Fédérées au sein de la plateforme Gabon Ma Terre Mon Droit (GMTMD) les organisations non gouvernementales œuvrant dans la gestion des ressources naturelles et la gouvernance foncière ont posé, le 24 janvier dernier à Libreville, un certain nombre de questions sur le contenu de la loi n° 002/2014 promulguée en août dernier.
Suite à la promulgation, en août 2014, de la loi portant orientation du développement durable, la plateforme Gabon Ma Terre Mon Droit (GMTMD) a animé une conférence de presse, le 24 janvier courant au siège de Brainforest à Libreville. Visiblement inquiets, les animateurs ont tenu a exprimé leurs incertitudes et doutes. «Les organisations de la société civile gabonaises sont très préoccupées au regard des implications directes ou indirectes de cette loi au niveau local et national», a affirmé le facilitateur du comité de pilotage de GMTMD. Saluant l’attitude de la commission Environnement et Développement durable de l’Assemblée nationale, qui les avait reçus en audition durant le processus d’examen de cette loi, Protet Judicaël Essono Ondo, a tout de même déploré qu’«un grand nombre d’interrogations et inquiétudes soulevées par la société civile sur le projet de la loi n’a pas été reflétée dans la loi adoptée». «Elles demeurent des sujets de préoccupation», a-t-il dit.
Selon lui, la loi 002/2014 portant orientation du développement durable en République gabonaise vise principalement la construction d’un marché où des «projets de développement durable» peuvent compenser les impacts négatifs des différents projets et activités sur l’environnement et les communautés locales en commercialisant ce que la loi nomme «crédits de développement durable». Ainsi, les projets éligibles à la génération, l’achat et la vente de ces crédits de développement durable sont appelés des «concessions de développement durable». Or ladite loi ne fournit pas d’informations supplémentaires sur l’identité ou la fonction de ces concessions. D’où les interrogations de la société civile. Qu’est-ce qu’une concession de développement durable et comment est-elle liée aux catégories de concessions existantes ? Quelle est la valeur commerciale des «crédits», comment et sur quelle base géographique seront-ils échangés ? Quelle est la procédure (gré à gré, adjudication, conversion de concessions existantes) pour obtenir une concession de développement durable ?
Ce sont là autant de préoccupations soulevées par la société civile. «Dans la détermination des critères d’évaluation du développement durable, il n’est mentionné ni la prise en compte, ni le respect des droits des tiers sur la ressource, notamment les droits des communautés locales et autochtones», a regretté Protet Judicaël Essono Ondo pour qui «il s’agit (pourtant) d’un aspect essentiel car c’est l’être humain qui constitue la finalité du développement durable». Et le facilitateur de la plateforme d’évoquer d’autres préoccupations en rapport avec cette loi comme l’implication pour l’environnement et les communautés ainsi que la méthodologie scientifique pour la quantification des «crédits». Au final, GMTMD estime que «cette loi met l’accent sur l’affirmation de nombreux principes, ce qui n’est pas inutile, mais passe à côté de l’essentiel, notamment la prise en compte des droits des communautés locales et l’implication de la société civile et du secteur privé». Autrement dit, GMTMD estime que cette loi est dangereuse en ce sens qu’elle introduit un nouveau système de crédits qui va baliser la voie à un développement plus «destructeur» que «durable».
Disant fournir une assistance technique à la plateforme GMTMD, Franck Ndjimbi est intervenu pour essayer de clarifier la position de la société civile sur cette question pas toujours comprise par le commun des mortels. A en croire ses dires, les préoccupations de la société civile repose essentiellement sur la territorialité des échanges, le respect des droits de propriété et la fongibilité des crédits. Pourra-t-on compenser dans une région ce qui a été détruit dans une autre ? Les crédits, notamment ceux liés à ce que la loi nomme «capital communautaire», seront-ils interchangeables ? Dans quel domaine forestier (rural ou permanent) les «projet de développement durable» seront-ils menés ? Voilà des questions sur lesquelles GMTMD a dit attendre des précisions. Car, a-t-il dit, «au Gabon, on a coutume de vous dire que la terre appartient à l’Etat». «Est-ce que tout ceci ne va pas accroître l’insécurité foncière dans nos villages et les réduire au rang de simples objets marchands ?», s’est-il interrogé. Les débats s’annoncent vifs et houleux…