Ouagadougou - Le président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, confronté à une contestation populaire d'une ampleur sans précédent, a annoncé vendredi qu'il quittait le pouvoir après 27 ans de règne.
"Dans le souci de préserver les acquis démocratiques, ainsi que la paix sociale (...), je déclare la vacance du pouvoir en vue de permettre la mise en place d'une transition", a déclaré M. Compaoré dans un communiqué lu à la mi-journée par une journaliste à la télévision privée BF1.
Cette transition devra "aboutir à des élections libres et transparentes dans un délai maximal de 90 jours", a ajouté M. Compaoré, dont on ignore où il se trouve actuellement.
Au lendemain de violentes émeutes contre le régime et de l'annonce par les militaires qu'ils prenaient le contrôle du pays, des dizaines de milliers de manifestants sont à nouveau descendus vendredi matin dans la rue à Ouagadougou.
Massés sur la place de la Nation, devant l'état-major des armées, ils criaient notamment "Blaise dégage!" et "Kouamé Lougué président". Kouamé Lougué, général en retraite, ancien ministre de la Défense limogé en 2003, bénéficie d'un fort capital de sympathie parmi les contestataires.
"Nous sommes en pourparlers avec l'armée pour qu'elle nous garantisse le départ de Compaoré", avait déclaré dans la foule Smokey, un cadre du +Balai citoyen+, un mouvement hostile au maintien au pouvoir de Blaise Compaoré.
Pour l'opposition, "toute transition politique à venir doit être conçue, organisée (...) autour des forces de la société civile, et intégrer toutes les composantes de la nation (...), y compris l'armée", selon une déclaration lors d'un point de presse dans la matinée.
"A partir de ce jour, Blaise Compaoré n'est plus au pouvoir", a lancé sous les applaudissements de la foule réunie place de la Nation, peu avant 12H30 locales et GMT, le colonel Boureima Farta, hissé sur les épaules de militaires.
L'opposition avait appelé dans la matinée "à maintenir la pression en occupant l'espace public", selon un de ses principaux responsables, Zéphirin Diabré.
"Le préalable à toute discussion relative à toute transition politique est
le départ pur et simple et sans condition de M. Blaise Compaoré", avait-il
insisté lors d'un point de presse dans la matinée.
- printemps burkinabè -
C'est l'annonce d'un projet de révision constitutionnelle, qui aurait
permis à Blaise Compaoré - arrivée au pouvoir lors d'un putsch en 1987, élu
pour deux septennats puis deux quinquennats - de se représenter à la
présidentielle en 2015, qui a jeté des centaines de milliers de Burkinabè
refusant un "président à vie" dans la rue.
Assemblée nationale incendiée, télévision publique prise d'assaut,
violences en province, appels à la démission du président: le Burkina s'est
enflammé jeudi. Cette crise a provoqué l'intervention des militaires, puis du
président Compaoré dans la nuit, créant la confusion.
Le chef d'état-major des armées Nabéré Honoré Traoré, dans un communiqué lu
par un officier, a annoncé la création d'un "organe de transition", chargé des
pouvoirs exécutifs et législatifs, dont l'objectif est un retour à l'ordre
constitutionnel "dans un délai de douze mois".
Le président Blaise Compaoré, arrivé au pouvoir par un coup d'Etat en 1987,
s'était ensuite exprimé sur une télévision privée dans la nuit, assurant avoir
"compris" le message de la population mais excluant toute démission.
Il évoquait simplement sa disponibilité pour "ouvrir des pourparlers" pour
"une période de transition" à l'issue de laquelle il "(transmettra) le pouvoir
au président démocratiquement élu".
Le bilan des troubles reste pour le moment incertain. Deux opposants ont
fait état d'une trentaine de morts et plus de 100 blessés. L'AFP n'a pu
confirmer que quatre morts et six blessés graves dans la capitale.
Les opposants se prenaient ces derniers jours à rêver d'un renversement du
régime, longtemps considéré comme l'un des plus stables de la région.
Un "printemps noir au Burkina Faso, à l'image du printemps arabe", lançait
mercredi l'opposant Emile Pargui Paré, au lendemain de manifestations monstres
qui avaient vu des centaines de milliers de personnes - un million, selon
l'opposition - descendre dans la rue à Ouagadougou pour dénoncer un "coup
d'Etat constitutionnel".