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Les conditions d’une croissance durable au Gabon
Publié le mardi 28 avril 2015   |  Le Gabon Emergent




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L'objectif de croissance durable est souvent limité à celui d'une gestion préservant les ressources naturelles de notre environnement. Cela est compréhensible dans un pays comme le Gabon, dont le territoire, égal à la moitié de celui de la France, est couvert à 88 % par la forêt et constitue ainsi le deuxième potentiel forestier d'Afrique.

Observons toutefois que, du point de vue de l'analyse économique, il ne peut y avoir – notamment dans les contrées à faibles revenus – de croissance durable sans un dé- veloppement durable, et que ceux-ci ne doivent pas seulement répondre à des critères écologiques, mais aussi à ceux socioéconomiques.

La croissance économique désigne l’augmentation à long terme du volume de la production globale d’une économie. On la mesure à travers l’évolution de son produit intérieur brut (PIB). Elle dépend du facteur travail (population active) et du capital (investissement).

Le développement économique désigne la transformation des structures techniques, sociales, démographiques, institutionnelles et culturelles qui conditionnent et accompagnent la croissance.

Celle-ci ne peut se concrétiser en l’absence d’une amélioration de l’espérance moyenne de vie, des taux de scolarisation puis de formation professionnelle et universitaire qui créent l’investissement dit humain – une composante de plus en plus importante du capital national.

Il ne peut y avoir de croissance s’il n’y a pas parallèlement une amélioration des rendements du secteur agricole de manière à dégager une partie de la population active y travaillant afin de répondre aux besoins d’embauche liés au développement du secteur de l’industrie et des services.

Il ne peut davantage y avoir de croissance si les structures politiques, institutionnelles, administratives et sociales freinent toute initiative d’entreprendre, d’investir.

Ainsi, dans les pays à faibles revenus plus que dans tous les autres, la croissance implique-t-elle un développement se référant à un ensemble complexe de transformations et d’ajustements des structures qui la conditionnent.

Répondant à des variables structurelles d’ordre qualitatif, les indicateurs permettant de juger du développement sont nécessairement variés.

Outre le niveau de vie par habitant, on peut citer la part de l’industrie et des services dans la production nationale, les taux d’alphabétisation, de scolarisation, de mortalité infantile, d’espérance de vie…

Croissance et développement durable nécessitent davantage que la préservation des ressources naturelles

À un premier degré, le développement est dit durable lorsqu’il amorce un processus de changement à travers lequel les besoins actuels mais aussi futurs doivent orienter l’exploitation des ressources naturelles.

Il indique la voie que l’économie doit prendre. Encore faut-il, pour accroître le revenu et l’emploi, que cette économie acquière une certaine vitesse ou croissance.

Le concept de croissance durable préconise d’inscrire la croissance économique dans la longue période, en intégrant aussi bien les coûts à court terme (matière première, main-d’œuvre, capitaux…) que les coûts à long terme liés à l’exploitation des ressources non renouvelables et à la dé- gradation de l’environnement.

En matière de ressources naturelles, notamment forestières, les autorités gabonaises progressent. Elles ont imposé, en dépit de la résistance des forestiers, un nouveau code et un plan de gestion des forêts pour lutter contre les grandes firmes qui, dès les années quatre-vingt-dix, ont pratiqué la déforestation massive à coups de bulldozers.

Dès 2002, elles ont décidé la création de treize parcs nationaux légalement délimités, lesquels repré- sentent 11 % du territoire.

Les autorités ont encouragé le développement de l’écotourisme dans ce pays qui compte plus d’espèces de fleurs et de plantes que n’importe quel autre État d’Afrique Centrale, et où vivent la moitié des quatre-vingtdix mille éléphants dénombrés en Afrique.

Ajoutons que, parmi les organisations non gouvernementales, ClientEarth-Gabon, dont l’action relève du programme anglais « gouvernance forestière, marchés et climat » FGMC, incite à l’amélioration de la gouvernance des ressources naturelles locales à travers le dialogue.

Croissance et développement durable ne peuvent néanmoins se limiter à la gestion des seules ressources naturelles. Ils doivent s’étendre à la préservation de l’environnement animal.

Dans le Parc national de Minkébé, au nord du pays, douze mille pachydermes ont été décimés depuis 2004 par des braconniers au service de mafias asiatiques et de djihadistes.

Ce pillage de l’ivoire est très rentable puisque le kilo acheté 100 $ en forêt est revendu en fin de chaîne à 2000 $ sur le marché chinois. Depuis 2014, une force de sécurité a été mise en place. Très insuffisante, elle reste symbolique.

La préservation de l’environnement a aussi une dimension humaine qui exige un certain niveau sanitaire. Celui-ci reste très insuffisant si l’on considère les immondices accumulées dans certains quartiers des villes, ou encore les systèmes de prévention et de secours médicaux.

On meurt plus souvent par manque de soins et de secours que par maladie ou accident.

La préservation de l’environnement humain exige une amélioration des structures publiques de formation, insuffisamment adaptées aux besoins locaux, ainsi qu’un encadrement renforcé pour ces nombreux jeunes qui ne peuvent être pris en charge par leurs parents biologiques.

Croissance et développement durable égalent préservation de l’environnement social

La préservation de l’environnement social signifie pour un pays le maintien d’un minimum de cohésion, c’est-à-dire de liens sociaux entre les individus et les groupes qui le composent.

Ce minimum de cohésion est indispensable au développement et à la croissance de l’économie, qui exigent une gestion des ressources, une stratégie d’investissement, d’innovation et de production conformes à l’évolution des besoins de tous, et pas seulement de certains.

La cohésion atténue toutes formes d’inégalités, de disparités et de segmentations sociales, lesquelles sont sources de tensions et de conflits pouvant rompre le caractère durable du développement et de la croissance.

Au Gabon comme dans de nombreux autres pays, y compris développés, de fortes disparités vont à l’encontre de ce besoin de cohésion.

Outre les disparités éthiques et corporatistes qui focalisent le débat politique sur des appartenances plus que sur des idées, outre la segmentation résultant de l’appartenance à divers réseaux et sectes, le pays doit faire face à d’énormes inégalités de revenus et aux exclusions en résultant.

À ce jour, plus de 30 % de la population locale vit dans une extrême précarité. Une telle situation est socialement explosive, pour au moins quatre raisons. La dégradation de l’environnement revêt des aspects aussi bien écologiques que socio-économiques.

- Elle décime la classe moyenne qui, dans tous les pays, est un facteur de stabilité politico-économique.

- Elle grossit le nombre des marginaux et excluent – faute de ressources financières suffisantes – les jeunes du système éducatif.

- Elle incite à la révolte et aux névroses collectives qu’illustrent la multiplication des grèves à Port-Gentil. Les inégalités sont d’autant plus contestées que la perspective de passer à la catégorie de revenus immédiatement supérieure semble exclue.

- Elle offre un vivier de recrutement pour les mouvements fondamentalistes à la recherche d’individus prêts à tout pour enfin obtenir quelques ressources…

La dégradation de l’environnement n’a pas seulement un aspect écologique qui lui-même se limiterait aux seules ressources naturelles, mais elle revêt aussi (et surtout) un aspect socio-économique.

Indira Gandhi nous rappelle que la pauvreté est la plus grande source de pollution.

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