Au regard du taux de croissance de l’économie gabonaise, traduisant une bonne santé reconnue par les institutions internationales depuis quatre ans – 5 à 6% contre 2% auparavant-, une analyse du professeur en Sciences Economiques, Albert Ondo Ossa, le week-end dernier au séminaire atelier des Souverainistes, amène à se demander sur quels investissements repose cette amélioration significative.
Depuis 2010, le Gabon peut se vanter de surfer avec une croissance supérieure à celle des dernières années Omar Bongo, mais à la faveur d’une communication intitulée «Endettement et croissance», faite par le professeur en Sciences Economiques Albert Ondo Ossa le week-end dernier, l’on s’interroge les mécanismes et les arguments qui permettent aux autorités gabonaises de se réjouir de la performance du pays, même si ses effets sont difficilement appréciable sur la population.
Après avoir établi les différences qui peuvent subsister entre les types d’endettement possible pour un État ou une entreprise, Albert Ondo Ossa a précisé que la croissance est un phénomène essentiellement privé qui relèverait des entreprises accroissant effectivement leurs parts de marché et leurs capitaux fixes à la suite des investissements. Ce n’est donc que par ricochet que l’on évoque la croissance d’un État, «car si les entreprises et les individus deviennent de plus en plus riches, l’État va collecter de plus en plus l’impôt et vu qu’il collecte de plus en plus l’impôt, il disposerait des ressources de plus en plus importantes et c’est à ce niveau qu’on ressentira sur le plan public la croissance», a souligné Ondo Ossa.
Un tel raisonnement amène à se demander qu’est-ce qui peut bien soutenir la croissance du Gabon, si l’on tient compte des difficultés à investir que rencontrent les promoteurs locaux de PME et PMI, confrontés au refus quasi systématique des banques emmurées dans l’exigence de garanties et les taux d’intérêt excessif ? Or, explique Ondo Ossa, l’investissement est aujourd’hui un élément essentiel pour la croissance économique d’une entreprise ou d’un État.
Connues pour être «le levier d’une économie prospère et le moteur de la création d’emplois», les PME–PMI sont à la peine. Sur les 55 540 officiellement créées au Gabon jusqu’à présent, seules 15 000 fonctionnent réellement, produisent des biens ou des services, réalisent un chiffre d’affaires calculable et paient régulièrement les impôts. À l’inverse, il reste plus de 40 000 PME, légalement constituées, qui sont totalement ou quasiment inactives pour des raisons principalement liées à la difficulté de trouver des financements permettant de démarrer ou d’accroître leurs activités. À cela, on peut ajouter le taux de chômage de 20,4% de la population active qui permet d’apprécier la situation de ces entreprises qui n’existent que de nom. Comment donc peut-on parler de croissance s’il n’existe pas d’investissement ? Les taux de croissance indiqué ne tiennent-ils pas plus de l’effet d’annonce que du résultat réel ? Pourquoi cette santé de fer dont on se vante tant, n’est-elle pas induite par un tissu de PME-PMI florissant ?
On ne saurait pourtant accuser les institutions internationales de complaisance. Les taux de croissance économique du Gabon peuvent donc s’expliquer, entre autres par la hausse des prix du pétrole et de la production de manganèse, mais bien plus. Dans une note pays extraite du rapport «Perspectives économiques en Afrique», publié par Africaneconomicoutlook.org qui combine l’expertise de la Banque africaine de développement, du Centre de développement de l’OCDE, de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, du Programme des Nations Unies pour le développement et d’un réseau de think tanks et de centres de recherche africains, on note par exemple que «la croissance économique en 2012 a été robuste, soutenue au niveau externe par le raffermissement des cours mondiaux du pétrole, du manganèse et du bois, et au niveau interne par les investissements massifs effectués dans le cadre l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations 2012». Pour ce qui est des PME, on y note que nombreuses d’entre elles ont bénéficié des «activités d’aménagement de route et de voirie à Libreville, dans le cadre de la préparation de la CAN 2012. A cet effet, la plupart des petites et moyennes entreprises (PME/PMI), adjudicataires des marchés de travaux ont dû embaucher de la main-d’œuvre temporaire supplémentaire» pour respecter les délais.
Pas du tout complaisant, Africaneconomicoutlook.org reconnait que «dans l’ensemble, l’activité économique a été modérée en 2012. Une situation due à deux facteurs : la fin des grands travaux de construction des stades pour la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2012 et le fléchissement des travaux de réhabilitation des infrastructures routières. L’activité économique en 2013 devrait croître à un taux se situant autour de 6.2 %, soutenue dans une large mesure par le secteur hors pétrole. Cette croissance ne sera sans doute pas suffisante pour absorber la population active relativement jeune qui n’arrive pas à s’insérer professionnellement.»
Il faut donc comprendre qu’en l’absence du dynamisme des PME, la contribution du pétrole dans les taux de croissance publiés reste prépondérante. De même, l’investissement que l’on ne retrouve pas au niveau des petites entreprises est remplacé par les efforts d’investissements des opérateurs pétroliers (Total Gabon, Shell Gabon, Tulow Oil, etc.) mais aussi par les investissements réalisés dans le secteur minier, pour le renouvellement des équipements ou la construction de l’usine de ferromanganèse, par exemple ; ou encore la construction de barrages hydroélectriques tels que le Grand Poubara. Il n’y a pas de chiffres gratuits en économie. La croissance économique du Gabon est réelle même si ses retombées sur le bien-être des populations est souvent imperceptible.