Rigobert Mintsa Allogo, plus connu sur le pseudonyme de Sony Edingo a tiré sa révérence le vendredi 24 janvier 2014 aux environs de 22 heures, à l’âge de 62 ans. D’après l’un de ses frères, Obame Allogo, le médecin légiste qui l’a reçu au Centre hospitalier universitaire de Libreville a déclaré qu’il est mort d’un Arrêt cardio-vasculaire (AVC).
C’est dans la journée du lundi 20 janvier dernier qu’il a eu une attaque à son domicile, sis à Atsib’Ntsoss, quartier populaire du 2e arrondissement de Libreville. Aussitôt, ses voisins sont allés à son secours et l’ont transporté à l’hôpital. Hélas, il ne reviendra plus dans ce quartier si animé avec sa pléiade de bars le long des trottoirs. Var, il décèdera 4 jours plus tard, puisque son état de santé «était suspendu à un fil très fragile», selon l’expression d’un autre artiste en larmes après l’annonce de sa disparition.
Guitariste, chanteur, auteur, compositeur et interprète gabonais, Sony Edingo était un artiste complet dont les titres fétiches que sont, entre autres, «Eya mone» et «Mikouss» ont traversé et ont été fredonnés par toutes les générations, de Léon Mba à Ali Bongo. Ces titres continuent d’ailleurs d’émerveiller les mélomanes de tous les âges.
Né en février 1952 dans la bourgade de Nkolayo Nkodjègn, devenue il y a une vingtaine d’années un quartier de la commune d’Oyem, le chef lieu de la province du Woleu Ntem, Sony Edingo est le 4e enfant d’une fratrie de 17 personnes (9 garçons et 8 filles), tous nés d’un même père qui s’appelait Allogo Abourou, de la tribu Nkodjègn, et d’une mère, Nang Mba, de la tribu Essamekwass. Entré à l’Ecole régionale d’Oyem (ERO) dans les années de l’indépendance, Sony Edingo abandonnera ses études en classe de CM2, après son certificat d’études, pour consacrer sa vie à la musique dont le virus qui sommeillait en lui s’était réveillé quelques temps auparavant. Il faut dire que Rigobert Mintsa Allogo s’était déjà fait remarqué dans la localité en jouant de l’Elone, une danse traditionnelle très populaire dans le Woleu-Ntem.
Sa décision d’arrêter les études ne laissera pas ses parents de marbre, principalement son père, alors premier chef du quartier Adzougou, qui n’hésitera pas à le charger de remontrances, pour lui faire comprendre que «l’école est l’avenir de l’Homme». Mais l’artiste en herbe ne s’y pliera pas. Car, dans les années 70, il descend à Libreville où il entend parachever sa formation d’artiste, progresser plus facilement et s’affirmer dans le métier qu’il a choisi. Ayant tout le mal du monde à trouver un emploi, Edingo vivra à Libreville grâce à ses prestations en Elone. Dans la capitale gabonaise, il s’y tisse une solide amitié avec un ressortissant béninois avec lequel il se rendait tous les 2 ans au Bénin pour l’enregistrement de disques vinyle qui se vendaient beaucoup plus en Afrique de l’Ouest.
Entre temps, Sony Edingo n’hésite pas à répondre aux diverses invitations qui lui permettaient de s’exprimer entant qu’artiste. C’est le cas des émissions télévisées, telles que «Au claire de la lune» ou «Qui sera la révélation de l’année» sur la RTG 1. Cette émission-concours lui permet de se distinguer en 1981 avec le titre «Mikouss» (les veuves). Cette chanson et une autre intitulée «Eya Mone» amèneront à la légende selon laquelle Edingo était un orphelin qui avait perdu ses parents ses parents à bas âge. Mais le titre «Mikouss» est surtout, aujourd’hui, connu pour avoir fait naître des démêlés avec le rappeur gabonais Encha’a. Le remix de cette chanson, en duo avec Encha’a, permis à celui-ci de remporter un trophée aux Balafons Music Awards de 2006. Si pour la reconnaissance Encha’a laissera Edingo monter sur le podium pour recevoir le trophée à titre symbolique, il refusera mordicus de partager l’enveloppe avec Edingo. Et la presse en fit ses choux gras.
