Plus de vingt ans après l’instauration de la démocratie multipartiste au Gabon, la question mérite encore d’être posée, ne fut ce qu’au vu du lynchage médiatique qui vise plus la Cour constitutionnelle, que le ministère de l’Intérieur et la Commission Electorale Nationale Autonome et Permanente (CENAP) à l’issue des scrutins politiques dans le pays. Même si l’élection sénatoriale du samedi 13 décembre 2014 n’a pas encore annoncé ses couleurs.
L’amalgame apparaît ainsi fort grossier qui prétend une main mise de la Cour constitutionnelle dans la préparation et l’organisation des élections au Gabon, nonobstant le cinglant démenti qu’en apportent les textes en vigueur manifestement méconnus du grand public.
En effet, la loi sur les élections politiques au Gabon prévoit que « la préparation, l’organisation et l’administration des élections incombent respectivement à l’administration, sous l’autorité du ministre chargé de l’intérieur, et à la commission électorale nationale autonome et permanente, en abrégé CENAP » (article 7 de la loi 7/96 portant disposition communes à toutes les élections politiques au Gabon), modifiées.
Ainsi, c’est l’administration qui est dépositaire du fichier électoral, à savoir qu’elle est chargée de : « la mise à jour permanente du fichier électoral ; l’établissement des listes électorales et la distribution des cartes d’électeurs avec la participation des représentants de la CENAP et de la commande du matériel électoral… en concertation avec la CENAP ; la détermination des centres et des bureaux de vote ; la transmission de la liste électorale, des tableaux d’addition, de la liste des centres et bureaux de vote à la CENAP et à la cour constitutionnelle, après leur établissement ; l’établissement d’un programme et de la conduite d’une campagne d’éducation civique des citoyens ; l’annonce des résultats électoraux à l’invitation du président de la CENAP et du contrôle du matériel électoral mis à la disposition de la CENAP ».
En outre, le Ministre de l’Intérieur met en place les commissions administratives d’inscription sur les listes électorales et de distribution des cartes d’électeurs, dirigées par le Gouverneur et le Préfet.
Quant à la Commission Electorale Nationale Autonome et Permanente, elle est chargée de l’organisation et l’administration des élections, en particulier leur bonne organisation matérielle. Elle jouit de l’autonomie de gestion budgétaire.
La CENAP se compose d’un président désigné par la Cour constitutionnelle, de deux vice-présidents dont l’un est choisi par les partis politiques de la majorité et l’autre par ceux de l’opposition, d’un rapporteur général coopté par le Ministre de l’Intérieur, de deux rapporteurs dont l’un choisi par les partis politiques de la majorité et l’autre désigné par ceux de l’opposition et de deux questeurs dont l’un désigné par les partis de la majorité et l’autre par ceux de l’opposition.
En ce qui concerne les attributions de la CEMAP, la loi électorale prévoit que la CENAP désigne des représentants au sein des commissions locales, qu’elle vérifie la liste électorale des bureaux de vote, qu’elle procède aux rectifications de cette liste électorale, et qu’elle forme les agents chargés des opérations électorales.
Par ailleurs, au terme toujours de la loi électorale, la CENAP reçoit et examine les dossiers de candidature, reçoit de l’administration le matériel électoral, veille au bon déroulement de la campagne électorale, distribue le matériel et les documents électoraux, publie la liste des centres de vote et bureaux de vote, nomme par le biais de ses structures locales les membres des bureaux de vote, désigne les contrôleurs chargés de superviser les opérations de vote, organise le ramassage et la transmission des procès verbaux des bureaux de vote au lieu de centralisation des résultats, procède au recensement des votes à travers ses commissions électorales locales et consulaires, centralise au niveau national l’ensemble des résultats de l’élection.
Une fois la centralisation des résultats effectuée par la CENAP, celle-ci invite le Ministre de l’Intérieur pour annoncer au public les résultats obtenus par chaque candidat ou par chaque liste de candidats.
Ce, une fois les résultats connus du public que la CENAP adresse à la Cour constitutionnelle et au Conseil National de la Démocratie les exemplaires de procès-verbaux qu’elle a centralisés et dont les résultats ont été annoncés, à sa demande, par le Ministre de l’Intérieur. Signalons que dès que les résultas sont annoncés par le Ministre de l’Intérieur, ils sont juste après publiés dans les journaux officiels, notamment le quotidien L’Union.
Au vu de ce qui est relaté, il y a lieu de souligner que le dispositif électoral au Gabon prévoit la participation des partis politiques de la majorité et ceux de l’opposition aux opérations électorales à travers, comme nous venons de l’indiquer, la Commission Electorale Autonome et Permanente dont le bureau est composé à parité par les partis politiques de la majorité et de l’opposition et les commissions électorales locales qui sont les démembrements au niveau provincial, départemental, communal, d’arrondissement et consulaire de la CENAP.
