Affirmant vouloir bâtir une «nouvelle république» avec des lois plus justes et en adéquation avec les réalités du pays, mais surtout, avec les aspirations populaires, le secrétaire général du Collectif ad hoc des Ekang du Gabon se lance en politique. Dans cette interview, il définit ses aspirations et ses motivations politiques.
Après 5 années de réflexion, vous entrez en politique. Quelles sont les véritables motivations qui sous-tendent votre décision ?
La civilisation japonaise a la culture de l’amélioration, de la perfection par l’échec. Celui qui s’est trompé ou a dû subir un revers apprend énormément quand il se relève. Je ne me suis pas trompé en soutenant, en août 2009, la candidature de Casimir Oyé Mba, homme pour lequel je garde mon respect et témoigne mon estime, en dépit de sa défaite. Je pense qu’il a toujours sa stature d’homme compétent et de bon gestionnaire, qui aurait empêché au Gabon de sombrer dans la faillite financière actuelle, qui est devenue une évidence pour tous les Gabonais, même si le pouvoir émergent s’emploie à nous le cacher. Devant la banqueroute d’un État riche, la corruption endémique d’une élite incompétente mais toujours accrochée aux affaires, l’appropriation des joyaux de la République par la «légion étrangère», l’absence de liberté d’expression ou de manifestation, la sécurocratie outrancière qui confine à la dictature militaire, une Constitution au cachet monarchique, une alternance impossible au regard des verrous posés à tous les niveaux du processus électoral, quel Gabonais amoureux du Gabon, amant de la patrie et souverainement républicain ne trouverait pas là des motivations subjectives et objectives pour entrer en politique ?
Au sein de quelle formation politique allez-vous militer ?
Le monde change. Les lignes bougent. Les procédés et la manière de faire la politique doivent emprunter la même évolution pour être en phase avec l’air du temps, mais également avec les aspirations populaires. Je me définis politiquement comme un panafricain militant pour l’intégration régionale et la fédération des sous-ensembles régionaux afin de constituer, in fine, l’État fédéral africain à l’horizon 2065. Aucun parti gabonais ne porte cet idéal. Je ne postulerai donc à aucun d’entre eux. Toutefois, je me situe dans le mouvement dit «souverainiste» dont l’objectif politique absolu est de redonner la souveraineté, aujourd’hui captive d’une caste, au peuple gabonais à travers la refondation d’une nouvelle République. Car il faut mettre un terme à la République monarchisée du clan Bongo et ses affidés.
Cette nouvelle corde que vous ajoutez à votre harpe, ne vise-t-elle pas la présidentielle de 2016 ?
Oui ! L’échéance présidentielle de 2016 nous intéresse car nous entendons peser de tout notre poids pour la désignation d’un candidat unique du Front pour mettre un terme à la forfaiture émergente. Si bien entendu, nous arrivons jusqu’à cette date, car avec l’effervescence sociale traduite par un mécontentement général et un ras-le-bol national, et la fébrilité d’un gouvernement aux abois qui a mis l’État en faillite, rien n’est moins sûr !
Quelle sera la particularité sinon la différence entre votre manière de faire la politique et celle qui a toujours été servie au peuple gabonais aussi bien par la majorité présidentielle que par l’opposition ?
Nous entendons faire la politique autrement en évitant la langue de bois qui est une insulte à l’intelligence d’une jeunesse désormais informée et édifiée par les réseaux sociaux. Une nouvelle génération de cadres monte aux affaires. Elle est instruite des erreurs du passé, plus consciente de son rôle politique. D’autant que depuis 1990, les populations qu’elles souhaitent administrer sont également averties et n’entendent plus être les dindons de la farce. Le paradigme contextuel sociopolitique a changé. Les méthodes doivent changer et obliger à imaginer de nouvelles idées à mettre en œuvre pour apporter des solutions aux problèmes des citoyens. Dans cette vision, la rigueur et la probité intellectuelles sont des vertus à cultiver, le discours franc mais responsable aussi, et la géocompétence doit être érigée en mode de gouvernement en lieu et place de la géopolitique pervertie et inefficace qui a plombé les chances de développement du Gabon, malgré ses extraordinaires atouts, son potentiel inestimable.
Comment définissez-vous la nouvelle Afrique centrale et le nouveau Gabon ?
L’avenir de l’Afrique centrale est dans le panafricanisme et particulièrement l’intégration régionale qui est un champ d’application de cette pensée politique qui rehausse la dignité et l’histoire de l’homme d’Afrique. Que pèsent aujourd’hui les économies nationales séparées des pays de la Cemac dans l’Afrique et dans le monde ? Disposons-nous, au Gabon, de la masse critique humaine pour lever les pans importants de notre développement économique ? La même question se pose au Congo-Brazzaville, au Centrafrique, à la Guinée équatoriale, au Tchad et à Sao-Tomé et Principes. Le Cameroun s’en sort mieux, mais le pourra-t-il tout seul ?
La nouvelle Afrique centrale doit être panafricaine. Les institutions interafricaines doivent porter le projet panafricain et non plus être des établissements bureaucratiques où chaque pays défend ses propres intérêts. Les cas de la BVMAC, d’Air Cemac et la libre circulation des biens et des personnes en région Cemac montrent bien tous les défis que la nouvelle génération panafricaine d’Afrique centrale, à laquelle je m’identifie, doit relever.
Le nouveau Gabon commencera par la nouvelle république, débarrassée des oripeaux et des stigmates pseudo-monarchiques. Une nouvelle constitution qui reprendra le consensus unanime de la classe politique, obtenu lors de la Conférence nationale en 1990, sera érigée en intégrant la nouvelle donne contextuelle. Il nous semble désormais acquis que le renouvellement du mandat électif ne sera plus illimité. Et cela s’adresse aux mandats de toutes les élections, à la représentation nationale ou locale. Que la durée de ces mandats doit être courte, 5 ans maximum, pour permettre le renouvellement des intelligences et des énergies et pour éviter les comportements d’impunité que la longévité politique inspire insidieusement. La décentralisation politico-administrative doit devenir une réalité pour désengorger le pouvoir central et le ramener au plus près des populations.
La diversification de l’économie nationale doit se poursuivre car la rente pétrolière n’est pas éternelle. Les Gabonais ont certes du pétrole dans leur pays mais, ils ont aussi des idées ! D’autres propositions fortes comme le bipartisme constitutionnel politique pour enrayer l’éclosion des partis ethniques et concentrer le rassemblement et l’action public sur les idéologies et non sur l’appartenance géo-communautaire seront développées plus tard car elles exigent un autre entretien si vous me l’accordez.
Comme vous le voyez, notre «Nouveau Gabon» est beau à réaliser. Mais avant, il nous faut enterrer l’ancien Gabon qui n’est plus en phase avec les exigences du moment attendues par la vraie opposition, la société civile, les partenaires sociaux et finalement tout le peuple du Gabon.