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Célébration des 5 ans d’Ali Bongo au pouvoir : La défaite de la République
Publié le lundi 20 octobre 2014   |  Gabon Review


5ème
© Autre presse par DR
5ème anniversaire de l`accession à la magistrature suprême d`Ali BONGO ONDIMBA
Jeudi 16 Octobre 2014. Libreville. Cérémonie du 5ème anniversaire de l’accession à la magistrature suprême d’Ali BONGO ONDIMBA.


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Le primat de l’idéologie sur la réalité, des contingences politiques sur les exigences citoyennes sont une réalité mais on veut croire que rien n’est définitivement perdu. Entre appel à l’introspection et leçons du passé.

«(Les) réformes et (les) transformations, auxquelles nous nous sommes engagés, exigent une mobilisation permanente et patriotique autour de cet objectif national», disait Ali Bongo, dans son discours à la nation, le 17 août dernier. 2 mois plus tard, il célèbre le 5ème anniversaire de son accession à la magistrature suprême avec les seuls militants PDG auxquels se sont ajoutés quelques leaders de partis membre de la majorité. Pendant ce temps, les analystes et commentateurs interrogent son bilan avec doute et scepticisme. Si les militants du parti dont il est issu affichent une apparente unité autour de lui, les autres composantes de la nation assistent dubitatives à cet assaut d’autocélébration. Un président de la République qui festoie publiquement et célèbre son arrivée à la tête du pays dans un cadre purement partisan ? «Ils fêtaient les 5 ans de mangement», répète inlassablement le petit peuple. Dans ce commentaire apparaissent toute la déception, tout le scepticisme et tout le sentiment d’ostracisme dont se sent victime une population accablée par sa réalité quotidienne. Une fois encore, c’est la République et la nation qui en pâtissent.

Bien sûr certains feignent de croire que les fondements de la nation et de la République ne sont pas ébranlés, qu’il n’y a pas péril en la demeure et que tous les espoirs sont permis. Mais, cela relève davantage de la foi et de la méthode Coué que de l’exercice du droit légitime à la critique ou d’une lecture froide de la situation. Au-delà des postures idéologiques ou partisanes, la réalité est là, brutale et cruelle : l’appartenance partisane et la coloration politique prennent définitivement le pas sur l’Etat, la République et la nation. Et, les leçons de l’histoire font froid dans le dos. Si la préférence idéologique ou partisane est consubstantielle au PDG, elle fonde plus que jamais la gouvernance politique. Après la présidentielle anticipée d’août 2009 et l’accession d’Ali Bongo à la magistrature suprême, on a eu droit à un nettoyage idéologique, une purification partisane. Violente, rétrograde, intolérante, cette opération crache encore son venin 5 ans plus tard.

La défaite synchronique de l’Etat, de la République et de la nation est-elle définitive ? On ose espérer qu’un basculement peut encore se produire. Etait-elle prévisible ? On peut croire qu’il ne pouvait en être autrement. Né au pouvoir et de la volonté de ceux qui étaient alors en responsabilité, s’étant imbriqué dans l’Etat pendant 23 ans, le PDG continue à entretenir la confusion, volontaire ou pavlovienne, de substituer la légalité à la légitimité et d’user d’une rhétorique hasardeuse. 24 ans après la restauration de la démocratie, son jargon est toujours aussi exclusif. Mieux que tout, il exprime et renforce les certitudes partisanes. Censée déclencher les émotions voulues par la hiérarchie de ce parti, des expressions-clefs sont utilisées pour empêcher tout débat d’idées et noyer le poisson. «On vous connait», «laissez-nous avancer», «ingrat», «jaloux», «haineux», «aigri» reviennent telles des mélopées. L’un après l’autre, l’Etat, la République et la nation foutent le camp. Bien entendu, la fonction présidentielle s’en trouve abîmée, réduite à celle de chef de la majorité si ce n’est de parti.

