LIBREVILLE (AGP) –- Le président gabonais, Ali Bongo Ondimba dans une interview parue dans le quotidien français, « Le Figaro » jeudi, a déclaré que la France reste le premier partenaire du Gabon et passé au crible la situation politique de son pays, ainsi que le péril djihadiste « Boko Haram » qui sévit au Nigeria, menaçant la sécurité dans les pays limitrophes.
Le Figaro : Quelles sont vos relations avec les entreprises françaises ?
ABO : La France reste notre premier partenaire et, parmi les entreprises étrangères, les françaises sont largement majoritaires. Mais je veux qu’il y ait davantage de PME qui investissent chez nous, j’y travaille.
Vous avez été reçu la semaine dernière à Paris par François Hollande, dans le cadre d’un sommet économique franco-africain. Que lui avez-vous dit ?
ABO : En dépit des conflits qui éclatent sur mon continent, je veux que les regards portés sur nous changent. Je veux lutter contre l’afropessimisme et être, avec d’autres, le messager du dynamisme africain. L’Afrique est une terre d’opportunités pour tous ceux qui veulent bien ouvrir les yeux. L’Afrique est le continent du XXIe siècle, mais l’Afrique ne se développera pas, non plus, sans les africains.
Entretenez-vous de bonnes relations avec François Hollande ?
ABO : Je l’ai invité. La semaine dernière, à venir au Gabon. Mais, vous savez, la relation entre la France et le Gabon dépasse les hommes.
Vous avez participé à la marche du 11 janvier, à Paris, après les attaques islamistes. Comment avez-vous vécu cet instant ? ABO : C’était un moment unique que je n’oublierais pas. J’étais là pour faire tomber le mur de l’ignorance. On va fêter cette année les 70 ans de l’Organisation des Nations Unies. Il faut se servir de cet anniversaire pour continuer ce combat-là.
Le Gabon est doté de nombreuse richesses, notamment de pétrole et de bois. Beaucoup de compagnies étrangères sont déjà présentes chez vous. Que voulez-vous de plus ?
ABO : J’ai la volonté de faire entrer mon pays dans une nouvelle phase, et d’en finir avec une économie de la rente qui consistait à seulement exporter notre pétrole et notre bois. Depuis trop longtemps, nous sommes spectateurs, nous devons devenir acteur de notre développement. Notre philosophie de production doit évoluer. Je veux bousculer nos habitudes afin que le Gabon se lance dans la transformation des matières premières qu’il regorge.
Le Gabon veut, en quelque sorte, se réapproprier ses richesses ?
ABO : Nous sommes entrain de modifier notre législation pour faciliter cette évolution. Auparavant, l’Etat était économiquement au centre de toute l’activité économique, il doit désormais déléguer certaines missions à des opérateurs, gabonais ou étrangers, tout en restant au capital. Par ailleurs, dans les cinq ans à venir, 200000 hectares de terre vont être distribués aux gabonais dans le cadre d’un programme agricole que nous avons baptisé « Graine ».
Quel est votre objectif ?
ABO : Le cap est fixé. Il faut que, d’ici à 2025, le Gabon devienne un pays émergent. En 2014, nous avons enregistré une croissance de 5%. Nous pouvons faire mieux, en gaspillant moins et en gérant mieux nos potentialités. Cet objectif va nous obliger à mieux former nos jeunes et va permettre de créer de l’emploi. Partout où je passe dans le monde, j’encourage également les gabonais de la diaspora « ils sont 20000 » à revenir dans leur pays.
Qu’en est-il du respect des règles de la démocratie ? On vous reproche souvent de vous comporter en autocrate...
ABO : Le dialogue est ouvert. La presse est libre, très libre même, il n’y a pas un jour sans que je sois critiqué. Le Gabon compte 50 partis, chacun peut s’exprimer. Un Conseil national de la démocratie est en place, reste à désigner son président. Alors, bien sur, on peut toujours faire mieux, et plus. Mais si j’étais un horrible dictateur, je ne pense pas que les avions en provenance de l’étranger pour Libreville seraient pleins.
Vous pouvez affirmez qu’il n’y a pas de journalistes emprisonnés au Gabon ?
ABO : Pas un seul à ma connaissance. L’association Reporters sans frontières est venue deux fois au Gabon. Elle a pu constater que la liberté d’expression y est respectée.
Serez-vous candidat à votre succession en 2016 ?
ABO : J’ai été élu démocratiquement en 2009. J’avais fait campagne avec le programme « Paix, Développement, Partage ». Il est trop tôt pour vous dire si je serais candidat en 2016.
Le patrimoine français de certains chefs d’Etats africains fait, depuis quelques temps, l’objet d’enquêtes de la justice française. C’est l’affaire dite « des biens mal acquis ». La famille Bongo est dans le collimateur. Quel est l’état de votre patrimoine en France ?
ABO : On me reproche d’être l’héritier de mon père, Omar Bongo ! On instrumentalise cette ascendance et ce patronyme pour nuire à ma famille et à mon pays. Des enquêtes sont encours, dans les mains des juges. Le règlement de la succession de mon père en France est bloqué en raison de cette affaire. Je peux donc vous affirmer que je n’ai pas de biens personnels en France, et qui plus est mal acquis.
Le Figaro : Quelques pays Africains ont décidé d’unir leurs forces pour partir en guerre contre les islamistes de Boko Haram. Quel est le rôle du Gabon dans cette offensive ?
Ali Bongo Ondimba : Des pays, comme le Tchad, le Nigeria et le Cameroun, ont effectivement décidé de créer une force militaire multinationale de plus de 8000 hommes pour lutter contre Boko Haram. Je serais lundi prochain à Yaoundé, au Cameroun, avec les chefs d’Etat de la Communauté économique des états d’Afrique centrale, pour finaliser le pacte d’assistance mutuelle que nous avons passé entre nous. Nous devons mutualiser nos forces si nous voulons combattre efficacement Boko Haram.
ABO : Elle dispose de 15000 soldats. Mais il faut faire évoluer cette armée pour qu’elle soit opérationnelle face aux nouvelles menaces qui se présentent à nous.
Géographiquement, le Gabon n’est pas en première ligne face à Boko Haram. Redoutez-vous néanmoins des infiltrations ?
ABO : Le risque de déstabilisation de toute l’Afrique centrale existe car, outre la menace que fait peser Boko Haram, il y a aussi les vives tensions de la République centrafricaine qui ne doivent pas déteindre sur l’ensemble de la région. Le Gabon est un pays à majorité chrétienne, les musulmans, comme moi, y sont minoritaires. Je veille à l’équilibre de mon pays. Mais, au-delà de l’urgence sécuritaire, la meilleure des réponses à l’extrémisme religieux est le développement économique.