Jean-Boniface Assélé ne s’est plus exprimé publiquement depuis. Il laisse l’opinion se nourrir d’analyses, rumeurs, et autres « on dit ». Et pourtant, deux semaines avant la désignation de la candidate PDG à la mairie de Libreville, le président du Centre des Libéraux Réformateurs (CLR, parti de la majorité présidentielle) ne faisait pas mystère de son ambition. «Le PDG a 60 conseillers et le CLR 42, contre 49 pour l’opposition. La mairie de Libreville est donc à notre portée », claironnait-il.
La mise sur orbite de la fusée Ossouka-Raponda par le PDG semble avoir douché son optimisme et tout changé. A peine le 4ème vice-président du Sénat avait-il menacé de se porter candidat à la présidence de la République en cas de refus du PDG de le laisser accéder à la mairie de Libreville qu’il donnait le sentiment de battre en retraite.
L’actuelle ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique du gouvernement Ndong Sima désignée, il renonçait à ses ambitions en même temps que s’envolaient les menaces proférées et que se desséchaient les espoirs placés en lui par son électorat. Celui qui, quelques semaines avant, appelait au partage se mure dans un mutisme éloquent.
A l’évidence, des conciliabules entre le PDG et son allié historique ont bel et bien eu lieu même si, elles n’ont pas débouché sur l’arrangement auquel s’attendait le tonitruant président du CLR. Bien entendu, ces négociations et arrangements de couloirs ont dû porter sur la composition du bureau du prochain Conseil municipal de Libreville. Mais, ils ont dû déborder et s’élargir à d’autres instances telles le prochain bureau du Sénat dont le renouvellement est prévu pour le premier trimestre 2015 et le gouvernement en voie de constitution.
Loin d’être une vague supposition, cette hypothèse de travail se soutient d’autant plus que, quelques semaines avant, l’homme dénonçait, avec la truculence qu’on lui connaît, l’hégémonie du PDG sur les institutions de la République. «Le PDG a déjà la présidence du Sénat, de l’Assemblée nationale, de la Primature et de toutes les institutions. Il est logique et souhaitable de penser aux autres », lançait-il alors.
Dès lors qu’il semble y avoir renoncé, les supputations vont bon train. Et, les confidences fusent. « Assélé a passé un deal avec Ali Bongo par personnes interposées. Entre Léon-Paul Ngoulakia (NDLR, ancien secrétaire du Conseil national de sécurité, actuel Directeur général de la Caisse de stabilisation et de péréquation et accessoirement cousin germain du président de la République) et Patience Dabany, il y a suffisamment de très proches de l’un et l’autre pour servir de courroie de transmission », confie un familier de l’homme aujourd’hui en rupture de ban.
Même si les choses ne se présentent pas tel qu’il le souhaitait, Jean-Boniface Assélé s’est donc résolu au compromis. Tel un joueur d’échecs, il va pouvoir disposer ses pions de façon à en tirer personnellement le plus grand bénéfice politique et matériel. Jamais, l’homme n’a perdu de vue ses propres intérêts.
«On lui a fait deux propositions pour lui-même : 1er vice-président du Sénat ou 1er adjoint au maire de Libreville », confie un proche, qui précise : « Normalement, il devrait prendre la mairie et se voir confier les finances », poursuivant : « Sauf s’il devra se rattraper en plaçant un des siens à la Direction générale des Finances et Recettes ».
Dosage ethnique
En effet, considérée comme la direction générale le plus riche et la plus importante de l’Hôtel de Ville de Libreville, la Direction générale des Finances et Recettes devrait s’élargir davantage et être confiée à un très proche du président du CLR. « Gaillard (NDLR, pseudonyme affectueux de Julien Assoumou Akué) va cumuler la direction générale des Marchés qu’il occupe en ce moment avec celles des Finances et Recettes », prédit la même source.
Une prédiction somme toute troublante car, au-delà de la forte concentration de pouvoirs qu’une telle réforme entraînerait, l’actuel directeur général des Marchés et ancien suppléant de Jean-Boniface Assélé était tête de liste dans le 6ème arrondissement de Libreville. Il vient donc d’être élu conseiller municipal. Pourra-t-il simultanément assumer des fonctions au sein de l’administration municipale et être membre du Conseil municipal ? Si aucune disposition légale ou réglementaire ne permet de répondre à cette question, on peut tout de même penser que le Conseil municipal étant un organe délibérant, un de ses membres ne saurait valablement exercer au sein de l’administration sans être accusé de « conflit d’intérêts ».
Au jeu des confidences, on apprend également que le vice-président du CLR et actuel 3ème adjoint au maire de Libreville en charge des Marchés pourrait faire son entrée au gouvernement sans que l’on sache à quel poste exactement. Dans cette aventure gouvernementale, Eloi Nzondo ne serait, bien entendu, pas seul. Militant du CLR également, l’actuel directeur général de l’Agence Nationale d’Investigations Financières (ANIF), Patrick Assélé Ondjiani, dont le patronyme est plus éloquent que tout, devrait l’y accompagner. «Le président a proposé Eloi Nzondo et son fils Patrick pour le gouvernement », dit un militant, qui interroge aussitôt : « Si pour Eloi il n’y a pas de problème, pour Patrick c’est plus compliqué. Connaissant un peu le milieu, je me demande comment ce sera reçu en haut lieu ». Effectivement, sans entrer dans des considérations d’ordre privé ou remettre en cause les compétences techniques du préposé, l’entrée au gouvernement du cousin germain du président de la République pourrait davantage brouiller l’image de ce dernier, confortant par la même occasion les accusations de népotisme et de dérive monarchique dont il n’a cessé de faire l’objet depuis son arrivée au pouvoir.
Jean-Boniface Assélé rêvait de l’Hôtel de Ville de Libreville. Y ayant visiblement renoncé, il se laisse courtiser et tisse sa toile. Déjà, il se dit que dans le 6ème arrondissement de Libreville, le poste de maire échoira à Eliane Frida Midanga Midoungani alors qu’Edwige Pulchérie Andem Obam pourrait conserver le 3ème.
Un savant dosage ethnique qui laisse à penser que l’homme entend prendre de vitesse les indépendants des listes « Libreville pour tous » dont chacun sait qu’ils sont plus qu’un cheval de Troie pour l’Union Nationale. Pour le président du CLR, il s’agit de devenir incontournable pour la suite. Une sorte de pied de nez à tous ceux qui, il n’y a pas si longtemps, envisageaient l’invalidation de sa liste dans le 3ème arrondissement de Libreville….