Ce sont ces commissions électorales locales d’ailleurs qui, rappelons-le, organisent les opérations de vote à l’échelon local, centralise les résultats au niveau local et fait annoncer les résultats à l’échelon local par le Préfet ou le Gouverneur.
Les présidents des commissions électorales locales sont désignés par la CENAP et les vice-présidents sont désignés à parité par les partis politiques de la majorité et de l’opposition.
Ces commissions électorales locales désignent à leur tour les présidents des bureaux de vote, alors que les deux vice-présidents et les deux accesseurs sont désignés à parité par les partis politiques de la majorité et de l’opposition.
D’autres dispositions prévues par la loi pour garantir la transparence électorale sont : la mise à la disposition de chaque bureau de vote d’une urne électorale numérotée, de l’encreur, la liste électorale du bureau de vote, un ou plusieurs isoloirs pour garantir le secret du vote et le nombre de bulletins de vote doit être le même pour tous les candidats.
A noter également que les procès-verbaux des opérations de vote sont établis à autant d’exemplaires que le nombre des candidats en lisse dont chaque représentant doit recevoir un exemplaire à la fin du dépouillement.
Au regard de tout ce qui précède, on peut conclure que le Ministère de l’Intérieur, qui est à la base de la liste électorale, et la CENAP avec ses démembrements locaux qui assurent la question de tout le processus électoral, sont les deux organes principaux dans l’organisation des élections au Gabon.
Certes, la Cour constitutionnelle proclame les résultats que la CENAP lui transmet après qu’ils aient été annoncés par le Ministre de l’Intérieur, mais son rôle qui se situe totalement en aval c’est-à-dire à la fin du processus ne saurait lui valoir cette responsabilité exclusive dans le bon déroulement ou non des élections au Gabon. Le contentieux électoral n’est qu’une faculté ouverte à tel citoyen pour contester tel résultat, celui-ci n’est donc pas obligatoire.
On observe que la Cour constitutionnelle, qui est tant indexée en matière électorale, n’intervient qu’à la fin du processus et aucunement dans la préparation et l’organisation du scrutin. Une mission qui revient au ministère de l’intérieur et à la CENAP comme du reste nous venons de le démontrer. Il apparaît donc fort abusif, voire irréaliste, de lui attribuer l’élection de tel ou tel candidat ou camp politique aux simples prétextes qu’elle proclame les élections et désigne le président de la CENAP.
C’est donc un faux procès qui est fait à la Cour constitutionnelle lorsqu’on lui attribue l’élection d’un tel candidat ou d’un tel camp politique. Des raccourcis intellectuels qui résulteraient pour beaucoup de l’ignorance et de la méconnaissance des textes en vigueur, à défaut de relever purement et simplement de la mauvaise foi, voire de la provocation et de la diffamation. Ce qui du reste constitue des outrages à juridiction et à magistrat, punis par la loi.
Certains juristes expliquent ces attaques et autres dénigrements par le fait que la Cour constitutionnelle incarne une institution, donc un pouvoir qui essuierait ipso facto les frustrations subjectives de certains acteurs politiques par simple phénomène de pouvoir et non parce qu’elle fait élire quiconque.
Par ailleurs, on ne peut manquer de relever que les partis politiques ont aujourd’hui dans la préparation et l’organisation des scrutins plus de pouvoir que la Cour constitutionnelle. Au vu notamment de leurs représentations permanentes tant aux postes de vice-présidents, rapporteurs et questeurs du bureau de la CENAP, qu’aux postes de vice-présidents des commissions électorales provinciales, départementales, communales, d’arrondissement, de district et consulaire, mais mieux aux postes de vice-présidents et assesseurs des bureaux de vote, là où tous les résultats du scrutin sont arrêtés et validés par les signatures des présidents, vice-présidents et accesseurs desdits bureaux de vote.
Ainsi donc ces acteurs et leaders de partis politiques sont bien placés pour jouer un rôle pédagogique auprès de leurs militants et populations parce qu’amplement impliqués dans la préparation et l’organisation des élections. Et pourtant la classe politique gabonaise regorge des personnalités telles Jules Aristide Bourdes Ogouliguendé, Me Séraphin Ndaot, Me Louis Gaston Mayila, Casimir Oyé Mba (des juristes), ou encore Eric Dodo Bounguenza, Paul Mba Abessole, Faustin Boukoubi, Jean Ping et bien d’autres, qui semblent malheureusement s’illustrer d’avantage par un certain cynisme partisan ou politicien qu’un véritable rôle d’éducation et d’instruction des masses.
N’est-il pas temps de corriger ces comportements et amener chaque responsable politique à évaluer d’une manière froide ses atouts face à l’élection ?