Seulement quelques jours après l’annonce d’une supposée présence aux frontières de caisses d’armes, une dizaine a été découverte comme par enchantement sur une plage, le 21 avril dernier.
C’est incontestablement le sujet qui suscite le plus d’interrogations et de railleries en ce moment : la découverte, le 21 avril 2015 sur l’île Nendjé au large du Cap-Estérias, d’«un arsenal susceptible d’équiper toute une section de commandos et pouvant tout détruire : personnes, biens meubles et immeubles». Un «arsenal» pour le moins curieux composé, entre autres, de roquettes et lance-roquettes, 10 pistolets avec 2 560 balles, 20 kalachnikovs, 10 obus de mortiers, des mortiers, des obus explosifs et des grenades offensives et défensives, que le commandant en chef de la gendarmerie nationale dit avoir découvert grâce à quelques «personnes de bonne foi» et à «un certain nombre d’informations relatives au mouvement curieux et inhabituel des pirogues, dont certains continuaient jusqu’à Bambouchine». Si la découverte de ces caisses, dont les propriétaires non pas encore été identifiés, est très vite apparue comme un événement majeur pour le gouvernement qui a aussitôt dépêché sur la plage un «arsenal» de responsables, notamment les ministres de la Défense, de la Justice, de l’Intérieur et de la Fonction publique, l’affaire n’en a pas moins suscité quelques interrogations.
De fait, alors que l’«opération Nguéné» a été lancée il y a seulement quelques jours, cette découverte convainc peu. Elle est en passe de coûter sa crédibilité au pouvoir en place. Pour certains observateurs, elle s’apparente à une «faute stratégique», quand d’autres y voient «une blague de mauvais goût». Pourtant, la chronologie et l’agencement des récentes sorties des membres du gouvernement laissent penser que celles-ci jouent à un jeu subtil, alors que l’arrivée de la dépouille mortelle d’André Mba Obame apparaît désormais comme l’un des évènements les plus redoutés. Le gouvernement qui craint une nouvelle escalade, tout en accusant des «individus non encore identifiés se réclamant du Front de l’opposition pour l’alternance (FOPA)», serait-il déjà en train de préparer l’opinion à accepter sans rechigner l’arrestation des individus explicitement désignés ? Des personnalités de l’opposition seront-elles bientôt accusées d’être les destinataires des armes découvertes ?
Si la «grande découverte» est peu relayée par la presse internationale, alors que toute la stratégie de communication semble viser cet objectif, c’est parce que l’empressement des autorités à dévoiler l’affaire a indubitablement manqué de tact. Comment comprendre que le procureur de la République ait été aussi prompt à lire le droit, alors même qu’aucune enquête n’avait été officiellement lancée ? Sidonie Flore Ouwé qui, quelques heures plus tôt prenait part à l’examen de l’application par le Gabon de la Convention des Nations-unies contre la corruption (CNUCC) au stade d’Agondjé, a eu le temps de rédiger la déclaration qu’elle a lue devant les médias. Pourtant, les armes censées être placées sous scellé par la justice ont été dévoilées au public, qui s’est par ailleurs délecté de la séance de démonstration avec les «pièce à conviction». Tout ceci ne dit rien qui vaille. Qu’à cela ne tienne, étant entendu qu’habituellement toutes les armes sont, dès leur fabrication, référencées par des numéros précis, leur traçabilité ne devrait pas causer beaucoup de difficulté aux enquêteurs. L’on découvrira bien vite qui en sont les propriétaires. Ainsi, les résultats de l’enquête devraient normalement être bientôt connus…plus vite que ceux relatifs à l’incendie de l’ambassade du Bénin.