Alternant entre participations aux joutes électorales et appels à l'insurrection populaire, l'opposition gabonaise depuis 2009 cherche désespérément les moyens d'accéder au pouvoir. Décryptage.
En 2009, Ali Bongo Ondimba remportait l'élection présidentielle anticipée face à ses deux principaux challengers, Pierre Mamboundou président de l'Union du Peuple Gabonais (UPG) et André Mba Obame, transfuge et idéologue du Parti Démocratique Gabonais (PDG) ces deux derniers revendiquant la victoire à l’issue du scrutin.
Si les résultats de cette élection historique furent l'objet de virulentes contestations de la part des deux opposants, Pierre Mamboundou contre toute attente choisit la voie de l'apaisement avec le nouveau locataire du "Bord de mer", tandis que Mba Obame opta pour une lutte fratricide pour revendiquer "sa victoire".
Auréolé du statut de chef de file de la nouvelle opposition et convaincu que sa victoire lui avait été volée, tout en pariant sur un mandant catastrophique d'Ali Bongo au pouvoir, méthodiquement, il attend son heure.
Pour cela, avec d'anciens caciques du PDG tels que Zachary Myboto, Jean Eyeghe Ndong, ils fondent l'Union Nationale (UN) dont l'objectif est de fédérer l'opposition pour une alternance démocratique au Gabon. Le slogan est bien choisi.
Mais coup de théâtre, en 2011, André Mba Obame, las de voir Ali Bongo consolider son mandat présidentiel, s'autoproclame président de la République en prêtant serment sur la Constitution en direct sur TV + (sa télévision privée NDLR) et fonde son gouvernement, avant d'aller se réfugier avec les membres de son gouvernement au siège du Programme des nations unies pour le développement (Pnud). La réaction du gouvernement ne se fait pas attendre, l’UN est dissoute et rentre dans la clandestinité. André Mba Obame et ses compagnons après un court "exil" au siège du Pnud quittent les locaux de l'organisme international avec la garantie qu'ils ne seront pas inquiétés par la justice. S'il sait pertinemment qu'il n'est pas le président de la République, Mba Obame vient d'atteindre un objectif en envoyant un message clair à la communauté internationale ; celui de faire passer le Gabon pour un Etat dirigé par une dictature, en invitant les membres de la communauté internationale au chevet du pays et en essayant de les convaincre de la bonne cause d'une alternance démocratique.
La stratégie est toute trouvée : diaboliser le régime d'Ali Bongo Ondimba à la moindre occasion à l'international et braver l'autorité des institutions de la République, ce sera la méthode employée par André Mba Obame qui sera reprise par ses compagnons de l'opposition.
La même année, André Mba Obame et ses compagnons choisissent de ne pas se porter candidats aux élections législatives qui se soldent par conséquent sur une victoire fleuve du PDG à l'Assemblée nationale (114 sièges sur 120) pour mieux démontrer à la face du monde que le Gabon est une dictature. Invité sur le plateau de Gabon Télévision, la première chaine publique, lors de la veillée électorale, Paul Ngoundjout cadre la clandestine Union nationale appliquera la même ligne de conduite, répéter à l'envi que le Gabon n'est pas une démocratie.
En 2012, de retour au Gabon après un long séjour médical à l'étranger, dès son arrivée André Mba Obame brave de nouveau le régime d'Ali Bongo en appelant à une manifestation au quartier Cocotier qui débouchera sur une émeute et la mort d'un citoyen le 15 août de la même année.
Puis, nouveau coup de theatre, André Mba Obame, lors d'une interview dans les colonnes du journal "Echos du Nord" appelle ses compagnons à participer massivement aux élections municipales de décembre 2013. Suivra la victoire de la liste conduite par l'ancien Premier ministre Jean Eyeghe Ndong, dont la route pour la prise de la mairie de Libreville sera barrée par l'union sacrée entre le parti du Centre des Libéraux Réformateurs de Jean Boniface Asselé et le PDG qui fera élire Rose Christiane Ossouka en tant que première femme édile de la capitale gabonaise.
André Mba Obame étant absent du pays pour cause de maladie, Jean Ping, ancien président de la commission de l'Union africaine, refait surface sur la scène politique nationale mais cette fois-ci en rejoignant les rangs de l'opposition. Il poursuit alors le chemin tracé par son prédécesseur qui consiste à braver l'autorité de l'Etat et appeler au départ d'Ali Bongo Ondimba.
Jean Ping qui se répand sur les plateaux de télévisions internationales dépeint de manière négative la gestion du pays par Ali Bongo et en appelle ouvertement à une insurrection populaire.
Ensuite mal inspirés par la sortie du livre de Pierre Péan qui remet en cause la nationalité gabonaise d'Ali Bongo et sa gestion financière des caisses de l'Etat, et le départ de Blaise Compaoré du pouvoir au Burkina Faso, les membres du Front unide l’opposition pour l’alternance (Fuopa) rassemblés autour de Jean Ping espèrent voir l'issue du tunnel et la fin du régime.
Ces derniers multiplient les appels au départ d'Ali Bongo Ondimba en invitant les populations à descendre dans la rue. Résultat, un mort, suite à une marche interdite par le pouvoir, le 20 décembre dernier, des échauffourées éclateront entre les forces de l'ordre et les manifestants décidés à braver l'interdiction.
Déterminés à renverser le pouvoir par la rue, lors d'un énième meeting il y a une semaine, au siège l’ex UN sis à l'ancienne Sobraga, les leaders du Front uni ont lancé un programme de désobéissance civile non suivi par les populations.
Au final qu'adviendra t-il de la stratégie de l'opposition gabonaise si Ali Bongo Ondimba arrivait à se maintenir au pouvoir jusqu'en 2016, année de l'élection présidentielle?
Boycott, insurrection populaire ou participation à l'élection présidentielle? Quel sera alors le choix des membres de l’opposition?