Un tract aux allures de contrat circule en ce moment à Libreville. Diffusé peu de temps après le refus du directeur général de la Caistab de prendre part aux marches de soutien à Ali Bongo, il est de nature à semer la zizanie dans la parentèle du président de la République.
Dans la famille du président de la République, c’est l’émoi depuis quelques temps. Il y règne un climat pour le moins pernicieux fait d’accusations, symptomatiques d’une frilosité née au lendemain de la sortie du livre «Nouvelle affaires africaines – Mensonges et pillages au Gabon» du journaliste-écrivain français Pierre Péan. Dans cette atmosphère, certains sont soupçonnés de vouloir marquer leur différence ou affirmer leur soutien en fonction de leur lecture des événements.
Dans sa livraison n° 202 du mardi 2 décembre 2014, l’hebdomadaire La Loupe donne un aperçu de cette mitose en révélant les divergences au sein de «la dynastie Dabany». Citant une source proche de la famille, notre confrère révèle que le patriarche du clan, Jean Boniface Assélé, n’a guère apprécié l’attitude de son neveu, Léon Paul Ngoulakia, ancien secrétaire général du Conseil national de sécurité, qui aurait brillé par son absence à la conférence de presse qu’il a animée le 12 novembre dernier pour soutenir Ali Bongo, confronté à la controverse sur son état-civil.
A en croire l’hebdomadaire, Léon Paul N’goulakia aurait lancé à Jean Boniface Assélé, qui sollicitait sa présence à la rencontre: «Je ne suis pas là pour défendre les étrangers». Mieux, aurait-il ajouté : «En 2016, je ne serais pas avec vous. Je ne suis pas là à me battre pour que les étrangers se retrouvent à piller le Gabon». Des propos rapportés au président de la République, en présence, apprend-on, de son très controversé directeur de cabinet.
Questionnements et suspicions
Quelques jours après cette rencontre, un tract dans lequel des menaces de mort sont proférées contre l’actuel directeur général des Caisses de stabilisation et de péréquation (Caistab), sur fond de revendications corporatistes, a circulé. Dans ce texte, on peut notamment lire : «Si nos revendications ne prennent pas forme dès réception de celle-ci, nous serons obligés d’emprunter la voie de règlement des comptes. A cet effet, nous sommes prêts à le faire, nous avons déjà localisé vos multiples lieux d’habitation…». Y aurait-il une relation de cause à effet ? La proximité de ces deux événements suscite en tout cas des soupçons.
On apprend ainsi que, contrairement à l’idée répandue, Léon Paul Ngoulakia n’a jamais baigné dans un environnement paisible. En 2010, une fiche des services de renseignement faisait état de l’antipathie du directeur de cabinet du président de la République envers sa personne. «Le service vient d’intercepter une conversation faisant état de ce que, Monsieur Maixant Accrombessi (M.AC) éprouverait de la gêne envers Monsieur vous. Du fait que l’intéressé n’arrive pas à vous maîtriser ou à vous contourner, il vous est vivement recommandé d’afficher une extrême vigilance et d’être plus que prudent en tout lieu et milieu», aurait signalé le document. Ali Bongo Ondimba en était-il informé ? Rien n’est moins sûr…
Pour autant, des sources proches du dossier, se demandent en quoi la non-participation de Léon Paul N’goulakia aux marches de soutien à Ali Bongo peut-elle être un fait significatif ? Après tout, ni Yolande Assélé, ni Patrick Assélé, encore moins Anicet Bongo ou Christian Bongo n’ont pris part à ces manifestations.
La conjuration des esprits libres
Un autre élément attire l’attention et montre, à l’évidence, que ce tract n’est pas l’expression des agents de la Caistab : ses rédacteurs soutiennent connaître le domicile de N’goulakia. Ce qui paraît au demeurant logique puisque cela fait 3 ans qu’il est en poste dans cet établissement public et que nombreux sont ses collaborateurs qui connaissent son domicile. Tout porte donc à croire, manifestement, que le tract n’a pas été conçu par des agents de la Caistab qui ont la latitude de formuler leurs revendications dans un cadre légal, autrement dit à travers leur syndicat.
A ce stade des extrapolations, une question se doit d’être posée : Léon Paul N’goulakia fait-il vraiment peur ? L’homme a été le coordonnateur en 2009 du cabinet de campagne d’Ali Bongo. Mais, l’on a souvenance, et il sera difficile de ne pas rattacher ces faits à ce qui se passe présentement, que pendant trois mois, le DG de la Caistab a été l’objet d’un lynchage médiatique sans que cela n’ait pu le faire sortir de sa réserve. On note au passage, qu’au plus fort de cette campagne de dénigrement, il semble n’avoir pas reçu de soutien de la présidence de la République encore moins de son cercle familial. Les menaces de mort qu’il dit avoir reçues ne peuvent donc le laisser impassible. Pour lui, les choses sont claires : ses détracteurs ont décidé de passer à la vitesse supérieure.