Accusé d’être le commanditaire d’un crime rituel au sujet duquel la justice n’a jamais fait la lumière, ancien candidat à la candidature PDG à la présidentielle de 2009, Daniel Ona Ondo, le nouveau Premier ministre est l’objet de tous les commentaires. Innocent pour les uns. Coupable pour d’autres. Il semble en tout cas avoir été un élément du dispositif ayant conduit Ali Bongo à la magistrature suprême. Mais, face au silence de la justice sur les accusations dont il fait l’objet et au regard de la recrudescence des crimes de sang, sa nomination semble intervenir à contretemps.
«Je sens que le CNC va avoir du boulot dès la semaine prochaine», lance, laconique et dépité, un journaliste du quotidien national L’Union. L’homme qui s’exprime ainsi dès l’annonce de la nomination de Daniel Ona Ondo au poste de Premier ministre n’est pas un de ses rivaux politiques mais un simple observateur avisé de la scène politique nationale. Mais, pourquoi donc ce journaliste prédit-il des saisines en cascade de l’organe de régulation de la communication ? Est-il au courant d’une campagne de presse en préparation ? Ou lui revient-il tout simplement en mémoire des faits passés ou des accusations dont le tout nouveau Premier ministre aurait fait l’objet ?
S’exprimant immédiatement après sa nomination Daniel Ona Ondo a dit mesurer «l’ampleur de la tâche» en raison des «attentes sociales des Gabonais» et du fait que son arrivée à cette fonction intervient à un moment clé, «à trois (3) ans de l’échéance du mandat présidentiel». Cette donnée a-t-elle été prise en compte par Ali Bongo au moment de prendre cette décision ? Si le porte-parole du président de la République, Alain-Claude Billié By Nzé, s’est contenté de dire que l’homme a été choisi pour ses « qualités, son expérience et sa fidélité au parti » et qu’il s’agit avant tout de « donner un autre rythme » aux choses, il n’en demeure pas moins qu’elle intervient quelques huit (8) mois seulement après la grande marche organisée par l’Association de lutte contre les crimes rituels (ALCR) avec l’appui de la première dame, Sylvia Bongo et trois (3) mois après l’assassinat de la jeune Catherine qui a relancé le débat sur la permanence de cette pratique barbare et ses rapports avec le milieu politique national. Or, Daniel Ona Ondo est régulièrement accusé d’être le commanditaire d’un crime rituel commis en 1996 sur la personne de feu Ondzigui Assoume. Une affaire toujours pendante au tribunal d’Oyem et dont notre confrère Edzombolo avait fait ses choix gras, rappelant au passage que l’épouse de la victime, Florence Ondizigui, a déposé devant huissier la déposition sur cette histoire de l’un des assassins de son époux alors que l’exécutant présumé Essono Medzegue croupit toujours en prison et que son complice supposé Asséko Medzegue est en cavale.
Si la culpabilité de Daniel Ona Ondo n’a jamais été prouvée, un doute subsiste dans les esprits tant la justice tarde à rendre son verdict sur cette affaire. Pis, les cases du canton Nyé dans le département du Woleu bruissent toujours d’anecdotes invraisemblables au sujet du nouveau Premier ministre. Il n’est pas rare d’entendre des gens y affirmer que ce dernier porte sur la conscience l’assassinat d’un membre de sa parentèle. «Dans sa jeunesse, au village, il a abattu de sang-froid un cousin qui le chahutait pour sa maladresse à la chasse», confie un éminent membre de la société civile originaire d’Oyem. « C’est vraiment le règne des crimes rituels ! », s’indigne un autre. Bien que cette appréciation semble forcer le trait, elle traduit le malaise qui a traversé l’opinion à cette annonce. Quelle image, cette nomination donne-t-elle finalement du régime ? Pourquoi ne pas s’être entouré de toutes les précautions ? Pourquoi ne pas avoir attendu que la justice fasse la lumière sur toutes ces accusations récurrentes ? Au dernier virage majeur du mandat d’Ali Bongo ne valait-il pas mieux tenir compte de ces aspects ? Et pourquoi autant de Premiers ministres en si peu de temps ? « En quatre (4) Ali Bongo a nommé trois Premiers ministres soit un de moins qu’Omar Bongo en 29 ans et deux de moins qu’en 42 ans », souligne un politiste, qui poursuit : «Soit cela signifie que le Premier ministre vaut encore moins que sous Omar Bongo, soit c’est le signe d’une certaine instabilité, d’un manque de confiance dans les gens ou pire d’une volonté d’humilier et de vouloir rappeler qu’il reste le chef », avant de conclure : « En tout cas, c’est d’autant moins de bonne augure que la valeur ajoutée technique ou politique de Daniel Ona Ondo reste à démontrer ».
ACCUSATIONS ET REVELATIONS
Economiste de formation, le nouveau Premier ministre ne fait pas toujours autorité et ne jouit pas de l’a priori de rigueur et compétence dont bénéficiait son prédécesseur à sa nomination. Bien au contraire, une rumeur récurrente à tendance à le présenter comme un tricheur qui aurait eu quelques soucis avec le Conseil africain et malgache de l’enseignement supérieur (CAMES) dans le passé. Certes, il bénéficie d’une longue expérience gouvernementale. Certes, sa nomination peut être perçue comme une volonté de panser les blessures de 2009 qui peuvent l’être, Ona Ondo ayant fait acte de candidature à la candidature PDG avant de se retirer. Mais, cela ne fait qu’apporter de l’eau au moulin de ceux qui affirment que sa candidature en 2009 participait d’une stratégie conçue par Guy Nzouba Ndama au bénéfice d’Ali Bongo. «Il aurait dû être le premier Premier ministre d’Ali Bongo mais Biyoghé Mba avait su s’accrocher », risque un observateur, ajoutant : « Sa candidature à l’investiture PDG visait à diviser les Fang et ouvrir la route à Ali Bongo ». Et de trancher : « Tout ceci sous la haute inspiration du président de l’Assemblée dont il est un homme ».
Objet de tous les fantasmes et de toutes les analyses, le président de l’Assemblée nationale est effectivement présenté par une certaine opinion comme l’instigateur de cette nomination. Son plan pour 2009 aurait-il été mis en musique quatre (4) ans plus tard par son bénéficiaire ? Si tel est le cas, il est à craindre que ce ne soit quatre (4) ans trop tard, la recrudescence des crimes rituels ayant entretemps ressuscité certaines affaires et projeté un éclairage nouveau sur le personnage. Entre accusations de crimes rituels, révélations sur le passé, rumeurs sur le déroulement du concours d’agrégation dont il fut lauréat, le nouveau Premier ministre pourrait faire les « Une » de tous les titres de la presse nationale et…. pas toujours à son avantage. On peut effectivement croire que le Conseil National de la Communication pourrait bientôt avoir un trop plein de boulot….