Saisi en novembre dernier par des acteurs de l’opposition au sujet du supposée «faux» acte de naissance d’Ali Bongo, le tribunal renvoie à la Haute Cour de justice non sans dénier aux requérants la capacité juridique de saisir cette juridiction d’exception.
Sous le coup d’une plainte pour «inscription en faux» depuis le 14 novembre dernier à l’initiative de quelques membres du Front de l’opposition pour l’alternance, Ali Bongo n’a pourtant rien à craindre : son cas serait visiblement trop compliqué pour certaines juridictions gabonaises, à l’instar du tribunal de Libreville dont le procureur général a annoncé, le 13 décembre courant, le «refus d’autorisation d’assigner». En clair, le tribunal de Libreville ne poursuivra pas Ali Bongo.
La décision qui ne manquera pas de susciter de vives réactions, repose sur deux principaux fondements, a expliqué Sidonie Flore Ouwé, mettant en avant «la procédure» et les prérogatives de sa juridiction. Si les initiateurs de cette plainte «courageuse» ont davantage agi en hommes politiques, n’omettant nullement que la moindre faute de leur part serait utilisée comme un prétexte pour invalider leur action, leur procédure n’en est pas moins frappée d’«irrecevabilité». Le procureur de la République près le tribunal de première instance de Libreville, ne l’ayant visiblement pas trouvé à son goût, a tout de même tenu à justifier que s’agissant de l’irrecevabilité de cette initiative, une maxime en droit permettrait de résumer la position de la juridiction qu’elle représente.
«Pour actionner le tribunal, il faut un intérêt», a-t-elle donc fait savoir, avant d’ajouter : «C’est dans cette logique qu’un groupe de personnes ayant un lien juridique, et donc une personnalité juridique, peut saisir le tribunal parce qu’ayant un intérêt commun.» Or, estime-t-elle, Zacharie Myboto, Jacques Adiahéno, Jean Ping et leurs compagnons n’ont aucun intérêt juridique commun. Belle trouvaille que celle qui consiste à ne voir aucun intérêt commun entre des citoyens du même pays !
Aussi, pense-t-elle que «les intérêts (des plaignants) étaient vraisemblablement multiples», chacun donnant l’impression de tenter de mettre l’initiative à son profit. De même, a tenu à dire Sidonie Flore Ouwé, «ne peut saisir une juridiction pour des faits dénommés de haute trahison et de violation du serment, que les membres de l’Assemblée (nationale), du Sénat représentant les 2/3 du Parlement». Soit. Se pose par la suite la question de «la compétence» du tribunal civil. Selon le procureur de la République, une aussi grosse affaire ne saurait être jugée qu’à la haute cour de justice et certainement pas dans sa juridiction.
Aussi, annonce-t-elle, «le tribunal a décliné sa compétence parce qu’un président de la République en exercice ne peut être traduit devant une juridiction de droit commun mais par une juridiction d’exception», conformément à l’article 78 de la Constitution. Voilà qui est dit ! Voilà qui ne manquera pas de susciter des débats de spécialistes sur l’irresponsabilité juridique du président de la République, la frontière entre l’institution et le citoyen, les actes commis avant son entrée en fonction, le rôle et missions du procureur de la République ainsi que la frontière entre les juridictions de droit commun et celles d’exception.