L’élection des bureaux des Conseils municipaux et départementaux de dimanche dernier a révélé la fragilité du parti au pouvoir. De nombreux élus de cette formation se sont notoirement distingués par leur indiscipline. C’est le cas dans l’Ogooué-Létili, à Minvoul et dans le Komo-Océan.
Faustin Boukoubi, Dibadi Mayila et Emmanuel Nzé Békalé ont du pain sur la planche. Il va falloir en effet au secrétaire général, au secrétaire général adjoint chargé des élections et au président de la Commission permanente de discipline du Parti démocratique gabonais (PDG) sortir de leur torpeur légendaire et réagir aux nombreux cas d’indiscipline qui se font jour parmi les élus de leur parti dont un certain nombre ont fait montre d’insoumission aux «notes d’orientation» signées par le secrétaire général du PDG «après décision du Distingué Camarade» de ce mouvement politique. Si le journal L’Union a pudiquement titré dans son édition d’hier à propos du vote des maires et des présidents de conseils départementaux : «Entre logique et surprises», il s’agit en fait de défections et de trahisons de la part de certains élus de ce parti.
Trahisons, indiscipline,…
En effet, alors que le PDG est arrivé largement en tête dans le département de l’Ogooué-Létili (à Boumango et ses environs), comment peut-on interpréter l’échec de sa liste ? Dans ce département, c’est la coalition Centre des Libéraux Réformateurs (CLR) – Gabon Avenir qui l’a emporté. De même, à Minvoul, alors que la plupart des observateurs avaient salué la «belle victoire» du PDG lors du scrutin du 14 décembre dernier, et que certains médias voyaient déjà, après cette victoire, le Pr. Fidèle Mengue m’Engwang comme le futur Premier ministre parce qu’il est originaire de cette ville considérée, année après année, comme frondeuse, voilà que l’élection de dimanche ramène tout le monde à la réalité : le PDG ne dirigera pas le chef-lieu du département du Haut-Ntem. Et pour cause : les dissensions, les inimitiés, les rancœurs entre militants PDG ont ouvert la voie Zéphirin Ndong Nyare du CLR pour le poste de maire de la commune. En dépit donc de la victoire initiale du PDG le 14 décembre, c’est le CLR qui remporte le fauteuil municipal. Là aussi, l’indiscipline et la trahison ont prévalu. Que vont faire Emmanuel Nzé Békalé, dont certains évoquent le manque de poigne et d’autorité, et sa Commission de discipline, pour arrêter de tels actes ?
Le SG du PDG fera-t-il montre d’autorité cette fois ?
Dans le département du Komo-Océan, le poste de président du Conseil départemental a échu à Jean-Emmanuel Ndoutoume du PDG. Ce Colonel de Douanes a toutefois obtenu sept voix au lieu des dix prévues. Un membre de sa liste, Abrigor Joël Endamane, pourtant secrétaire fédéral PDG, s’étant présenté contre lui avec le soutien de deux autres dissidents PDG (Cyrille Aubame connu pour ses sympathies avec Jean Eyéghé Ndong et l’ex-Union nationale et dont on se demande comment il s’est retrouvé sur la liste PDG le 14 décembre, et Bosman Etoughé). Lors de l’élection des deux vice-présidents, les trois dissidents ont voté avec les quatre indépendants de la liste Attisso Koffi Owulayé. Ce qui a mené à un score de parité : sept voix contre sept. Au bénéfice de l’âge, les deux candidats indépendants ont été déclarés vainqueurs face aux deux candidats PDG plus jeunes. Ainsi, alors que le PDG disposait de dix élus face à quatre indépendants, les deux postes de vice-présidents sont revenus aux indépendants. Un peu auparavant, concernant le renouvellement du bureau du Conseil municipal de Ndzomoe, chef-lieu du département du Komo-Océan, le PDG s’était imposé en remportant le poste de maire et les deux postes de maire adjoint. Une victoire acquise grâce à une stratégie bien menée par le candidat au poste de maire, Martial Nkoghé et ses deux adjoints Françoise Mabicka et Gilbert Olimbo. La position radicale et irréductible du maire adjoint sortant, Edouard Békalé, qui s’est présenté contre toute attente face au candidat choisi par le «Distingué Camarade», n’ayant pas prospéré.
Autre cas d’indiscipline : le refus des conseillers PDG du département de Bendjé d’aller prendre part au vote. Se sachant minoritaire, la liste PDG (11 élus sur 27) a pris contact avec la liste de l’indépendant Boussougou Mayagui (3 sièges), absent lui aussi du lieu du vote. Qu’a-t-on donc voulu proposer à Boussougou Mayagui en lui demandant cette sorte de «huis clos» le dimanche du vote ? Il est vrai qu’Honorine Dossou Naki, 68 ans, ancienne vice-Premier ministre et actuel Haut Représentant du président de la République, souhaite siéger au Sénat l’année prochaine… Si elle a les trois voix de la liste Boussougou Mayagui, le vrai faiseur de rois avec ses trois élus, en plus des onze voix pédégistes, elle est certaine de voir son rêve se réaliser face aux listes Gabriel Ogoula Monyama (7 sièges) et Saturnin Obame (6 sièges).
Mais ce «huis clos» donne une impression de magouille. La démocratie n’est décidément pas une affaire d’élégance…