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Ondo Mvé : « Notre pays peut s’honorer de disposer de professionnels du droit d’envergure internationale incontestée »
Publié le mercredi 15 avril 2015   |  Agence Gabonaise de Presse




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INTERVIEW : Le juge, Apollinaire Ondo Mvé, de la Cour de Cassation au palais de justice de Libreville a récemment été élu juge à la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA, dont le siège se trouve à Abidjan en Côte d’Ivoire. Une place que les Etats-membres s’honorent à obtenir. En route pour ses nouvelles fonctions, l’homme nous parle de son nouveau champ d’action, des mécanismes d’accès à cette cour, ainsi que les bienfaits pour un pays d’y avoir un juge et n’élude pas l’apport diplomatique dans cette « bataille »où tout n’est pas gagné d’avance. (Lecture).

AGP : Vous venez d’être élu Juge à la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA. Pouvez-vous nous donner de plus amples informations sur cette Cour ?

Apollinaire Ondo Mvé : Je vous remercie de l’intérêt que vous accordez à cet événement, et aussi de l’occasion que vous m’offrez de faire connaître la Cour commune de justice et d’arbitrage, qu’on désigne sous l’acronyme CCJA, et dont suis désormais un membre. Le Traité relatif à l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a été signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis, en Iles Maurice. Cette organisation regroupe à ce jour 17 pays de l’Afrique subsaharienne et de l’océan indien. Elle comporte cinq principales institutions : la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, le Conseil des Ministres de l’OHADA au sein duquel siègent les Ministres de la justice et les Ministres du budget des Etats parties, le Secrétariat Permanent de l’OHADA qui a son siège à Yaoundé au Cameroun, l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA) qui a son siège à Porto-Novo au Bénin, et la Cour commune de justice et d’arbitrage dont le siège se trouve à Abidjan en Cote d’Ivoire. S’agissant de la CCJA, elle a trois principales missions.

C’est d’abord, en matière contentieuse, la Cour Suprême de l’ensemble des Etats Parties au Traité de Port-Louis dans les matières relevant du droit OHADA. Elle se substitue à cet effet aux juridictions nationales de cassation internes des Etats parties. Pour faire simple dans le cas gabonais : si une décision est rendue en matière de droit des sociétés commerciales par le tribunal de première instance de Libreville, les parties peuvent faire appel devant la Cour d’appel judiciaire de Libreville dont la décision peut être déférée, par le mécanisme du pourvoi, devant la CCJA, et non plus devant la Cour de cassation du Gabon.

La CCJA est ensuite une juridiction consultative. A l’instar du Conseil d’Etat gabonais qui donne ses avis dans le cadre de l’élaboration des lois nationales, la CCJA donne ses avis sur les normes communautaires, qui sont encore désignées par Actes uniformes, avant leur adoption par le Conseil des Ministres. La CCJA peut également être consultée par un Etat Partie qui entend légiférer dans un domaine ayant des interférences avec le droit OHADA, ou par un tribunal ou une cour d’appel d’un Etat Partie saisie d’une affaire soulevant des questions relatives à l’application ou à l’interprétation du droit uniforme OHADA.

La CCJA est enfin un centre d’arbitrage. De plus en plus les opérateurs économiques sont soucieux de trouver des juges spécialisés en droit des affaires. Aussi recourent-ils plus que par le passé à l’arbitrage pour le règlement de leurs différends de nature contractuelle, passant ainsi outre les juridictions étatiques. Par l’arbitrage, les parties choisissent leurs juges. A cet effet, la CCJA, qui ne juge pas elle-même l’affaire, met à leur disposition une liste des personnes aptes à être choisies comme juge arbitre. Elle suit le déroulement de la procédure et apporte sa contribution uniquement dans la mise en forme de la sentence.

La CCJA compte treize juges. Ceux-ci élisent un président et deux vice-présidents. Ces juges sont recrutés parmi les magistrats, avocats, notaires et professeurs de droit des Etats Parties au Traité de l’OHADA. Par principe, un pays ne peut avoir plus d’un juge. Le mandat des juges est de sept ans non renouvelables.

AGP : Justement, dites nous comment sont recrutés les juges de la CCJA ? Surtout qu’on a du mal à nous situer car tantôt on parle de nomination, tantôt d’élection.

