Les heures qui viennent risquent bien d’être parmi les plus longues vécues par les émergents et leurs anciens «camarades» passés à l’opposition, alors qu’une nouvelle œuvre incendiaire de Pierre Péan est à paraître sous peu.
Après avoir étalé au grand jour de nombreuses «Affaires africaines» par le biais d’un ensemble de documents classés «secret», avec pour visée principale de révéler le caractère trouble, aventureux et parfois compromettant des relations entre Paris et certains gouvernants de ses anciennes colonies, Pierre Péan s’apprête à nouveau à faire trembler le monde politique africain. Si en octobre 1983, le journaliste français avait déjà pu dire toute son aversion pour la «Françafrique», qu’il perçoit comme un sordide jeu de fourbes dont le principal gagnant demeure la France, sa prochaine œuvre sera essentiellement axée sur le Gabon. «Petit émirat équatorial gorgé de pétrole et d’autres ressources stratégiques», le pays dont il croit connaître l’histoire et celle des hommes de pouvoir, a bénéficié d’un nouveau regard de sa part. Pierre Péan que l’on disait avoir quelques révélations croustillantes à faire au sujet des dirigeants actuels du Gabon, à l’instar d’Ali Bongo et de son directeur de cabinet, Maixent Accrombessi, a souhaité cette fois s’attaquer aux différents «mensonges et pillages» qui prévalent depuis l’arrivée aux commandes de l’actuel président de la République. L’assemblage de documents intitulé «Nouvelles affaires africaines, Mensonges et pillages au Gabon» devrait donc faire mouche.
Minutieuse, la nouvelle enquête de Péan a notamment été basée sur diverses questions parmi lesquelles «les débuts de règne calamiteux du successeur d’Omar, Ali Bongo», ou les faits «de corruption, de détournement de fonds publics, d’assassinats, d’élections truquées avec la complicité de Paris, de «biens mal acquis» en France et ailleurs, de folie des grandeurs». Bref, une sorte de «bilan catastrophique du pouvoir gabonais», qui devrait être mis sur la place publique. «Pure légende, vraie construction ! Issu d’une famille catholique ibo de l’ex-province nigériane du Biafra avant qu’elle n’entre en sécession, soutenue secrètement et militairement par la France, Ali fut en réalité adopté par le couple Bongo à la demande de Jacques Foccart et, plus précisément encore, de Maurice Delauney, alors ambassadeur de France dans la capitale gabonaise», écrit Pierre Péan, qui avait déjà évoqué cette affaire sans livrer de preuves. Idem pour la stérilité avérée de Joséphine Bongo.
Pour l’heure, dans les rares extraits ayant fuité du livre tant attendu, on peut notamment lire : «Pascaline (Mferri), revient à Libreville le 28 mai. Elle rapporte de Barcelone un message de son père (Omar Bongo Ondimba) : «Le président insiste pour que la Constitution soit respectée.» Elle confie la teneur à un homme d’affaires américain qui la communique à son ambassadeur à Libreville. Message retors, puisque la Constitution, en l’espèce, c’est d’abord et avant tout l’article 10. Pascaline convoque son frère (Ali Bongo) et lui reproche de vouloir fomenter un coup d’Etat alors même que le président va bientôt rentrer au pays : «Le président est très fâché contre toi, tant pis pour toi quand il va arriver.» (Page 155)
Ou encore : «A minuit, les dignitaires du Djobi demandent à tout le monde de sortir. Puis ils chantent et préparent Bongo à prendre le chemin du non-retour. Les femmes n’ont pas le droit de pleurer tout de suite. Il faut d’abord préparer le mort au grand voyage… Le lendemain, à Franceville, une première réunion regroupe les seuls enfants d’Omar Bongo. Ali déclare que la famille doit rester soudée et menace tout le monde : il dit avoir les moyens de faire respecter ses injections. Il laisse entendre que le temps de son père est terminé : «Celui qui ne suit pas sera exclu. Gare à lui !» Le jour d’après, Ali se montre rassurant, annonce sa candidature et demande un soutien unanime. Il raconte qu’à la présidence il y a beaucoup d’argent liquide qui n’est pas destiné à la famille : «Ce sont des fonds politiques…» » (Page 165)
Même s’il est réputé bien documenté, le livre de Péan, pour qui connait bien le Gabon et pour ce qu’on en a déjà lu, comporte bien d’erreurs et même d’affabulations. A titre d’exemple, l’auteur affirme que Pascaline Mferry Bongo est une énarque bon teint, alors même que d’autres enquêtes auprès de la prestigieuse école d’administration française, affirment qu’elle ne figure dans aucun bottin de cette école à titre d’ancienne élève. L’enquête de Pierre Péan, qui s’appuie sur de nombreux témoignages, peut avoir souffert, par endroits, de ce qu’on nomme au Gabon le kongossa. Le livre est en tout cas très attendu et chacun pourra s’en faire sa petite idée.