Addis Abeba - Le 22e sommet de l'Union africaine (UA) qui s'est ouvert jeudi pour deux jours à son siège d'Addis Abeba est centré sur les crises au Soudan du Sud et en Centrafrique, deux pays ravagés par la guerre.
"Nos coeurs sont avec les populations de République centrafricaine et du Soudan du Sud, qui font face à des conflits dévastateurs dans leurs pays et en particulier aux femmes et aux enfants qui sont devenus les victimes", a déclaré la présidente de la Commission de l'UA, l'organe exécutif du bloc panafricain, Nkosazana Dlamini-Zuma, en ouverture des débats.
"Nous devons travailler ensemble pour assurer la construction d'une paix durable", a-t-elle ajouté.
Le Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn, qui a passé jeudi matin la présidence tournante de l'UA au président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, a ensuite appelé à "trouver des solutions urgentes pour éviter à ces deux pays frères de sombrer dans un abîme".
"Si nous échouons, cela aura de graves conséquences pour la paix et la sécurité dans la région", a-t-il ajouté.
A l'origine, le sommet, qui rassemble 54 nations africaines, devait avoir pour thème central "l'agriculture et la sécurité alimentaire". Mais les combats toujours en cours au Soudan du Sud et les derniers développements en Centrafrique sont venus bouleverser ce programme.
Au Soudan du Sud, deux camps s'opposent depuis mi-décembre, l'armée gouvernementale et des forces regroupées derrière l'ancien vice-président Riek Machar.
Malgré un accord de cessez-le-feu signé le 23 janvier, les affrontements continuent dans plusieurs régions. En six semaines, des milliers de personnes ont été tuées et 800.000 chassées de chez elles.
Dans ce pays indépendant depuis la partition du Soudan en juillet 2011, au terme d'une longue guerre civile (1983-2005), la rivalité politique entre le président Salva Kiir et son ancien vice-président a dégénéré en une confrontation armée qui prend une dangereuse tournure ethnique entre Dinka et Nuer, les deux principales communautés du Soudan du Sud.
Dans cette crise, l'UA a été invitée à jouer un rôle plus actif - jusqu'ici, les efforts de médiation ont été menés par une organisation sous-régionale est-africaine, l'Igad.
Quant à la Centrafrique, où une force de l'UA - la Misca - et un contingent de l'armée française sont déployés, elle est en crise depuis mars 2013, lorsqu'une rébellion à majorité musulmane a renversé le président François Bozizé, déclenchant une spirale de violences intercommunautaires dont les civils sont les premières victimes.
Le conflit a fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés. Après la démission du président de transition et ex-chef rebelle Michel Djotodia, une femme, Catherine Samba Panza, lui a succédé et un nouveau gouvernement a été formé.
Conflits ou "essor" africain?
Pour Peter J. Pham, analyste de l'Atlantic Council, la lente réponse de l'UA à la crise en Centrafrique pointe les faiblesses institutionnelles du bloc en matière de gestion des conflits.
Elle souligne également les difficultés à mettre en place une "force de réserve africaine" susceptible d'être déployée en urgence sur les points chauds du continent, en débat depuis une dizaine d'années mais restée à ce jour un vœu pieu.
Le sommet de jeudi et vendredi intervient huit mois après la célébration du cinquantenaire de l'UA, qui avait fêté la "Renaissance" du continent pour mettre en avant son dynamisme économique.
Les dirigeants des 54 pays membres doivent aussi se pencher au cours des deux jours sur l'"Agenda 2063", une feuille de route sur 50 ans destinée à donner un coup de fouet au continent.
Pour Jason Mosley, analyste du centre de réflexion Chatham House, cette rhétorique récurrente sur "un continent en essor" a occulté les problèmes de fond, mais l'UA ne peut ignorer, au risque de perdre sa crédibilité, les conflits ravageant l'Afrique, alors que le développement est indissociable des questions de paix et de sécurité.
Un autre sujet sensible devrait être au menu des dirigeants africains: la Cour pénale internationale, violemment accusée l'an dernier de partialité par l'UA. Le bloc avait demandé à ce que les chefs d’État en exercice, comme le Kényan Uhuru Kenyatta, poursuivi pour crimes contre l'humanité, ne soient pas jugés.