Souvent en guest-star, Edingo était présent sur la plupart des spectacles et des concours de musique organisés au Gabon, ainsi qu’aux mariages et autres cérémonies festives. Ces dernières années, Sony Edingo s’était aussi lié d’amitié avec un ressortissant de la Guinée Equatoriale avec lequel ont été élaborés des projets d’enregistrement de nouveaux disques. Ceux-ci ne se réaliseront pas, parce qu’il s’en est allé après avoir lutté contre la maladie pendant plus d’une décennie. Selon ses proches, il a laissé plus de 500 compositions non enregistrées sur sa table de travail.
«J’ai deux mots à dire à propos de mon frère. Parce qu’Edingo appartenait à ma tribu. Nous sommes Nkodjègn d’Oyem. Je le connaissais pratiquement depuis l’Ecole régionale d’Oyem. Et vers les années 1970, quand je commence à venir au Gabon. C’est là que je découvre qu’il est artiste-musicien. Je regrette beaucoup de n’avoir jamais eu le temps de lui donner un vrai coup de pouce. Je vous le dit sincèrement : je m’en veux beaucoup à chaque fois qu’un artiste gabonais disparaît. Je suis le premier artiste à avoir donné des récitals au Centre culturel Saint Exupéry. Le premier artiste à avoir donné un show au cinéma le Komo et au stade Omnisports de Libreville. Et…en Allemagne, je suis le premier artiste noir à avoir tourné des séries à la télévision nationale allemande. Je pense qu’avec ce palmarès, mon destin au Gabon aurait pu être de donner un coup de main à tous les jeunes Gabonais ayant l’esprit créateur. Soient-ils journalistes, musiciens, cinéastes… Je suis mal à l’aise chaque fois qu’un artiste s’en va, à l’instar de Pierre Claver Zeng, Oliver Ngoma, Fontaine, Nono Michima, Christ Ondong Michel, Christ Ayoum, Serge Eninga, Pierre Ndong Mvé, John Fridolin Ollo, Moïse Mikéni Dienguesse, Théophile Ngari-Elingui, John Abessole, Daniel Odimboussoukou, Damas Ndong, Charles Mensah, Mazarin, Man Kelly, Pierre Marie Dong… la liste est très longue et la très grande majorité de ces gens n’étaient pas soutenus. C’est la même chose pour ceux qui sont encore vivants. Alors que notre pays, depuis son indépendance est structuré politiquement pour venir en aide à ces gens là. Je prends l’exemple du ministère de la Culture au temps de Vincent De Paul Nyonda, parce que c’est mon époque. On n’a jamais connu des artistes malheureux comme à nos jours. A l’époque, ils ont toujours été soutenus. Ils voyageaient partout dans le monde grâce à l’Etat et faisaient briller le drapeau gabonais dans tous les pays. Alors, qu’est-ce qui se passe ces dernières décennies? Aujourd’hui, l’on constate que c’est une minorité d’artiste qui fait le bling-bling, qui gère les lobbies, le Hollywood gabonais, les studios d’enregistrement, les maisons de production, les maisons de distributions… Tout appartient aux gens qui ne créent absolument rien. Je pense que nous vivons les choses à l’envers. Ailleurs, ce n’est pas comme cela que ça se passe.
