Libreville (Gabon) - Les hebdomadaires gabonais unanimes ne tarissent pas d'éloges sur André Mba Obame (AMO), le secrétaire exécutif de l’Union nationale (UN opposition radicale), décédé dimanche dernier à Yaoundé au Cameroun, dénonçant, pour la plupart, l'élimination plutôt que la mort naturelle d'un homme politique émérite, un tribun hors pair qui a illuminé, comme une météore, une scène politique gabonaise plutôt en manque de génies.
'Ils ont eu AMO'' a titré Le Temps, un hebdomadaire paraissant les mardis, épousant un point de vue largement partagée par une certaine opinion publique et bon nombre de périodiques favorables à l'opposition radicale qui estiment que le Secrétaire exécutif de l'Union nationale n'est pas mort de mort naturelle.
Selon Le Temps, AMO était devenu l'homme à abattre'' depuis qu'il s'était présenté à l'élection présidentielle anticipée de 2009 contre Ali Bongo Ondimba, le candidat du Parti démocratique gabonais (PDG au pouvoir).
La rupture consommée'' avec Ali Bongo Ondimba,au moment de l'élection présidentielle de 2009 fit de lui l'homme à abattre'', écrit le journal, soulignant qu'AMO ‘'fut effectivement abattu le 29 aoà»t en plein meeting à l'Avenue Jean Paul II''.
‘'Tous ceux qui avaient assisté à ce meeting s'en souviennent. Un étrange malaise le prit au moment où il s'emparait du micro pour s'adresser à la foule, une foule compacte et bigarrée venue ce jour-là pour l'écouter. Ce fut son tout dernier meeting de campagne électorale. Ce fut également la dernière fois où l'on vit, André Mba Obame pétant de forme. L'exécuteur n'était d'ailleurs pas loin de lui'', relate Le Temps.
‘'Même s'il est difficile de dire objectivement de quoi il est mort, il est néanmoins osé de penser à un assassinat politique'', écrit le journal, soulignant qu'après ‘'Germain Mba, Ndouna Depenaud, le capitaine Alexandre Mandza Ngoukouta, Joseph Rendjambé Issani, Martine Oulabou et bien d'autres encore, André Mba Obame est le dernier martyr mort pour la cause du Gabon''.
‘'Il y en aura probablement d'autres tant que la dynastie Bongo régnera dans le pays'', conclut Le Temps qui considère qu'AMO ‘'incarnait l'espoir, celui de tout un peuple à se libérer de la dynastie Bongo''.
''Mba Obame est tombé''! A titré à la Une Misamu, hebdomadaire gabonais d'information. ‘'Véritable bête politique, Mba Obame a marqué les esprits de tout bord'', écrit le journal.
‘'Intelligent, fin stratège, machiavélique, bête politique, André Mba Obame réunissait ce cocktail d'ingrédients. Il savait se rendre utile dans tous les camps. Il a aidé Omar Bongo à conserver le pouvoir et s'est lui-même battu pour le prendre'', écrit Misamu qui déplore la mort prématurée d'AMO: ‘'Il part tà´t, trop tà´t sans avoir joui de sa victoire à la présidentielle de 2009, vaincue par une longue maladie''.
‘'L'histoire retiendra qu'au Gabon, il y a eu des grands hommes politiques. André Mba Obame en a été un'', conclut Misamu.
‘'Après la mort d'André Mba Obame «Moise », qui va libérer les Gabonais de l'esclavage? interroge à sa Une Le Nganga, hebdomadaire satirique paraissant à Libreville tous les jeudis.
‘'Prémonitoire, il se faisait appeler Moise qui est mort sans avoir foulé le sol de la terre promise. André Mba Obame aussi ne verra pas la libération du Gabon de l'esclavage du système Bongo-PDG'', note Misamu, rappelant qu''en 2009, alors que de nombreux pédégistes mécontents de la désignation d'Ali Bongo Ondimba par un comité de vendus, comme candidat du parti au pouvoir, au cours d'une parodie de primaires (...), André Mba Obame a pris le risque de défier le régime qu'il avait servi de longues années durant''.
‘'Il savait, dès l'annonce de sa candidature, qu'il venait de mettre sa propre vie dans la balance'', note le journal qui interroge : ‘'Combien de Gabonais sont prêts à faire don de leur vie pour sauver ce pays''?
‘'Passées l'indignation, la colère et la révolte, tous les Gabonais épris de liberté et de justice doivent se rappeler que la mort d'André Mba Obame ne doit pas rester vaine. Ce, en commenà§ant pas ses amis de l'Union nationale et du Front uni de l'opposition pour l'alternance. Ils savent ce qui reste à faire. André Mba Obame a fait le boulot jusqu'à sa mort'', poursuit le Nganga.
Mais ce journal estime que ‘'ce qui manque à l'opposition, c'est une cohérence dans la démarche et un minimum de lucidité pour reconnaitre que tout le monde ne peut pas être président de le République''.
‘'Ce qui fait la fragilité de l'opposition, ce sont ses rivalités stériles et l'incapacité de ses membres à mettre leur égos de coté pour regarder dans la même direction'', écrit-il, soulignant : ‘'même si nous pleurons AMO qu'on ne reverra plus, faisons en sorte qu'il ne soit pas mort dans une telle souffrance pour rien''.
