La déclaration, le 12 janvier 2015, de SE Cynthia Akuetteh, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire des USA au Gabon n’a pas fini d’être interprètée. A ce sujet, Guilou Bitsutsu Gielessen, Secrétaire exécutif de l’Union républicaine pour la démocratie et le progrès (URDP), parti d’opposition jusqu’ici membre de l’Union des forces pour l’alternance (UFA), a fait parvenir à Gabonreview le libre propos ci-après.
Pour mieux comprendre la position Américaine par rapport à la situation politique du Gabon, il faut remonter le temps et relire les câbles WikiLeaks de septembre 2009. Ces «notes» de l’ambassadrice américaine Eunice Reddick rendus publics par Wikileaks révèlent à eux seuls ce que pensent aujourd’hui les Américains de l’opposition gabonaise.
Pour rappel, nous sommes en septembre 2009 après les élections et en plein contentieux électoral. L’ambassadrice des Etats-Unis au Gabon s’étonne de l’apathie généralisée de l’opposition gabonaise au moment où les USA semblaient attendre de cette opposition une action de protestation de nature à défaire le régime en place.
Cable WikiLeaks:
«Aucun des candidats à la présidentielle n’a pu esquisser un plan cohérent pour contester efficacement l’inauguration vraisemblable d’Ali Bongo en tant que président. (…) mais aucune stratégie de mobilisation du public pour le soutient de leur cause.» (…) Les divisions dans l’opposition pourraient s’approfondir davantage, la rendant incapable de capitaliser sur les faiblesses d’Ali Bongo, et de représenter les intérêts de la population. L’inefficacité de l’opposition continue de permettre au PDG de maintenir sa dominance sans aucune pression significative d’améliorer la gouvernance, de résoudre les problèmes sociaux et améliorer les performances économique. (…) Ali Bongo démontre(rait) qu’il n’a pas d’égards en ce qui concerne l’état de droit. (…) Ce silence a continué, avec pour conséquence que de nombreux gabonais désormais jugent l’opposition inefficace ou désintéressée.»
«A ce stade, il n’y a pas encore de successeur pour prendre la relève de leader de l’opposition. Mamboundou est vieillissant et sa santé est mauvaise. André Mba Obame, très populaire dans les zones dominées par l’ethnie Fang, (…) Les autres personnalités mineures de l’opposition sont considérées par la population, soit comme corrompues, ou secrètement alliées du parti au pouvoir et inefficaces, soit une combinaison de tout ce qui précède. En conséquence, il y a une absence de leadership croissante dans l’opposition. Contrairement au parti au pouvoir, il n’y a pas d’héritier dans l’opposition.»
Un constat sans complaisance qui frise le mépris
L’ambassadrice comme de nombreux observateurs, semblait penser qu’il aurait suffi de très peu de choses pour démonter les Bongo, mais que l’opposition s’est illustrée par son silence total et sa fuite en avant… De nombreux leaders et non des moindres s’étaient réfugiés dans les ambassades après le «gazage» par les forces de l’ordre de l’attroupement devant la cité de la démocratie. Pour Eunice Reddick, n’ayant pas pris leurs responsabilités et en ayant fui face à Ali Bongo, l’opposition par sa conduite a cédé volontairement le pouvoir à Ali Bongo alors qu’elle n’avait qu’à simplement le ramasser.
L’ambassadrice américaine semblait penser que ni Mamboundou ni Mba Obame n’ont jamais vraiment voulu en découdre avec Ali Bongo. Aujourd’hui pour les Américains ce scénario colle à la peau de l’opposition actuelle.
Cet «esprit» des câbles WikiLeaks a été transmis par «Bluetooth» aux différents ambassadeurs qui se sont succédés d’Eunice Reddick à Éric Benjaminson pour atterrir chez Cynthia Akuetteh.
Les Américains soutiendront l’opposition Gabonaise par opportunisme si cette dernière se révèle être une alternance. Toutefois, pour les Américains l’opposition actuelle malgré son casting n’est pas une alternance aux Bongo. Le baromètre des Américains c’est le peuple pas les dirigeants…
Aussi, pour les Américains, la détérioration du climat social au Gabon comme ailleurs en Afrique est le témoignage de la crise profonde que traverse le pays. Elle est une réaction inquiète, et apparemment inexorable, aux symptômes d’une société bouleversée par la pauvreté de plus en plus visible et des inégalités croissantes, un sentiment de déclassement généralisé. Si elle répond d’abord à une insécurité économique et sociale qui saisit toute la société ou presque, elle témoigne aussi d’un doute profond et insidieux sur l’avenir collectif. Rien du côté du pouvoir n’est fait de façon extraordinaire pour y remédier.
Face à un tel environnement, perçu comme chaotique et illisible, mais pour autant bien réel dans la vie quotidienne, car pesant sur les plus fragiles et les plus exposés aux difficultés économiques et sociales. Si une telle insécurité est étroitement liée à la situation économique et sociale de ceux qui la ressentent, l’éprouvent ou l’expriment, elle porte en revanche sur des éléments qui sont d’une autre nature, des éléments «politiques», en ce qu’ils sont associés aux modes de vie d’un régime au pouvoir depuis 47 ans et qui s’essouffle inexorablement.
Pour les Américains les problèmes du Gabon sont ailleurs… Sur cette «caste politico-économique» qui confisque richesses et pouvoirs, et qui a perdu de vue le peuple. Ignorant de la vie de leurs compatriotes. Ainsi, face à la montée des extrémismes de tous bords, les États-Unis prônent la culture du compromis pour sortir le Gabon de la crise.