Prêtre, écrivain, éditorialiste, opposant historique et de «Père de l’aide publique à la presse», l’Abbé Noël Aimé Ngwa Nguema, s’est éteint le lundi 2 mars 2015 à Libreville. Il avait 82 ans. Le condensé d’une vie consacrée à la liberté et à la vérité.
Comme il est désormais de coutume, les réseaux sociaux ont rendu public, les premiers, le décès, ce lundi 2 mars 2015, de l’Abbé Noël Aimé Ngwa Nguema, personnalité ayant marqué la vie politique, sociale et religieuse du Gabon. «Un grand homme vient de quitter la terre des vivants», a écrit le journaliste Jean-Claude Nounamo sur mur Facebook.
Auteur compositeur de musique religieuse, acteur et observateur de la scène politique gabonaise, l’abbé Noël Aimé Ngwa Nguéma naît le 25 décembre 1933 à Lambaréné. Il fait ses études supérieures aux séminaires de Brazzaville et de Strasbourg pour obtenir, au final, une licence ancien régime en théologie, en philosophie, puis un doctorat de 3e cycle en lettres modernes à l’université de Strasbourg avant de rentrer, en 1970, au Gabon. Là, il est consacré curé de paroisse, aumônier d’Action catholique et enseigne dans plusieurs établissements, notamment les collèges Bessieux et Quaben de Libreville et l’Université Omar Bongo.
Noël Aimé Ngwa Nguéma est l’auteur de quelques livres : «Melan et Christianisme», «Choisir de dire la vérité», «Voyage initiatique» et «Le prix de la liberté». Son éditeur, L’Harmattan, le décrit comme quelqu’un à l’écoute de l’Evangile, porte-voix des ’’petit’’ de son pays, prêtre habité par le souci de la justice et de la liberté. «Tu m’as appris hier qu’un homme se distinguait par la maîtrise de la parole : il doit réfléchir avant de parler et, lorsqu’il a donné sa parole, il ne doit plus la reprendre. Il doit respecter les interdits et se montrer courageux», écrivait Noël Aimé Ngwa Nguema.
Politiquement, l’homme qui avait travaillé, dans la clandestinité, à mettre un terme au système monolithique d’Omar Bongo, se révèle au grand public lorsqu’il est mis aux arrêts avec d’autres membres du Mouvement de redressement national (Morena) au terme des évènements dits de la Gare routière, en 1981 à Libreville. Ils ne sortiront de prison qu’en 1988. Par obéissance à sa hiérarchie ecclésiastique, Noël Aimé Ngwa Nguema accepte alors son affectation à Nzeng Ayong, alors périphérie de Libreville, où il avait la mission de fonder une paroisse, celle du Cœur Immaculée.
Après la conférence nationale de 1990 qui instaure le multipartisme et la liberté d’expression, l’abbé Noël Ngwa s’illustre, à partir de 1992, comme le directeur du journal Misamu qu’il affranchit alors de la tutelle politique du Morena pour en faire une tribune indépendante et un journal d’analyses, l’un des plus professionnel et percutant de l’époque. Il reçoit, dans l’année 2000, le prix «Presse et démocratie en Afrique» décerné par le quotidien la Tribune de Genève, sous l’égide de l’Institut universitaire d’études du développement (IUED). Ce prix récompense un journal francophone «pour son engagement en faveur de la démocratie et des droits de l’homme (et sa) capacité à créer un espace de débats entre gouvernants et société civile, et à lutter contre l’intolérance raciale, tribale et religieuse». Fierté nationale, l’abbé Noël Ngwa se battra ensuite pour l’obtention de la subvention de 500 millions de francs CFA qu’octroie, chaque année désormais, l’Etat à la presse écrite gabonaise. Ce qui lui vaut le surnom de «Père de l’aide publique à la presse»
Interdit d’action politique par le clergé, il n’est pas moins arrêté, en septembre 2005, avec une autre figure de l’opposition, Marc Saturnin Nan Nguéma du Congrès pour la démocratie et la justice (CDJ), au demeurant son neveu, sous le prétexte de détention d’armes de guerre. Ce sera le dernier fait marquant de sa longue lutte politique, même si, en août 2003, il est convoqué au palais présidentiel par Omar Bongo qui se montrera physiquement violent envers le curé qui en est revenu avec une blessure au tibia, conséquence d’un coupe-papier que lui avait enfoncé Omar Bongo. «L’abbé Noël molesté à l’Olympe», titre alors l’hebdomadaire Le scribouillard. Dans les faits, l’abbé avait prêté les locaux de Misamu à un journal naissant et éphémère de ce fait, Sub-Version, qui s’en était pris à Edith-Lucie Bongo au point de susciter la colère de son époux de chef d’Etat. L’homme d’église avait alors préféré endosser plutôt que livrer les jeunes journalistes.