Face à ce qui prévaut au Burkina Faso, la classe politique française ne se départit toujours pas clairement du soutien qu’elle apporte depuis 27 ans à Blaise Compaoré dont le régime a vacillé après sa déclaration de quitter le pouvoir. Selon Survie, « Il voulait réviser la Constitution pour rester au pouvoir après 2015, après 25 ans au pouvoir. Alors que le régime de Blaise Compaoré vacille sous la pression de centaines de milliers de burkinabè, la France semble même tenter de s’opposer à un départ précipité de Compaoré revendiqué par le peuple du Burkina Faso ».
On ne trouvera pas cette fois de Michèle Alliot-Marie pour proposer au régime de Compaoré le "savoir-faire de nos forces de sécurité", comme elle l’avait fait en janvier 2011 à propos de la Tunisie de Ben Ali : la coopération militaire et policière avec le Burkina est déjà en place depuis bien longtemps. Les manifestants tués à Ouagadougou l’ont été par des forces qui ont déjà pu bénéficier de la formation et de l’équipement français.
C’est au regard de ce soutien historique qu’il faut lire les appels de la diplomatie française « à toutes les parties de faire preuve de retenue ». Nombreuses sont les voix françaises qui appellent les manifestants, mis sur le même plan que les policiers et militaires, au calme et dénoncent indistinctement "les violences", renvoyant ainsi dos à dos l’explosion populaire et la répression d’un régime dictatorial.
Laurent Fabius, déclarait que « nous n’avons pas à faire ou à défaire un gouvernement. Ce que nous souhaitons, nous les Français, c’est que nos ressortissants soient protégés et que l’on aille vers l’apaisement ». Mais ce que souhaite le peuple burkinabè, au cri de "Compaoré, dégage !", c’est clairement le départ d’un dictateur soutenu depuis toujours par la France. Plus inquiétant, le chef de la diplomatie française a indiqué avoir « demandé à notre ambassadeur sur place d’être un facilitateur de cette solution d’apaisement ». Ainsi, plusieurs témoignages font état de rencontres avec les différents protagonistes (armée, opposition) où l’ambassadeur français aurait poussé à l’acceptation du plan de transition proposé par Blaise Compaoré.
Cette pression par la diplomatie française s’oppose clairement à la revendication de démission immédiate de Compaoré formulée par les manifestant-e-s. L’association Survie conteste fermement le droit de l’ambassade de France à s’immiscer dans les décisions des opposants et du peuple burkinabè, et demande à l’exécutif français de rappeler ses coopérants militaires en poste au sein des forces burkinabè.
Outre la dizaine de coopérants militaires français présents détachés dans les forces nationales, les cadres de la gendarmerie burkinabè sont par exemple coutumiers de programmes de formation de l’Ecole des Officiers de la Gendarmerie Nationale française
Au lieu de condamner les manifestations, la classe politique française, qui avait unanimement rendu hommage à Nelson Mandela en décembre dernier, devrait se souvenir de ses propos : « C’est toujours l’oppresseur, non l’opprimé qui détermine la forme de lutte. Si l’oppresseur utilise la violence, l’opprimé n’aura pas d’autre choix que de répondre par la violence ».