Cette fois, pas d’erreur de casting. Les personnalités nommées l’ont été par le chef de l’Etat lui-même après une longue période d’observation des cadres et des hauts fonctionnaires, mais aussi des us et coutumes du pays. «Toutes les conditions sont réunies pour que le Gouvernement qui a, à sa tête, une perle rare, réussisse». Il va donc falloir se mettre au travail, car 2016, c’est déjà demain, et surtout car, partout, la misère est rampante ! Du travail.
«Cherté de la vie, manque de logements, accès aléatoire à l’eau et à l’électricité, chômage des jeunes alarmant, secteur de la santé dans un état relativement inquiétant si on prend en compte l’ensemble des structures dans le pays, écoles croulant sous des effectifs pléthoriques»,… tel est le constat fait par un des contempteurs du pouvoir en place à Libreville, mais c’est un constat que peut faire n’importe quel citoyen. On pourrait y ajouter les salaires dérisoires versés aux fonctionnaires, ainsi que leurs maigres retraites lorsqu’ils ont quitté les rangs de l’administration…
Vie chère et absorbante
Libreville demeure l’une des cinq villes les plus chères du continent, et malgré les quelques mesures prises en 2012 par le ministère de l’Economie, de l’Emploi et du Développement durable, la baisse relative des prix des produits de première nécessité n’avait duré que le temps de la campagne de communication initiée par la direction générale de la Concurrence et de la Consommation. Le même constat peut être fait en ce qui concerne le coût des matériaux de construction. Après avoir annoncé des mesures relatives à la baisse des prix -comme cela lui arrive de temps à autre-, le gouvernement ne met en place aucune brigade de surveillance pour sanctionner les tenants des prix délictueux. Le laxisme, toujours le laxisme.
Promesses, promesses, promesses,…
Au sujet du logement devenue l’Arlésienne par excellence de l’Emergence à la gabonaise, lors d’un voyage de presse organisé en octobre 2012 par l’Agence nationale des Grands travaux (ANGT), Henri Ohayon, alors directeur général de cet organisme rattaché à la présidence de la République, avait indiqué qu’au lieu des 35.000 logements promis par Ali Bongo lors de l’élection présidentielle de 2009, ce sont plutôt 37.500 habitations qui seraient construites entre la fin-2012 et 2016. Or, à ce jour, en dehors du programme de construction des 3808 logements par la Société nationale immobilière (SNI) et des mille logements préfabriqués actuellement en construction à Agondjé, dans la ville d’Akanda, par un opérateur économique turc -ce qui ferait au total 5000 logements environ sur tout le septennat-, on est bien loin de la promesse présidentielle. Et ce n’est pas la seule promesse qu’Ali Bongo n’aura pas tenue.
En matière d’eau et d’électricité, les propos des ministres successifs de l’Energie et des Ressources Hydrauliques -Régis Immongault et Etienne Dieudonné Ngoubou- tendant à rassurer les usagers sur la fin des dysfonctionnements dans ce domaine, ont plutôt eu un effet dévastateur, le problème d’accès à l’eau et à l’électricité dans de nombreux quartiers n’ayant pas été résolus. Le premier, Régis Immongault, avait parlé de 2012 comme date limite des délestages d’électricité et des pénuries d’eau à Libreville (et 2014 pour le Gabon), tandis que le second, Etienne Dieudonné Ngoubou parlait de la fin de l’année 2012. Le secteur de la santé est lui aussi, au-delà de Libreville où des CHU ont vu le jour, dans un état de dénuement en termes d’équipements et de personnel. Il n’y a qu’à entendre les listes de doléances des syndicats. Et que dire des effectifs des classes primaires et secondaires ? Pléthoriques, parce qu’on n’a pas planifié l’augmentation des salles de classe. La meilleure illustration est l’occupation de certaines salles du Stade de l’Amitié sino-gabonaise par le Lycée d’Agondjé…
Émoluments des fonctionnaires
Il y a aussi le problème des émoluments des agents de l’Etat. Si les responsables des entreprises publiques, de type CNSS, OPRAG, CGC, CAISTAB, ANUTTC, ANGT, CNAMGS, ONADER, AGASA, APIEX, SOGATRA, etc. et les membres des cabinets ministériels (directeur de cabinet, conseillers, secrétaires particulières, secrétaires de cabinet, chargés d’études, chargés de mission, aides de camp et agents de sécurité des membres du gouvernement) perçoivent des salaires confortables, il reste que, dans l’administration centrale, les secrétaires généraux, directeurs généraux, directeurs centraux, directeurs et chefs de service demeurent mal payés. En effet, l’indemnité d’un secrétaire général de ministère ne s’élève à sa nomination qu’à 285.000 francs CFA, comme celle d’un inspecteur général des services, celle d’un directeur général ne s’élève qu’à 135.000 francs CFA, celle d’un directeur central (et d’un directeur général adjoint) est de 107.000 francs CFA, et celle perçue par un directeur est de 80.000 francs CFA, tandis qu’un chef de service perçoit une indemnité de 33.000 francs CFA. Même si cela ne figure pas le Nouveau Pacte social présenté le 29 janvier dernier par Ali Bongo, le nouveau Premier ministre devrait relever ces indemnités dont la mesure avait été prise en 1991. Le budget de l’Etat était alors de moins de 900 milliards de francs CFA. Aujourd’hui, ce budget avoisine tout de même les 3500 milliards ! Autre dossier à traiter très vite : la poursuite de la régularisation des situations administratives des agents de l’Etat, notamment celles des enseignants. Les agents du secteur privé, quant à eux, voudraient voir s’appliquer la mesure gouvernementale prise en 2010 sur le revenu minimum mensuel fixé à 150.000 francs CFA.
Au vu de tous ces problèmes, loin d’être exaustifs, vécus au quotidien par les populations, Ali Bongo a tout à fait raison de demander au Pr Daniel Ona Ondo et à son équipe de se mettre au travail sans tarder. Un ancien Premier ministre disait, il n’y a pas longtemps, «nos gouvernants doivent réaliser qu’ils exercent des responsabilités pour le pays ; ça a l’air moralisant, mais c’est pour moi le fondement de l’action publique». Ali Bongo le sait, la lutte contre la pauvreté contribue au renforcement de la cohésion sociale. Si son Nouveau Pacte social échoue, le chef de l’Etat est conscient que c’est tout son septennat qui aura été un échec. Dans cette lutte contre la précarité, résorber le chômage des jeunes, instaurer un véritable tissu économique en permettant aux PME de surmonter leurs handicaps (difficultés d’accéder aux crédits auprès des banques notamment) et d’obtenir des marchés publics, et jeter les bases d’une bonne redistribution des richesses du pays, n’en constitueront pas les moindres défis à relever. Et maintenant, au travail !