Parce que cela est assez rare, l’hommage de l’ancien Premier ministre à un leader de l’opposition est salué par une bonne frange de l’opinion. Jean-François Ntoutoume Emane est le seul des responsables PDG et de la majorité à avoir osé le faire !
«Grand Patriote», «Infatigable combattant pour la dignité de l’Afrique», «infatigable combattant pour l’instauration d’une véritable démocratie au Gabon», l’ancien Premier ministre, éminent membre du Conseil Consultatif des Sages du PDG, n’a pas tari d’éloges sur l’ancien candidat à l’élection présidentielle d’août 2009, à travers un communiqué par lequel il présente ses condoléances et assure la famille de «l’illustre disparu» de son soutien moral dans «ces douloureuses et très pénibles circonstances». Sur la page des condoléances du quotidien L’Union, aucune autre personnalité du Parti démocratique gabonais et de la Majorité républicaine et sociale pour l’Emergence ne l’a fait depuis l’annonce, le 12 avril, du décès d’André Mba Obame.
L’opinion aurait pu s’attendre à un communiqué du président du Rassemblement pour le Gabon (RPG), le Père Paul Mba Abessole, qui avait soutenu «le candidat de la Nouvelle Espérance» avant de renouer, début-2010, avec la majorité. L’opinion attendait aussi un communiqué du ministre de l’Intérieur, Guy Bertrand Mapangou, dont André Mba Obame est un prédécesseur à cette fonction. On aurait pu s’attendre également à un communiqué du ministre de l’Education nationale Ida Réténo Assonouet, dont André Mba Obame est un des prédécesseurs à «9 étages». Aucun empressement non plus des ministres des Affaires sociales (Jean-Pierre Oyiba), Droits de l’Homme (Alexandre Désiré Tapoyo), des Relations avec les Institutions constitutionnelles, Porte-parole du gouvernement (Denise Mekam’ne Edzidzi) ou de l’Agriculture (Luc Oyoubi) – tous ces départements ministériels par lesquels est passé André Mba Obame.
Y a-t-il une gêne à adresser des condoléances à la famille d’un prédécesseur à la tête d’un ministère ? Est-ce la peur de déplaire à Ali Bongo ? Mieux, est-ce une forme d’indifférence devant le décès d’une personnalité adulée par une partie de l’opinion ? On se rappelle alors son retour à Libreville, le 30 décembre 2010, avec la foule massive venue l’accueillir à l’aéroport Léon-Mba après un long séjour à l’étranger. Un rappel qui ne manquait pas de ramener au souvenir des retours d’un Abdoulaye Wade, alors opposant, à Dakar après de longues visites hors du Sénégal. Avec la présence de ces foules massives, de ces foules sentimentales, de ces foules qui espéraient…
Cette «peur», cette «crainte», cette «forme d’indifférence», n’est pas loin de rappeler le mariage de Chantal Myboto d’avec Paul-Marie Gondjout en juin 2001 : aucun membre du gouvernement n’avait, par peur de «représailles» (?), voulu répondre à l’invitation des familles Gondjout et Myboto !
L’hommage de Jean-François Ntoutoume Emane prend donc tout son relief, parce que l’intéressé compte parmi les hiérarques du parti au pouvoir. Membre du Bureau politique de cette formation politique pendant près de 30 ans, l’ancien maire de Libreville vient là de montrer son sens de l’Etat, ses convictions profondément républicaines et toute sa reconnaissance à un combattant pour la liberté ! En 1994, Jean-François Ntoutoume Emane conduisait la délégation de la majorité aux Accords de Paris, et André Mba Obame était l’un des éléments-clés de cette délégation. En privé, l’ancien Premier ministre a toujours dit tout le bien qu’il pensait de son ancien ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale. Bel hommage que celui qu’il lui rend à travers ce communiqué de condoléances adressé à la famille de cet homme d’Etat et aux militants de l’Union nationale !