Les experts réunis le 21 décembre 2013, à N’djamena (Tchad), dans le cadre de la 37e session du Comité consultatif permanent des Nations unies, chargé des questions de sécurité en Afrique centrale (UNSAC) soulignaient la nécessité d’être de plus en plus vigilant face la montée en puissance du terrorisme, qui constitue «une véritable menace pour la sous-région» d’Afrique centrale.
Ils suggéraient l’inscription de cette question cruciale à l’ordre du jour de toutes leurs prochaines rencontres, afin de favoriser des échanges d’information sur les mesures préventives existant dans chaque Etat et d’évaluer les dispositifs collectifs mis en place pour y faire face.
Le Bureau régional des Nations unies pour l’Afrique centrale (UNOCA) se réjouit, quant à elle, de cette démarche, compte tenu de la place primordiale qu’occupe la lutte contre le terrorisme dans ses priorités. C’est dans cet esprit qu’il a spécialement invité deux experts à partager leurs réflexions sur ce phénomène avec les participants à la 37e réunion de l’UNSAC, dont le volet technique a pris fin samedi 21 décembre dernier. L’exposé du Professeur Wullson Mvomo Ela, Coordonnateur du Réseau régional de lutte contre le terrorisme et la prolifération des armes en Afrique centrale, a permis d’en avoir une compréhension globale. L’universitaire a également mis en lumière et en perspective les causes profondes des activités terroristes ainsi que leurs différentes manifestations.
«La redistribution inégalitaire des richesses nationales, la marginalisation de certains groupes et d’autres considérations d’ordre socio-économique font le lit des conflits et, partant, ont continué de servir de prétexte ou de justification à l’activité de la plupart des groupes terroristes», a expliqué le Professeur Wullson Mvomo Ela le 20 décembre 2013. «La porosité des frontières étatiques est demeurée un instrument d’exportation et de facilitation du terrorisme car elle a favorisé la contrebande des armes et munitions et la libre circulation des acteurs terroristes d’un pays à l’autre au sein de la sous-région», a-t-il précisé, ajoutant que «l’existence de zones non contrôlées à la lisière des Etats est propice à leur érection en sanctuaires par les organisations terroristes». Dans ce contexte, il a précisé que «la débande actuelle de Boko Haram soumis à la pression de la Joint Task Force (force spéciale mixte) nigériane accroît la probabilité de voire naître ou se reconstituer au Cameroun ou au Tchad voisins des extrémismes religieux adossés sur des revendications politiques».
Judith Van Der Merwe, Spécialiste du Contre-terrorisme au Centre africain d’études et de recherche sur le terrorisme (CAERT), a développé des arguments allant dans le même sens, en insistant sur le cas de la République Centrafricaine (RCA). En dehors de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) qui y sévit, elle a cité plusieurs autres groupes criminels qui pourraient profiter de l’instabilité actuelle pour étendre leurs opérations ou leur base en RCA : Boko Haram, Ansaru, Ansar Dine, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), etc.
«La première solution à la crise sécuritaire et humanitaire de la RCA est d’assurer le développement économique et de veiller à ce que toutes les composantes de la société en tirent profit», a noté Mme Judith Van Der Merwe, soulignant aussi la nécessité de construire une nation forte dotée d’une armée et d’une police bien formée.
De manière générale, les experts estiment que les approches à prendre en compte pour éviter ou freiner l’émergence du terrorisme en Afrique centrale sont nombreuses et variées. Ils soutiennent, entre autres, qu’il faudrait accorder une attention particulière à l’épineuse question du chômage des jeunes, une des catégories sociodémographiques vulnérables au sein de laquelle les groupes terroristes recrutent leurs éléments. La sécurisation des frontières et la maîtrise des flux migratoires sont également présentées comme faisant partie des solutions à cette situation inquiétante. La « Déclaration sur une feuille de route pour la lutte contre le terrorisme et la non prolifération des armes en Afrique centrale » adoptée à Bangui en décembre 2011 prend en considération ces aspects.
Le séminaire sous-régional sur le terrorisme (police et sécurité) prévu à Libreville du 28 au 30 janvier 2014 constituera une étape fondamentale dans la mise en œuvre de cette Déclaration.
Après sa création en décembre 2012 (en marge de la 35e réunion de l’UNSAC tenue à Brazzaville), le Réseau régional de lutte contre le terrorisme et la prolifération des armes en Afrique centrale avait annoncé qu’il élaborerait, dans un délai de 28 mois, une stratégie intégrée devant être validé par les ministres des Affaires étrangères des États membres.