Une traditionnelle alliance avec le PDG qui vire en eau de boudin, une mairesse de Libreville qui ne veut rien lui céder. Si Jean-Boniface Assélé menace de faire exploser l’actuelle majorité municipale, personne n’y croit vraiment.
8 mois après la constitution de l’actuelle majorité municipale, on se demande déjà quel avantage Jean-Boniface Assélé a tiré de son alliance avec le Parti démocratique gabonais (PDG). Comme prévu, le président du Centre les Libéraux réformateurs (CLR), qui, durant la dernière campagne pour les Locales, n’avait pas eu de mots assez durs pour vilipender la liste dans laquelle celle qui est devenue son supérieur hiérarchique ne figurait qu’en 8ème position, rue désormais dans les brancards, proférant des menaces à peine voilées tout en se montrant conciliant avec le président de la République dont il sait bien qu’il est le véritable inspirateur de la stratégie du PDG.
On en arrive à se demander si, en dépit de sa longévité dans le jeu politique national, l’homme n’est pas un tranche-montagne. On en vient à désespérer qu’il puisse un jour revêtir l’habit du héros qu’il dit être. Comment une personnalité qui totalise 39 ans de carrière politique dont 20 en tant que ministre, 22 en tant que leader de parti et qui a été de toutes les joutes électorales, de toutes les combinaisons politiciennes peut ainsi se laisser gruger par une débutante ? Faut-il se risquer à imaginer que l’homme est une réputation surfaite, qu’il vit au pays des Bisounours ou plutôt qu’il se laisse tout simplement emporter par l’irrépressible envie de défendre systématiquement les intérêts particuliers de sa famille biologique et politique, quitte à y laisser des plumes ?
Aujourd’hui plus que jamais, l’alliance PDG/CLR ressemble à une partie de bonneteau avec Rose Christiane Ossouka Raponda dans le rôle de la maîtresse du jeu : la mairesse de Libreville gère tout toute seule, distribue des avantages et prébendes à sa cour cependant que ceux qui l’ont faite reine doivent se contenter du strict minimum. Il y a quelques mois encore, la mairie de Libreville était à conquérir et, Jean-Boniface Assélé a pensé que seule une alliance avec le PDG pouvait lui permettre d’y jouer un rôle essentiel. Or, c’est précisément parce que le PDG sentait qu’il risquait de voir la citadelle tomber, qu’il a jugé nécessaire de jouer sur les vieux réflexes et l’appartenance à une majorité qui tient davantage de la féodalité que d’une communauté d’idées. Maintenant que la mairie est passée sous le contrôle des proches de la mairesse, de personnalités dont la légitimité est sujette à caution, les dés sont jetés et le sort joué. Autrement dit, l’opération de reconquête à laquelle semble songer le 1er adjoint au maire de Libreville pourrait s’avérer plus compliquée que ne l’aurait été la conquête aux côtés des listes indépendantes conduites par l’ancien Premier ministre, Jean Eyéghé Ndong.
Intérêts particuliers et familiaux
Effectivement les choses semblent se compliquer. D’abord parce qu’Ossouka Raponda n’a jusque-là pas touché à certains intérêts particuliers, notamment dans l’assainissement et la gestion du marché de Mont-Bouët. Ensuite parce qu’il est désormais difficilement envisageable que Jean Eyéghé Ndong et les siens consentent à voler au secours de ceux qui, il y a moins d’une année, ont refusé toute forme de discussion avec eux, allant jusqu’à se rendre complices du vaudeville qu’a été la désignation du maire. L’épisode des procurations libellées aux noms de conseillers dont chacun savait qu’ils étaient parfaitement en état de voter eux-mêmes a laissé des traces, un arrière-goût et peut-être du ressentiment si ce n’est un sentiment de dégoût. Le refus du chef de file des listes «Libreville pour tous» de prendre part au vote du 26 janvier dernier en dit d’ailleurs long sur l’idée que l’homme se fait de l’alliance PDG/CLR. «Nous refusons que le vote de l’électeur gabonais puisse être contrôlé a posteriori» s’est-il insurgé à cette occasion, avant de poursuivre : «(Cela) ouvre largement la voie aux intimidations, au conditionnement du choix et à l’achat des consciences». Tout était dit…
Tout bien pesé, Jean-Boniface Assélé est dans un cul-de-sac, une situation sans issue. Chaque jour qui passe, ses principaux lieutenants, Julien Assoumou Akué «Gaillard» et Nicaise Sickout-Inguedja s’engoncent dans leurs costumes d’adjoints au maire de Libreville. Seraient-ils prêts à le suivre en cas de conflit ? Sont-ils disposés à risquer leurs positions actuelles ? Loin s’en faut…. A contrario, la perspective des prochaines sénatoriales offre au CLR la possibilité de faire monter les enchères. Sauf que, là encore, la stratégie des procurations abusivement utilisées pour l’élection du maire de Libreville pourrait à nouveau servir les intérêts du PDG. Dans une telle hypothèse, le leader du CLR aurait l’air bien fin de venir la dénoncer publiquement. Il est au surplus à craindre que l’ex-parti unique ne décide de contacter les élus CLR individuellement en leur promettant monts et merveilles, y compris des strapontins au sein du cabinet présidentiel ou des fromages dans la haute administration.
En supposant que Jean-Boniface Assélé continue à s’épancher, à laisser éclater ses états d’âme, à bander ses muscles, il est à craindre, pour lui, que le PDG ne décide de le lui faire payer cash, de lui appliquer les méthodes dont il s’est rendu complice jusque-là. Alors, quelle issue pour l’homme aux casquettes multiples ? Supporter et s’abstenir de déclarations publiques, quitte à avaler des couleuvres ? Ou, au contraire, attaquer, quitte à se lancer dans l’inconnu ? La réponse est inscrite dans le parcours politique de l’homme. S’affranchir des intérêts particuliers et familiaux n’a jamais fait partie de sa culture. Vis-à-vis du PDG, son attitude a toujours été celle d’un matamore. Sa conduite a toujours eu pour fondement la conservation du pouvoir par le «clan». Peut-il y déroger cette fois-ci ? Optera-t-il pour l’indépendance ou les arrangements d’arrière-boutique sur fond de considérations familiales ? Pour les observateurs, les réponses coulent de source. Mais, un seul homme feint de croire qu’il peut y avoir suspens ou incertitude : Jean-Boniface Assélé lui-même…