Les PosteBank de Libreville au Gabon étaient fermées vendredi pour manque de liquidité tandis que Post@net et PostTranfer sont en proie à des problèmes de fonctionnement.La diversification des activités de La Poste S.A n’a pas eu les effets escomptés. Qui va sauver la sauver ? Enquête sommaire sur une entreprise en faillite certaine.
Vendredi dernier, toutes les agences PosteBank de Libreville étaient fermées pour manque de liquidités, mais le groupe La Poste S.A a fait croire à «une panne du réseau informatique». Si Post@net a de plus en plus de problèmes de fonctionnement, les autres filiales du Groupe, tel que PostTranfer, connaissent d’innombrables difficultés. La diversification voulue par le PDG de cette entreprise publique n’a pas eu les effets escomptés. En tout cas, les résultats sont, pour le moment, désastreux.
En France, le groupe La Poste ne dispose que de deux structures, à savoir la poste traditionnelle et la Banque postale. L’idée d’Alfred Mabicka Mouyama, PDG du groupe La Poste depuis 2007, de diversifier les activités de l’entreprise n’étaient pas mauvaise en soi. Même s’il y avait quelques sceptiques, personne ne doutait – pas même ses plus ardents opposants, comme le ministère de tutelle – que cette diversification allait apporter la modernisation de l’entreprise.
La création de PosteBank, PostTranfer, Post@net, Poste Mail et de Post Immo devait concrétiser cette modernisation, mais il a manqué à Alfred Mabicka la méthode, la pédagogie et des soutiens au niveau élevé de l’Etat. Pis, ignorant les nominations intervenues en Conseil des ministres, le PDG de La Poste a réorganisé, à sa manière, les équipes dirigeantes des filiales de l’entreprise. Cette nouvelle forme d’organisation interne va alors susciter quelques remous en interne, car elle mettait à mal les personnes nommées par décret du président de la République. Une réforme menée par l’ancien ministre de la Jeunesse et des Sports avec brutalité et sans concertation réelle avec les postiers. Mais, peut-on seulement réformer La Poste sans les postiers ? Entouré d’un petit groupe, dont Sylvain Nzamba, son homme de confiance, Alfred Mabicka, a voulu mettre en avant les textes Ohada pour justifier sa position. Mais l’idée a eu pour effet pervers de démobiliser de nombreux cadres de la maison. Une situation qui se révèle aujourd’hui catastrophique, tant au niveau de la gestion des ressources humaines que de la gestion des finances de l’entreprise. Un véritable scénario-catastrophe !
Les textes OHADA passent avant les décisions nationales
Devant l’échec de la réforme, les agents de La Poste S.A se sont vu réduire mois après mois leurs émoluments. Le groupe connaît actuellement les mêmes travers qu’en 2004. En tout cas, ce qui devait être le «maillon fort» de cette diversification, PosteBank, est en réalité en cessation de paiement. Ce sont les avoirs des épargnants qui permettent heureusement de faire tourner la maison. Aujourd’hui, face aux difficultés que connaît PosteBank, une astuce a été trouvée pour les vendredis, jour de gros retraits avant les week-ends : systématiquement, comme le vendredi 7 novembre dernier, on fait croire à une panne du réseau informatique. Il arrive également que les épargnants ne retirent pas autant qu’ils le souhaiteraient. «Lorsque vous voulez retirer une somme de 2 millions de francs CFA par exemple, on vous propose de prendre 1 million et de repasser la semaine d’après», soutient un client de la structure.
Autre fait notable : dans cette filiale, c’est le PDG du Groupe qui est également président du Conseil d’administration depuis près d’un an – ce qui serait contraire aux textes en vigueur, indique-t-on. En fait, après quelques incompréhensions avec Alfred Mabicka, Hervé Nzé N’No, le PCA de PosteBank, s’est résolu à démissionné de ce poste. Avec un directeur général, Florentin Kassa, qui ne ferait que de la figuration, Alfred Mabicka devient de fait le seul véritable maître à bord de la banque. Mais, PosteBank a besoin de 11,9 milliards CFA pour se relancer.
«Alfred Mabicka doit partir», lance un postier
L’autre tracasserie concerne PostTranfer, qui gère les relations avec Western Union International (W.U. International) et tous les mandats. Ici, justement, Western Union International menace rompre le contrat avec la Poste gabonaise, à cause d’une dette importante à son encontre. Pour l’heure, selon des agents de PostTranfer, le quota journalier que leur accordait W.U. International a été réduit presque de moitié. Quant à Post Immo, issu de l’ancienne direction du Patrimoine, elle ne fait rien d’autre que de percevoir des loyers, tandis que Post@net ne fonctionne que difficilement.
Avec sa réforme, Alfred Mabicka Mouyama n’a pas pu éviter que la «culture de contestation», bien ancrée dans l’entreprise, ne se réveille. Beaucoup de cadres souhaitent désormais son départ et la nomination d’un postier, car la diversification qui aurait pu se faire par étapes a plutôt causé d’énormes déficits. «La réforme Mabicka a manqué de cohérence ; était-il obligé de créer cinq filiales, alors que le Groupe sortait à peine de ses problèmes de fonctionnement ?», constate avec amertume un salarié. «Alfred Mabicka est un grand communicant, mais sa communication a été très maladroite», souligne un cadre avant d’ajouter que «le PDG de La Poste s’est mal entouré ; quand on arrive dans une entreprise, on s’appuie sur les cadres spécifiques de la maison, Alfred Mabicka n’a pas eu l’intelligence de le faire ; il a manqué de doigté». Le groupe La Poste doit être sauvé.