Césure

L’abaissement de l’institution présidentielle n’est pas le fruit du hasard. Il est la résultante d’une conjonction de faits. Pour ainsi dire, le président de la République paie un double péché originel. Militant PDG depuis toujours, il ne l’est ni par choix ni par conviction mais par obligation familiale voire de façon naturelle. Naturellement militant PDG, il n’a jamais songé à en séquencer l’ADN. Conformément à la rhétorique ambiante, il a laissé prospérer la vision exclusive. La République est fondée sur la citoyenneté et l’égalité. Elle est une dialectique constante entre égalité et liberté, une tentative d’éviter que le culte de l’individu ne finisse par détruire le citoyen, que la jouissance des droits naturels ne s’oppose à la volonté générale et à l’intérêt collectif. Ayant ignoré ces fondements, ayant demandé aux uns de le «laisser avancer», ayant laissé s’insinuer l’idée que tout agent public en rupture idéologique avec la majorité est forcément un «ingrat», Ali Bongo s’est laissé enfermé dans une conception patrimoniale de l’Etat, passant par pertes et profits la République et la nation. Toutes ses promesses visant à «consolider l’Etat de droit» ont progressivement été reniées, répudiées. Comme dans une PME familiale«le fils du patron» a naturellement fini par devenir «le patron». Toute la logique patrimoniale s’étale…

La logique patrimoniale c’est celle qu’a développé et mis en pratique, jusqu’à l’écœurement, le premier Premier ministre du mandat en cours. Au demeurant, la nomination de Paul Biyoghé Mba à cette fonction est l’autre péché mortel du président de la République. Notre logique institutionnelle est dyarchique, avec un président au-dessus de la mêlée et un Premier ministre au charbon. En voulant à tout prix construire une administration monocolore, toute dévouée à sa cause, Paul Biyoghé Mba a remis au goût du jour le délit d’opinion, radicalisé les positions et gratté les blessures alors qu’il fallait les cautériser. Les populations en ont soupé de l’appétit gargantuesque et des méthodes rustres d’un homme qui a poussé l’outrecuidance jusqu’à militer pour une Assemblée nationale monocolore, croyant s’assurer une confortable majorité là où il créait les conditions d’un engourdissement. La dissolution de l’Union Nationale n’est pas le plus petit fait d’armes de cet ancien Premier ministre que l’ivresse du pouvoir avait fini par éloigner de la logique démocratique et républicaine.

La défaite de l’Etat, de la République et de la nation n’est pas seulement le contrecoup de la logique patrimoniale. C’est aussi le legs des 2 premières années du mandat en cours, le legs d’une ambition mal exprimée, mal contenue et mal dissimulée. C’est la conséquence de l’illusion de puissance et de la course effrénée au pouvoir absolu. Là où il fallait appeler au rassemblement des forces vives, la préférence idéologique voire le sectarisme ont été insupportables. Le «tout pour nous, rien pour les autres» a dicté sa loi, coupant le pays en 2. Cette césure-là, laisse encore apparaître ses effets pervers. Ces plis sont-ils définitifs, peuvent-ils être corrigés ?

En politique, rien n’est jamais définitivement acquis ou irréversible. Encore faut-il qu’Ali Bongo prenne la mesure des choses et les analyse avec froideur, sans passion. Les interactions entre l’Etat, le corps politique et la société doivent être interrogés avec lucidité, sans tabou ni a priori. Entre la gestion efficace des ressources, le développement de politiques pertinentes, le respect des citoyens et de l’administration par les institutions ainsi que le contrôle démocratique, rien ne doit être tenu pour secondaire. La tentation de privilégier les aspects sociaux ou économiques existe mais, il faut s’en garder. Le bonheur d’un peuple ne peut malheureusement être fait contre lui et sans lui. «Tout ce qui est fait pour nous sans nous est contre nous», disait Nelson Mandela. Reste que pour une telle introspection «le fis du patron» devenu «le patron» doit se souvenir qu’il est à la tête d’un Etat et non d’une PME familiale, qu’il n’est que le président de la République, quoi qu’en pensent ou en disent les courtisans de tout poil…

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