AOM : Le mécanisme de recrutement des juges de la CCJA est réglementé par les dispositions du Traité de l’OHADA. Au départ, lorsque les institutions de l’OHADA étaient mises en place, les Pères-Fondateurs s’étaient entendus sur la répartition des postes et la localisation des institutions. C’est ce qu’on avait appelé « Les accords de Ndjamena ». On savait ainsi que le poste de Secrétaire Permanent devait échoir à tel pays, et celui de Directeur Général de l’ERSUMA à tel autre. De même, on connaissait d’avance les pays qui devaient désigner des Juges à la CCJA. Avec la récente révision du Traité, on a redéfini les conditions du recrutement du personnel de l’OHADA et les accords de Ndjamena sont devenus caducs. Désormais, et c’est l’essentiel, les postes ne sont plus réservés à tel ou tel pays ; ils sont ouverts à tous les ressortissants des Etats Parties au Traité de l’OHADA.

Lorsqu’un poste est vacant, le Secrétariat Permanent de l’OHADA lance un appel à candidature qui est diffusé dans tous les pays de l’espace communautaire. Les candidatures sont déposées auprès du Ministre de la Justice qui les transmet au Secrétariat Permanent de l’OHADA. Les candidats sont ensuite auditionnés et évalués par un Comité ad hoc international indépendant, qui les note et les classe par ordre de mérite. Ce Comité ad hoc dresse un rapport confidentiel destiné au Secrétariat Permanent de l’OHADA qui le met à la disposition du Conseil des Ministres, via le Président de cette institution. C’est au terme de ce processus que les Etats Parties présentent officiellement leur candidat à l’élection des juges au cours d’une réunion du Conseil des Ministres. C’est bien le pays qui a un candidat. Ce sont les Ministres de la Justice et du Budget des Etats Parties qui sont des électeurs. Si vos Ministres ne peuvent même pas soutenir votre candidature dans un contexte où chaque pays veut le poste, vous imaginez bien la suite. Finalement, on peut raisonnablement dire qu’il s’agit à la fois d’une nomination et d’une élection. Le pays nomme son candidat, et celui-ci se présente au vote des illustres électeurs.

AGP : Que gagne un pays, le Gabon précisément, à avoir un juge à la CCJA ?

AOM : C’est d’abord pour réaffirmer son encrage dans le processus d’intégration économique et juridique dont le Traité de l’OHADA est porteur. L’on ne comprendrait pas en effet que notre pays, le Gabon, qui est co-fondateur de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires, se montre par la suite indifférent à la vie de cette organisation qu’il finance d’ailleurs à un très niveau pour en garantir le fonctionnement. N’oublions pas aussi que le Gabon avait déjà un Juge à la CCJA, en la personne du Professeur Antoine Oliveira, en fin de mandat. Ce dernier a même présidé cette Cour pendant des années. Il fallait bien que le Gabon conserve ce poste prestigieux pour éviter la rupture du sillon que notre compatriote a brillamment tracé pour des générations à venir. Sur un tout autre plan, au regard des nouvelles modalités de recrutement des Juges de la CCJA, notre pays peut se féliciter de disposer d’une expertise nationale de niveau international. J’aime toujours rappeler que je n’ai jamais étudié à l’étranger : je suis un pur produit de l’école gabonaise, particulièrement de la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l’Université Omar Bongo que je tiens ici à remercier pour la qualité de ses enseignements.

AGP : Votre mot de la fin.

AOM : Mon mot de fin va à l’endroit des plus hautes autorités du pays, en tête desquelles M. le président de la République, chef de l’Etat, pour avoir bien voulu porter leur choix sur ma modeste personne pour être le candidat du Gabon à cette élection. Je n’étais pas le seul candidat à la candidature du Gabon, et je disais à l’instant que notre pays peut s’honorer de disposer de professionnels du droit d’envergure internationale incontestée. Le dernier mot est revenu au chef de l’Etat et à lui seul. Je dois ajouter que dans une élection précédée par une évaluation, il arrive qu’il y ait des égalités parfaites en termes de points. A ce niveau, aucun pays ne veut laisser tomber son candidat, alors qu’il n’y avait que cinq places pour treize prétendants. Mon directeur de campagne dans cette aventure était le Ministre de la Justice, Séraphin Moundounga, lequel avait mission de me faire élire. Aujourd’hui, on peut dire comme en langage sportif, que le coaching du chef de l’Etat a été payant sur toute la ligne. Je lui rends un hommage mérité et souhaite vivement que de nombreux autres compatriotes puissent un jour, et comme moi, bénéficier de sa clairvoyance. Je retiens que le chef de l’Etat est très bien informé sur chacun de nous, à quelque niveau que nous nous situons. Il nous connaît tous.

Propos recueillis par AMM

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