Après un ancien secrétaire général du Parti démocratique gabonais (PDG), après deux anciens Premiers ministres, un ancien vice-Premier ministre et de nombreux membres du gouvernement ayant appartenu à l’ancien parti unique, et après le n°3 du Rassemblement pour le Gabon (RPG), et bien d’autres encore, c’est au tour de l’ancien vice-président de la République, de claquer la porte du camp de la Majorité. Toutes ces personnalités peuvent-elles avoir tort au même moment ?
Le ciel semble s’assombrir pour la Majorité Républicaine. Si Libreville et le reste du Gabon sont en pleine saison des pluies, et que naturellement de sombres nuages s’amoncellent, chaque jour au dessus du pays, la Majorité semble être à l’image de la saison actuelle : tristounette, pluvieuse, maussade. Les nouvelles qui arrivent, l’actualité économique, le front social, ne sont pas au beau fixe. Et sur le plan politique, là aussi, c’est à une forme de dépeuplement que l’on assiste. Un «poids lourd» de ce camp vient de décider «devant Dieu, devant la Nation et devant l’Histoire» de rejoindre les forces de l’opposition réunies au sein du Front uni pour l’Alternance. Jean-Clément Didjob Divungi di Ndinge, ancien président et membre d’honneur de l’Alliance démocratique et républicaine (Adere), et surtout ancien vice-président de la République, a, après avoir fait une analyse sans concession de la situation politique, économique et sociale, décidé de rejoindre le camp de ceux qui luttent «pour la libération du Gabon».
Jean Ping avait déjà dénoncé, en février 2014, la mauvaise gouvernance en cours dans le pays. L’ancien vice-Premier ministre chargé des Affaires étrangères avait alors estimé qu’il ne pouvait rester les bras croisés au moment où «les dirigeants actuels menaient le pays vers le chaos». Il n’était pas encore question de l’acte de naissance ou des origines étrangères d’Ali Bongo. Jacques Adiahénot, ancien secrétaire général du PDG, avait pour sa part, quelques semaines plus tard, dénoncé la gestion du Gabon par «des gens n’ayant aucune attache réelle avec le pays», tout en condamnant la préférence générationnelle du nouveau pouvoir, alors que le Gabon a besoin de tous ses fils.
Puis vint Pierre Amoughé Mba, bras droit parmi les bras droits de Paul Mba Abessole au RPG. Cet ancien ministre de la Culture, puis du Contrôle d’Etat, avait lui aussi mis en avant la mauvaise gestion du pays depuis 2009. Pour sa part, même s’il n’a pas claqué la porte de la majorité, le leader du RPG avait exprimé quelques doutes sur le fonctionnement démocratique en cours dans le pays, estimant que le Gabon vivait sous une dictature «à la Nord-Coréenne». Pas moins que cela ! Dès le lendemain, des titres proches de la majorité demandaient à l’intéressé de quitter la majorité sans plus attendre. L’attaque était rude. Il y a, enfin, eu aussi les prises de position de Philibert Andzembé et de Michel Mpéga.
Les mots utilisés par Didjob Divungi di Ndinge samedi dernier rejoignent ceux utilisés par d’autres personnalités, à savoir la gestion de l’Etat par de «néo-Gabonais», la création d’agences «réceptacles de fonds publics» utilisés à des fins personnelles, la désinvolture, l’insouciance au sommet de l’Etat… Selon un sociologue gabonais, enseignant à l’Université Omar-Bongo, «Ali Bongo va sans doute, encore une fois, garder la même ligne d’attaque : demander à ses «porte-flingues» de parler de la supposée ingratitude de l’ancien vice-président de la République, des supposés détournements de fonds qu’il aurait opérés dans l’exercice de ses fonctions antérieures, et dire qu’il est indigne de donner des leçons. Tout cela, on le sait, constitue les premiers tirs groupés de la ligne d’attaque définie par les proches du président».
Au total, plus d’une vingtaine de personnalités parmi de gros calibres de la majorité ont décidé de tourner le dos à la politique de l’Emergence. D’autres sorties sont annoncées. S’il ne fait aucun doute que Paul Toungui, Idriss Ngari et Flavien Nzengui Nzoundou demeureront au PDG, en revanche d’anciens députés, sénateurs et collaborateurs d’Omar Bongo devraient bientôt faire leur «coming-out».
Le départ ou les prises de position de toutes ces personnalités devraient, à la vérité, ne pas être pris comme un épiphénomène, un non-événement, mais devraient plutôt être analysés froidement et permettre, si cela est encore possible, au chef de l’Etat et au gouvernement de changer de fusil d’épaule. Il faut, en effet, froidement se demander s’il y a véritablement un problème de gouvernance politique et économique au Gabon. Chercher quels sont les déterminismes de ce qui parait être un malaise. Enfin, toutes ces personnalités peuvent-elles avoir tort au même moment ou y a-t-il véritablement péril en la demeure ?