‘'Que d'espoirs déà§us'' titre La Loupe, qui se définit comme un hebdomadaire d'investigations, d'enquêtes et de reportages. ‘'Les Gabonais comptaient sur lui (AMO) pour forcer l'alternance dans notre pays. Dommage, il a pris la porte de l'est, dimanche dernier au Cameroun'', déplore ce journal qui parait à Libreville tous les mardis, rendant un dernier hommage appuyé à ‘'un homme brillant'' qui a ‘'laissé entrevoir ses qualités d'homme d'Etat'', lors de la campagne présidentielle de l'été 2009, ‘'quand d'autres tentaient de contrefaire leur masque d'enfant gà¢té''.
Dans un article titré ‘'Disparition d'André Mba Obame, un destin brisé dans son envol'', La Loupe souligne que ‘'le candidat malheureux à l'élection présidentielle de 2009 quitte la terre des hommes au moment où ses prédictions sur l'incompétence d'Ali Bongo se vérifie jour après jour''.
‘'Pendant que de nombreux hiérarques du PDG faisaient allégeance à Ali à la mort d'Omar, AMO fut un des rares à défier ouvertement son frère d'hier, ex-compagnon des virées nocturnes certes, mais qu'il savait incapable d'assumer une fonction de cette envergure'', écrit le journal, soulignant que ‘'pour avoir été chargé de son éducation par Bongo Père, Mba Obame avait pu observer les limites intrinsèques d'Ali Ben''.
‘'Cela explique pourquoi, avec détermination et courage, il n'avait jamais accepté, non pas seulement le fait, mais surtout la seule pensée qu'un individu si peu éclairé occupe le fauteuil présidentiel. Beaucoup se sont faits à cette hérésie nationale. Pas lui'', martèle La Loupe, ajoutant: ‘'les faits sont en train de rétablir la juste proportion des individus que Mba Obame et Ali Bongo ne furent jamais des rivaux au sens strict, car une telle vue porterait assurément préjudice au premier et grandirait le second''.
‘'Dans l'ordre des mérites et de la valeur, Ali Bongo Ondimba demeurera l'éternel challenger d'Amo. Son disciple, son élève, tout ce qu'on voudra. En aucun cas son rival'', poursuit La Loupe, rappelant ‘'la traque'' dont AMO ‘'a fait l'objet au Gabon comme à l'étranger, après la création de l'Union nationale, les sueurs froides que ce jeune parti politique provoquait au vieux système Bongo-PDG à la faà§ade ravalée''.
‘'Les attaques mystiques successives qui ont fragilisé cet homme que l'on avait toujours connu bien portant jusqu'à ses 52 ans. Les dernières images. La fin. Le coup de pied de l'à¢ne au lion mourant. Celui qui avait su s'imposer comme le principal patron de l'opposition gabonaise s'en va sans avoir réussi à emmener, comme il le souhaitait, le Gabon vers la terre promise. Un brillant destin brisé'', conclut La Loupe.
Dans sa tribune de partis politiques publiée mercredi, le quotidien L'Union calme le jeu et tempère les ardeurs belliqueuses dans un ''Adieu à André Mba Obame, qui se veut apaisant.
‘'Au-delà des idées reà§ues et autres spéculations susceptibles, comme on le voit, de susciter des tensions aux effets néfastes et parfois regrettables, émanant généralement des crises émotionnelles mal contenues, il y a lieu ici et maintenant, de souligner, sans prétention aucune, que la mort, dans nos mÅ“urs, est l'occasion où l'on sait doucher les adversités et taire les sons de cloche discordants. Par décence et par respect pour la mémoire de celui qui nous quitte. Le rituel en pareille circonstance, est : le recueillement'', conseille l'Union.
''Pour le cas d'espèce, tout en déplorant les incidents qui ont suivi l' »annonce du décès de cet acteur politique émérite et vaillant fils du pays, qui savait souffler le chaud et le froid, au point de devenir un des poils à gratter du régime en place, cette disparition recommande à toute la classe politique confondue, de savoir raison gardée. De ne pas souffler sur la braise déjà incandescente'', poursuit l'unique quotidien gabonais.
‘'Sauf à s'y méprendre, qui profiterait de cette perte inestimable pour faire dans le clientélisme politique''? interroge l'Union, qui estime qui met en garde contre les débordements. ‘'Il ne sert non plus à rien d'exhiber la hache de guerre dans le seul but de lever le lièvre en embuscade. Tant on le sait, que la situation sociopolitique, avant même, l'annonce de cette disparition, est délétère à plusieurs échelons'', écrit-il.
La Doc', un hebdomadaire d'information paraissant jeudi, revient sur les circonstances de la mort d'AMO. ‘'Ancien dignitaire, parmi les dignitaires du régime du défunt président Omar Bongo Ondimba, André Mbla Obame est mort à l'hà´pital de la Caisse nationale de prévoyance sociale à Yaoundé au Cameroun, après deux mois de rééducation fonctionnelle'', écrit-il, ajoutant que ‘'l'homme politique était juste en transit pour l'Afrique du sud où il devait poursuivre sa rééducation''.