«On avait cru qu’après les assises sur la communication, et que même avant qu’on prenne les textes relatifs à une plus grande liberté d’expression, les lignes commenceraient à bouger sur la RTG1, mais malheureusement rien ne s’y passe», regrette un des porte-parole du Front uni de l’Opposition pour l’alternance. Un sentiment assez largement partagé dans l’opinion tandis que le CNC demeure la «main lourde» qui frappe, au nom de l’exécutif, les médias qui veulent garder une ligne éditoriale indépendante.
Rien ne semble s’être passé du 10 au 12 décembre dernier au Stade de l’Amitié sino-gabonaise. Rien ne semble s’être dit sur la communication au Gabon pendant ces trois jours. Rien ne semble avoir été retenu des échanges entre experts nationaux et internationaux, responsables de médias et autres participants. Quinze jours après les quelques résolutions et recommandations de taille qu’ont pu produire ces travaux de 72 heures pour entamer une nouvelle page de l’histoire de la communication au Gabon, les responsables de la RTG1 notamment ne font pas grand-chose. Peut-être a-t-on raison de fustiger leur manque supposé d’ambition.
Pas d’émancipation pour le service public de la télévision
En effet, en dépit des recommandations faites par les participants aux Etats généraux de la Communication, les responsables de la RTG1 notamment n’ont pas encore pris des dispositions destinées à changer les pratiques journalistiques au sein de cette maison. La RTG1 continue de présenter ses éditions de journal comme au «bon vieux temps» : par les activités du président de la République et de l’exécutif, les activités des institutions et celles du Parti démocratique gabonais (PDG) ou des formations politiques qui lui sont proches.
Et en dehors de «Débat de Presse», l’émission de Sylvain Abessolo qui ouvre son espace à des journalistes des médias indépendants, «la RTG1 reste la chaîne des institutions et du PDG», pour reprendre l’expression d’un journaliste de cette chaîne quelque peu écarté de la présentation du journal depuis quelque temps. En fait, «la RTG1, principale vitrine audiovisuelle du Gabon continue de fonctionner comme s’il ne s’était rien passé ces dernières semaines à Libreville», dénonce le responsable d’un hebdomadaire parmi les plus lus de Libreville.
Pas d’ouverture dans les médias publics, mais fermeture de certaines rubriques de médias privés
Autre institution condamnée par l’opinion : le Conseil national de la Communication (CNC). L’organe de régulation de la communication apparaît toujours, selon certains éditorialistes locaux, comme le «bras armé» de l’Exécutif qui «frappe ceux des journaux qui critiquent les positions gouvernementales, car ces journaux donnent l’impression de ne pas vouloir s’aligner». Le CNC vient en effet de décider de suspendre, pendant un mois, l’émission «Les choses du pays» de TV+ et le billet «Lettre à…» de Jonas Moulenda dans l’hebdomadaire Echos du Nord. TV+ et Echos du Nord, des médias «malpensants» ? Le directeur de publication d’un hebdomadaire va jusqu’à mettre en doute la bonne foi du ministre de la Communication qui a promis de «porter l’ensemble des résolutions et des recommandations à l’appréciation des plus hautes autorités de l’Etat» afin qu’elles entrent rapidement en application.
«Gabon Télévision étouffe le processus démocratique», selon un syndicaliste
En réalité, l’opinion ne pensait pas que la RTG1 ou Gabon Télévision puisse changer de fond en comble, et en quinze jours, ses méthodes et son armature fonctionnelle, mais elle a pu croire qu’elle verrait les lignes commencer à bouger, qu’elle constaterait quelque frémissement. Surtout qu’avant les Etats Généraux du 10-12 décembre, il y avait eu, le 18 novembre, l’appel du Représentant spécial de l’ONU et Chef du Bureau des Nations-Unies en Afrique centrale à voir toutes les forces vives s’exprimer sur les médias de service public. Il y avait aussi eu toutes les récriminations de l’opposition et de la société civile sur leur non-accès dans les médias publics, «fruit des impôts de tous». «Après les événements du 20 décembre, on aurait pu croire que François Ondo Edou, un des porte-parole du Front uni de l’Opposition, viendrait sur le plateau du «20-heures» pour donner la réplique au ministre de l’Intérieur ou pour porter la contradiction au Procureur de la République. Que nenni !», affirme un syndicaliste de la RTG1 qui regrette que la chaîne qui l’emploie «refuse de s’émanciper en appliquant simplement le bon sens : je parle, et on me contredit». «Pour moi, dit-il, Gabon Télévision participe aussi de la crise politico-sociale actuelle, car, par ses méthodes, elle étouffe le processus démocratique».
A quel moment, la RTG1 acceptera-t-elle de s’ouvrir aux forces de l’opposition et de la société civile dans ses journaux ? Peut-elle aller jusqu’à proposer aux membres du gouvernement invités à l’émission «Faire Savoir» d’accepter des contradicteurs par exemple ? Attend-elle que le gouvernement prenne des mesures de «libéralisation» du secteur pour agir ? «Il ne faudrait pas donner le sentiment à l’opinion que les Etats Généraux de la Communication n’ont servi à rien», souligne avec une dose de crainte un journaliste anciennement député à l’Assemblée nationale. Près de 25 ans après la Conférence nationale, «on est tenté de dire que tous les pans de liberté acquis à ce grand moment de réflexion collective se referment progressivement».