La création du «Bugada-Bis» en 2013 lui est visiblement restée en travers de la gorge. Le chanteur entend désormais obtenir une clarification de la filiation du président de la République. Pour ce faire, il envisage l’organisation d’un «concert-populaire-sit-in».
Norbert Epandja a la rancune tenace. N’ayant pas digéré la création puis la mise en activité du Bureau gabonais des droits d’auteurs (Bugada) en 2013, qu’il perçoit comme «une trahison» voire «une imposture», le chanteur entend désormais affronter le président de la République sur un autre terrain que celui de la culture : sa filiation. Une initiative que certains originaires du Haut-Ogooué ne risquent pas d’apprécier. Pourtant, le président du Syndicat des artistes (Sya) semble déterminé. Il a adressé, au début du mois en cours, une «lettre au peuple gabonais», lui annonçant la création d’un «Mouvement citoyen pour la défense de l’identité culturelle du Gabon (MCDICG)» et l’organisation d’un «grand concert-populaire-sit-in».
Si la création du MCDICG apparaît comme une initiative plutôt louable du fait qu’il entend se battre pour la préservation et la promotion de l’identité culturelle du pays, le concert populaire, lui, semble peu probable voire hypothétique. Pour de nombreux musiciens, la participation à cet événement dont la date n’a pas encore été communiquée serait une façon de se tirer une balle dans le pied, au regard de la précarité dans laquelle vivent nombre d’entre eux. De même, l’on évoque une crainte d’un retour de bâton. «Les dirigeants de ce pays sont très rancuniers. Ils tiendront à nous le faire payer si on participe à un concert de ce genre», confie sous couvert de l’anonymat un jeune chanteur en vogue. Si certains disent craindre de participer au «Grand concert-populaire-sit-in», c’est que celui-ci a une bien curieuse visée : exiger «la vérité sur les origines et la filiation d’Ali Bongo».
Pour Norbert Epandja, «depuis que le Gabon existe, nos artistes sont toujours restés en retrait de la politique, estimant que le rôle qu’ils jouent dans la société les astreint à la neutralité. Mais la situation dans laquelle se trouve notre pays aujourd’hui nous interpelle tous et ce, d’autant plus que la Constitution de la République gabonaise commande à tout citoyen, qui qu’il soit, de protéger et défendre notre pays en toute circonstance». Et défendre le pays, estime-t-il, c’est veiller au respect de la Constitution, notamment en son article 10. Au regard de l’agitation actuelle, Norbert Epandja qui fustige les marches de soutien organisées par «certains responsables du Parti démocratique gabonais (PDG) dont la cupidité, la malhonnêteté et la fourberie ont atteint leur paroxysme, et qui croient être des hommes et des femmes éternels et plus intelligents que le reste des citoyens», exige d’Ali Bongo et Joséphine Kama «un démenti formel (des révélations faites par Pierre Péan), par des preuves tangibles et irréfutables».
Aussi, perçoit-il le concert à venir comme un moyen d’exprimer la volonté des Gabonais de «se libérer du régime en place qui, 47 ans durant, n’a fait que tirer le Gabon vers le bas et tuer l’intelligence et l’identité culturelle du peuple gabonais». Pour Norbert Epandja, «depuis 2009, date à laquelle Ali Bongo a pris le pouvoir, notre pays a perdu son identité culturelle : le Gabon, qui dispose de l’un des patrimoines culturels et artistiques des plus riches au monde, est devenu un désert culturel». De même, regrette-il, «les radios, télévisions, bars, boites de nuit, etc., ne diffusent plus que de la musique étrangère, au point de nous demander si le Gabon est encore notre pays». Volonté de résoudre un différend personnel avec Ali Bongo ou simple positionnement politique ? Tout reste à savoir. Pour l’heure, quelques artistes semblent motivés pour l’organisation du concert. Ils se seraient déjà inscrits sur la liste tenue par le Sya.