l’idéal pour le Gabonais est de construire en briques de ciment plutôt qu’en bois, ce qui revient paradoxalement moins cher. Quelle est votre appréciation ?

Le projet de construction des maisons en bois doit être une préoccupation, voire une priorité nationale, c’est-à-dire que le ministère de l’Habitat doit être engagé, le ministère de l’Economie, les associations écologiques et de défense de la nature, doivent tous se saisir de cette question des maisons en bois qui sont écologiques.

Il faut faire admettre à l’opinion publique qu’il ne s’agit pas ici de maisons en planches qui ont une connotation de pauvreté. On doit faire la différence entre une maison en planches et une maison construite en bois. C’est une maison construite avec les standards et normes d’une maison en bonne et due forme. C’est une maison moderne dans laquelle le problème de la chaleur peut être résolu parce que c’est une maison écologique.

Avec le bois, on peut avoir des projets de construction de bâtiment à un, deux ou trois niveaux. Nous avons une stratégie que nous sommes en train de mettre en œuvre avec nos partenaires suisses afin d’amener les Gabonais à visiter des foires de l’immobilier en bois et de les intéresser aux avantages des maisons construites en bois.

Il faut aussi que les agences, les structures en charge de la construction de logements réfléchissent sérieusement à l’utilisation du bois gabonais pour la construction de logements sociaux de grand standing et des immeubles administratifs. Si ailleurs on a vu des hôtels en bois, pourquoi pas au Gabon. Les Gabonais habiteraient bien dans des maisons construites en bois, non ?



Le gouvernement a choisi la Suisse dans le cadre de l’industrialisation de la filière bois, notamment dans la formation. Quel est le niveau d’évolution de l’industrie du bois dans ce pays ?

L’une des premières choses que les Suisses nous ont dites, c’est que l’industrialisation est un processus lent, il faut être patient. Il leur a fallu 40 ans avant de faire admettre les maisons en bois aux populations. Les problèmes que nous vivons ont été vécus ailleurs. Cela a demandé beaucoup d’efforts et d’accompagnement, de la sensibilisation pour adopter cette construction qui est résistante.

Ce qui est frappant quand on va en Suisse, c’est le dynamisme et la performance de l’industrie du bois. Il y a en effet beaucoup d’industries qui fonctionnent autour de ce concept de valorisation du bois tel que l’informatique, l’environnement, la mécanique. Il y a beaucoup de métiers connexes à la filière bois.

Le bois est utilisé dans l’automobile, dans le transport. Le Gabon a donc tout intérêt à adopter le bois dans ces constructions d’autant plus que c’est une matière première abondante et une ressource renouvelable.



Concrètement, comment s’est produit cet accord de partenariat avec les Suisses ?

Le gouvernement a signé une convention cadre avec le gouvernement du canton de Berne. Ce dernier nous accompagne dans le cadre de la formation. Il a donc identifié la Haute Ecole de Bois Bernoise pour nous accompagner sur le plan technique. L’Ecole Supérieure de Bois de Booué est arrimée à cette école.

Le gouvernement espère à long terme que l’Ecole Supérieure de Booué deviendra une école de référence dans la sous-région. Un assistant suisse réside en permanence au Gabon, notamment dans le cadre de la conduite du programme d’apprentissage dual.

D’autres techniciens suisses viennent pour des périodes plus ou moins courtes apporter leur expérience et leur savoir-faire. La convention cadre est signée en 2010 pour 5 ans. En cette année 2015, on verra dans quel cadre prorogé ce partenariat qui nous donne déjà des résultats positifs.

Le programme rencontre un véritable engouement qui se traduit par le nombre de plus en plus croissant de candidats à la formation dans les métiers du bois lorsque nous lançons un appel à candidature.



Que peut-on retenir en conclusion ?

Nous avons entièrement confiance au système que nous sommes en train de développer. Le président de le République, en visitant la Suisse, a été impressionné par le degré d’industrialisation du secteur bois. Il n’a donc pas hésité un instant à signer ce partenariat qui nous lie aujourd’hui à la Suisse.

Avec la méthode de formation duale la question de l’employabilité est résolue. De plus, dans ce modèle les entreprises sont intégrées à toutes les échelles de la formation. En effet, elles sont partie prenante des conseils de discipline. Nous avons des séances de travail avec les entreprises avant l’élaboration des programmes de cours, pendant la formation. La plupart des entreprises ont déjà réservé leurs apprentis.

Ce sont des projets de formation et cela prend du temps, mais au bout du compte ils s’avèrent beaucoup plus rentables. Il faut dire que nous avons dû faire accepter le programme aux familles. En effet, les familles ne comprenaient pas que les enfants dussent travailler pendant 4 jours en entreprise et le vendredi et le samedi qu’ils allassent à l’école.

Je tiens dans ma conclusion à remercier tous nos partenaires et les autorités qui nous ont fait confiance.

Le Gabon émergent de demain devra compter sur la transformation du secteur bois à travers son industrialisation, et cette industrialisation passe par la formation dans un premier temps afin justement de pouvoir soutenir l’industrie du bois.

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