Alors que, entre 1994 et 2012, sous Oyé Mba, Ping et Toungui, la diplomatie gabonaise était plutôt à l’offensive, depuis février 2012, avec l’avènement d’Issoze Ngondet à la tête du ministère des Affaires étrangères, de la Francophonie et de l’Intégration Régionale, Libreville n’est plus le «hub diplomatique» qu’il avait été au niveau sous-régional tout au moins. Faut-il s’en étonner ?
L’on peut effectivement s’étonner de cette inertie, de ce relâchement, en un mot comme en mille, de ce manque d’ambition internationale. Car Emmanuel Issoze Ngondet, 53 ans, est certainement celui qui était le mieux préparé pour assumer les fonctions de chef de la diplomatie gabonaise. Il a, à l’exception d’un Jean Ping connu sur le plan international avant d’atterrir au cabinet du président Omar Bongo, un «vécu» que ses prédécesseurs les plus proches n’avaient pas. Il a en effet passé près de vingt ans en diplomatie comme conseiller, premier conseiller d’ambassade, ambassadeur-directeur, puis ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire en Corée du Sud, ensuite représentant permanent du Gabon aux Nations-Unies.
Issozet Ngondet, une erreur de casting ?
Il est sensé connaître les arcanes de la diplomatie. Il est sensé en maîtriser les us et coutumes. Or, tout lui échappe. L’actuel chef de la diplomatie gabonaise depuis trois ans paraît «dépassé» par les événements, donne l’impression de ne pas avoir de l’entregent dans un domaine où il faudrait en avoir, et ne se contente que de porter des messages à quelques chefs d’Etat étrangers. Avec le vécu qu’il a, il a du bluffer le chef de l’Etat qui en a fait le chef de la diplomatie gabonaise. Il n’a, à l’évidence, pas su capter le capital qu’il a pu avoir durant ses séjours en ambassade pour maintenir le Gabon comme le pays des grands sommets politiques sous-régionaux et continentaux. Est-ce son passage, de 2011 à 2012, au ministère du Budget qui l’a «ramolli» ? Dans l’opinion, nombreux sont ceux qui pensent que la nomination d’Issozet Ngondet au ministère des Affaires étrangères a été une erreur de casting. Incontestablement.
Malabo, plaque tournante de la diplomatie sous-régionale au détriment de Libreville
Alors que Brazzaville (Congo) et surtout Malabo (Guinée-Equatoriale) apparaissent dorénavant comme des «capitales diplomatiques» dans la sous-région Afrique centrale, Libreville est de plus en plus considéré comme une capitale de seconde zone sur le plan diplomatique. On n’en veut pour preuve le sommet de chefs d’Etat de la CEDEAO et de la CEEAC que compte abriter, mercredi prochain – dans 48 heures – la capitale équato-guinéenne sur Boko Haram.
Depuis février 2012, fini la diplomatie politique. Libreville n’a pas abrité une seule rencontre de haut niveau sur le plan politique international ! Or, on le sait, c’est la diplomatie politique qui confère de la notoriété à un Etat. Les chefs de la diplomatie des grands Etats mettent l’accent, en ce qui concerne leur action internationale, sur la résolution des conflits, la lutte contre le terrorisme, sur le rôle de l’ONU dans la prise de résolutions de paix. Le sommet sur Boko Haram aurait été une excellente occasion, pour la diplomatie gabonaise, de redorer son blason.
Quand, dans un passé pas si lointain, on a connu une diplomatie offensive – sous le ministre d’Etat Casimir Oyé Mba (1994-1999), le vice-Premier ministre Jean Ping (1999-2008) et le ministre Paul Toungui à partir d’octobre 2008 (après l’intermède poussif de Laure Olga Gondjout de février à octobre 2008) -, l’opinion a tout à fait raison de se demander ce qui se passe sous Issozet Ngondet. Une diplomatie illisible, invisible, inexistante !
Sur le plan économique, il y a le New York Forum Africa, mais c’est sur le plan politique que l’opinion s’attendait à voir le Gabon jouer les premiers rôles. Mais là aussi, c’est un échec !