Pour l’avocat de plusieurs manifestants présumés du meeting échoué du 20 décembre 2014 à Rio (Libreville), le procès du 6 janvier n’a rien de juridique.
De l’avis de plusieurs observateurs et ONG gabonaises et internationales, le procès ouvert le 5 janvier courant a comme une odeur de règlement de comptes voire de démonstration de force par les gouvernants. Peu ou presque ne s’en étonneraient pas si la preuve du caractère politique était explicitement donnée au cours des audiences qui doivent se tenir les 9 et 13 janvier 2015. «Pour moi, c’est un procès politique», a accusé Me Jean-Paul Moubembe, avocat de plusieurs manifestants présumés du meeting échoué du 20 décembre 2014 à Rio (Libreville), au terme d’un procès ayant duré 14 heures d’horloge, pour un final plus ou moins décevant pour la plupart des personnes présentes au palais de justice de Libreville. Si l’avocat est apparu aussi convaincu et sûr de lui, c’est parce que, relève-t-il, «le ministère public lui même dit reprocher à mes clients le fait qu’ils ont été à un meeting».
L’anglicisme, ayant un sens fortement connu dans le pays qui n’en a que trop usé au fil des décennies et au gré des événements politiques, est sans équivoque. De nombreux médias à travers le monde, à l’instar du groupe britannique «BBC» ou du français «TV5 Monde», n’ont-ils pas titré sur leurs sites d’information «Des opposants à la barre à Libreville» ; «Gabon : Une centaine d’opposants jugés après une manifestation» voire «Une centaine d’opposants à Ali Bongo devant la justice». Rien d’étonnant, a semblé affirmer l’avocat de la défense, dont les maîtres-mots au cours de sa plaidoirie a été «relaxe immédiate et sans conditions pour la totalité des prévenus».
Si au terme du procès, l’avocat, reconnu pour ses interventions tonitruantes et son sens de la provocation assumée, n’a pas eu gain de cause, il n’en reste pas moins convaincu que ses clients sont désormais perçus comme des hommes politiques et que leur défense devait être menée sur cette seule base. «Vous avez pu voir que tous les leaders politiques de l’opposition étaient présents», a relevé Me Jean-Paul Moubembe qui, au cours de l’audience ne s’est pas retenu pour les indexer nommément à plusieurs reprises pour rappeler aux juges leur présence dans la salle, depuis le début jusqu’au terme du procès pour certains d’entre eux, à l’instar de Zacharie Myboto, Jean Ping, Jean de Dieu Moukagni-Iwangou et Luc Bengone Nsi. «Ceux qui sont véritablement mis en cause dans cette affaire, ce sont Jean Ping et ses compagnons de l’opposition. On sait où ils sont, pourquoi ne les arrête-t-on pas directement ?», s’est interrogé le célèbre avocat au cours d’un plaidoyer.
Si la question a semblé déplaire au président du tribunal comme aux avocats du ministère public, elle est apparue fondée pour de nombreux commentateurs pour qui toute la difficulté de l’affaire qui sera jugée pendant plusieurs jours encore réside dans cette interpellation. Myboto, Ping, Adiahenot et cie à la barre pour avoir initié le meeting de Rio ? Si rien n’est moins sûr, il n’empêche que le procès, pour certains, a une forte connotation politique. «Le contraire serait difficile à croire», estime un membre de la société civile présent dans la salle, comme pour réaffirmer la volonté des ONG ayant, dit-on, engagé des avocats au profit des accusés pour les sortir de cette mauvaise passe. Une affaire à suivre donc…