Dès sa nomination au poste de conseiller du président de la République, chacun avait pu se rendre compte de ce qu’Etienne Massard Kabinda Makaga affichait un goût immodéré pour le pouvoir autant qu’il semblait ne pas faire grand cas des normes administratives.
Et, chaque jour qui passe, renforce le sentiment selon lequel le désormais secrétaire général de la présidence de la République n’a qu’une seule obsession, un seul souci : l’accumulation des pouvoirs. Car, peut-on aisément constater, l’homme ne limite jamais son action aux limites légales de ses fonctions. Confortée par des nominations en cascade dans des domaines différents les uns des autres, il n’en réfère à personne, décide et impose sa volonté. Dans ce contexte, les administrations qui collaborent avec lui tentent, comme elles peuvent, de trouver leurs places respectives. En fonction du rapport de forces et de la capacité des uns et des autres à faire valoir les dispositions en vigueur, les responsables d’administration ont plus ou moins de chance d’y parvenir. Mais, d’une manière générale, ils sont réduits au statut d’accompagnateur ou de spectateur engagé.
Le plus étonnant est que cette négation des normes administratives est présentée par certains comme un progrès, comme un moyen de rationaliser la gestion de la chose publique et de mieux contrôler la mise en œuvre des politiques publiques. Oubliées, passées par pertes et profits, toutes les belles promesses de parvenir à cette «meilleure redistribution (…) des responsabilités dans la conduite des affaires publiques» annoncées par le candidat Ali Bongo dans «l’Avenir en confiance». Dans ce domaine, la récente convocation de tous les secrétaires généraux de ministères par le secrétaire général de la présidence de la République est un modèle, une pépite à ranger au musée des curiosités administratives. Concrètement, l’homme se substitue au Premier ministre, qui se retrouve pris de vitesse dans son rôle de chef de l’administration nationale. «Exagération», «déduction hyperbolique», disent certains. Voire….
Moins d’un mois sa nomination au très stratégique poste de secrétaire général de la République, Etienne Massard Kabinda Makaga, convoque «l’ensemble des secrétaires généraux des départements ministériels à une importante réunion». Alors que le libellé de la convocation par voie de presse mentionne également le secrétaire général du gouvernement, le document est signé du seul… Etienne Massard Kabinda Makaga. Si cette convocation aurait pu être présentée comme procédant d’une volonté de coordination et de concertation, la forme et le fond indiquent le contraire autant qu’ils inquiètent. Il peut, en effet, tout de même apparaitre surprenant qu’une correspondance administrative prenne la forme d’un communiqué et soit publiée dans la presse nationale. «Tout se passe comme si pour une réunion prévue le 7 février, il n’était pas possible le 3 février d’informer directement les 30 responsables administratifs conviés à cette réunion», s’indigne un haut fonctionnaire, jadis proche collaborateur d’un secrétaire général du ministère des Finances, poursuivant : «Si le quotidien L’Union venait à se transformer en média de diffusion des correspondances administratives, viendra le jour où en réponse à une correspondance de cette nature, un destinataire adresserait sa réponse par le même canal».
De fait, qu’aurait-on dit ou pensé d’un secrétaire général qui, en réponse, aurait publié un communiqué dans le quotidien L’Union pour s’excuser de ne pouvoir honorer de sa présence cette importante réunion ? «Il faut arrêter ça !», clame un haut fonctionnaire en poste au ministère de la Fonction publique, qui précise : «Les secrétariats généraux des ministères sont placés sous l’autorité directe et unique du ministre et de ses délégués lorsqu’ils existent».
Absence de culture administrative
Les secrétaires généraux de ministères se retrouvent donc ravalés au rang de collaborateurs du secrétaire général de la présidence de la République. On comprend donc que la réunion convoquée par Etienne Massard Kabinda Makaga le 7 février dernier suscite des polémiques. «Le secrétaire général de la présidence de la République n’exerce aucune autorité hiérarchique sur les secrétaires généraux des ministères», martèle un ancien cadre du Commissariat à la Réforme administrative, qui ajoute : «Il n’existe aucune relation fonctionnelle entre le secrétariat général de la présidence de la République et les secrétariat généraux des ministères». Et de trancher : «Il faudrait que cela soit clair : le secrétaire général de la présidence de la République n’est pas le président des secrétaires généraux de la République».
En absence de culture juridique et administrative, les intitulés des fonctions n’aident pas toujours à trancher ce débat. Certains en viennent ainsi à estimer que l’initiative du secrétaire général de la présidence de la République peut se soutenir dans la mesure où elle a bénéficié de l’onction du secrétaire général du gouvernement. Une thèse battue en brèche par de nombreux administratifs pour qui le secrétaire général du gouvernement est avant tout un collaborateur du Premier ministre qui demeure le chef suprême de l’administration nationale. «Le secrétaire général du gouvernement n’est pas, non plus, le secrétaire général des secrétaires généraux des ministres. Il n’exerce aucune autorité hiérarchique sur les secrétaires généraux des ministères», explique un spécialiste du droit administratif.
Depuis l’accession d’Ali Bongo à la magistrature suprême, le débat sur le respect des normes, règles, codes et repères autant que les procès en «amateurisme» vont bon train. Le récent communiqué du secrétaire général de la présidence de la République relance ce débat sur cette «volonté de réinventer le roue» ou plutôt cette incapacité supposée à prendre la mesure réelle des fonctions. «La présidence de la République est l’administration dont dispose l’institution qu’est le président de la République pour remplir sa mission constitutionnelle», indique un ancien journaliste du quotidien national L’Union, qui précise : «C’est dans ce cadre et ce cadre seul que doivent se limiter les compétences des femmes et des hommes qui sont désignés pour assurer la gestion de cette administration», avant d’ajouter : «Il est d’ailleurs surprenant que les secrétaires généraux de l’Assemblée Nationale, du Sénat, du CNC, du CES et de la Cour constitutionnelle n’aient pas été conviés à cette réunion». Et d’ironiser : «Sauf si ce ne sont pas des institutions de la République ou si cela est prévu pour la prochaine fois… » Sur cette lancée, «bientôt Billié-by-Nzé va convoquer tous les porte-parole, Rossatanga tous les conseillers juridiques et Accrombessi tous les directeurs de cabinet », ajoute-t-il. Dans un récent article, Gabonreview mettait en exergue les conflits d’intérêts qu’a pu entretenir pendant plusieurs années, un très proche et fougueux collaborateur du président de la République. Nous essayions d’inviter ce dernier à moins de certitude, à plus de doute et de concertation. Sans grand succès apparemment. Ce haut commis de l’Etat, surconfiant dans ses alliances avait pour nom… Etienne Massard Kabinda Makaga.