Aujourd’hui j’ai 60 ans. Edingo s’en va à 62 ans. Il a donné tout ce qu’il avait. Tout ce qu’il possédait, à savoir la musique. Et dans la musique il y a l’amour, il y a la force, il y a la richesse. Il a tout donné au Gabon. A l’exemple de sa chanson «Mikouss» qui veut dire les veuves et qu’il dédie à sa mère. Cette chanson qui reste immortelle est un message très fort à l’humanité. Souvenez-vous que l’un des commandements de Dieu dit, «Tu honoreras ton père et ta mère». Lui, il a parfaitement honoré sa mère. Ce qui doit être le meilleur exemple pour le commun des mortels. Mais nous constatons qu’il y a des gens qui ne donnent pas grand-chose pour l’amour de leurs géniteurs, et ils sont idolâtrés par les pouvoirs publics. Pour nous commun des mortels, Edingo est parti sans rien laisser, parce qu’il n’avait rien eu de toute sa vie. Même pas un vélo. Encore moins un compte bancaire. Mais là où il est aujourd’hui -nous les artistes nous sommes des chérubins- il est auprès de Dieu le créateur et c’est un homme riche. Merci et bravo Edingo pour tout ce que tu nous as laissé. Repose-toi dans la paix de notre créateur».
«Edingo était un grand frère. Je l’admirais déjà à travers la télévision avant que je ne rentre dans le domaine, que je ne devienne musicien professionnel. J’étais encore très jeune et il avait déjà enregistré des 45 tours. Figurez-vous, avec une simple guitare sèche. C’est comme cela que je l’ai connu. C’est artiste que j’adorais beaucoup. C’est grâce à lui qu’est née ma motivation de devenir musicien, parce que je voulais devenir comme lui. Ce qui m’a marqué en lui, c’est d’abord sa persévérance. Ensuite, son amour pour les métiers de la musique. Il était un grand musicien convaincu et confirmé. Sur n’importe quelle place où il s’exprimait, il prouvait à tout le monde qu’il avait du talent. Malheureusement, comme il n’avait pas une autre activité qui pouvait lui rapporter de l’argent, personne n’a voulu l’aider pour faire valoir son talent. Il meurt malheureux, en mendiant. La mort d’Edingo m’afflige beaucoup. Grand frère, que la terre te soit légère».
Bruno Mba, guitariste et chansonnier :
«J’ai rencontré Sony Edingo pour la première fois, je me rappelle, j’étais très jeune, dans les années 1975-1980, lorsque le défunt Pierre Claver Nzeng était venu au CCO à Oyem pour un spectacle.
La seconde fois, c’était dans les années 2000 à Akébé-Frontière, à Libreville. Je passais vers la famille Allogo Mintsa qui avait un snack. Je l’ai aperçu dans un recoin entrain de jouer la guitare sèche. Il ne me connaissait pas. Moi je le connaissais. Je me suis arrêté. Et quand j’ai pris sa guitare pour jouer, après m’avoir écouté, il n’a plus voulu me laisser partir. Il m’a dit non, tu ne pars pas, tu as du talent. J’aimerais que tu profites de ce talent. Je vais te confier quelques unes de mes chansons pour que tu puisses les chanter, parce que je suis déjà un peu fatigué. Je lui ai dit que, j’ai un style de musique qui n’est pas forcement le sien… Et nous avons partagé ces moments de famille dans la bonne humeur pendant de longues minutes. C’est à partir de là que nous nous sommes bien connus. A la longue, on se retrouvait parfois dans les cérémonies et on continuait à partager ces moments de convivialité. Sa mort est un grand vide dans le monde artistique. Je lui dis simplement, comme il l’a dit dans le clip-vidéo que nous avons réalisé avec d’autres artistes du Nord, pour honorer la mémoire de Pierre Claver Nzeng, «L’artiste ne meurt pas». Repose en paix, notre géant.»
Sony Edingo était en effet très grand de taille, le plus grand musicien Gabonais par la toise. Ce qui lui a valu le surnom métaphorique de «Géant de la musique gabonaise». Son frère Obame Allogo annonce le programme des obsèques de Sonny Edingo ainsi que suit : Jeudi 6 février 2014, sortie du corps de la morgue et exposition au domicile familiale, sis à Awoungou (Owendo) ; vendredi 7 février, transfert du corps à Nkolayo Nkodjègn (Oyem) et inhumation le samedi 8 février 2014.