Initiée par l’équipe municipale, l’opération «Libérez les trottoirs» est systématiquement recommencée, comme si elle n’allait jamais prendre fin.
«C’est quoi ce pays où on laisse les gens agir avant de réagir ?». «Il y a tous ces bureaucrates qui travaillent dans les ministères concernés qui passent certainement sur ces mêmes routes que nous. Ils voient ce qui se fait et ils ne disent rien. Ils laissent les gens investir et ils viennent casser. C’est inconcevable !». Tels sont les propos empreints de colère d’un jeune entrepreneur qui tente de lancer une entreprise de services informatiques dans un local jouxtant une artère du 6ème arrondissement.
Sans doute, est-ce du fait de cette réalité que la municipalité entreprend de «redorer le blason de la ville» ? En tout cas, depuis quelques temps, elle s’efforce de la débarrasser de tout ce qui participe à son insalubrité. On a ainsi assisté au déguerpissement des commerçants et à la destruction des échoppes occupant illégalement le domaine public. Les épaves de voitures sont régulièrement enlevées et les marchés spontanés «dévastés» par la police municipale. Auparavant, on avait eu droit à la destruction des édifices construits aux abords des artères. Une opération qui avait laissé la ville, sens dessus-dessous par endroits. «Un champ de bataille», décrivaient des observateurs.
N’empêche, toutes ces actions donnent le sentiment d’être improvisées, pas assez planifiées. Au point que l’on se demande si l’opération «Libérer les trottoirs» est délimitée dans le temps. «C’est l’anarchie totale !», lance le jeune entrepreneur qui estime que «chaque maire qui arrive, chaque ministre de l’Intérieur qui arrive croit qu’il doit imprimer sa marque». «Ils pensent qu’ils faut qu’ils fassent du tort aux gens pour qu’on sache qu’ils travaillent. Ce n’est pas ce qu’on attend d’eux», poursuit-il. «C’est vrai qu’on dit que c’est le domaine public. Mais on ne pense pas à tous ces pères et mères de famille. Que vont devenir nos enfants à la veille de cette rentrée scolaire», s’interroge Hermine M, qui rappelle que la première fois que son échoppe attenante au trottoir fut détruite, les décombres sont restés sur les lieux des mois durant, donnant l’impression d’une catastrophe. «On avait cassé et c’était tout», dénonce-t-elle.
A l’évidence, le mode opératoire de la mairie de Libreville donne une impression d’«abus d’autorité, d’envie d’assouvir des pulsions». Et, au regard de la fréquence de ces déguerpissements, on en vient à s’interroger sur leur conception et leurs objectifs. «Le gouvernement devait d’abord nous indiquer un autre endroit avant de nous chasser et de tout casser. Il faut qu’il y ait du suivi», dit un commerçant. A-t-on pensé aux personnes désormais privées de leurs activités? Qu’a-t-on proposé comme mesures d’accompagnement ? Autant de questions lancinantes, qui reviennent de la part des concernés. Qu’à cela ne tienne, l’opération «Libérez les trottoirs» semble se limiter aux commerçants et demeurer un éternel recommencement. Pis, ses résultats sont toujours attendus…