Comme en France où le président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale et celui de la Commission des finances du Sénat sont issus de l’opposition, le Gabon ne devrait-il pas désigner, dans une trentaine de mois, lors du renouvellement des conseillers-membres de cette institution, un membre de l’opposition pour diriger le Conseil national de la Communication (CNC) ? Cela donnerait un bol d’air frais à cette institution qui en manque cruellement. Parce que, pour le moment, le CNC est tout sauf une institution qui assume clairement ses responsabilités, au sens démocratique du terme.
Alors que tous les observateurs s’attendaient à une condamnation par le Conseil national de la communication les actes de piratage dont ont été victimes, ces trois dernières semaines, deux hebdomadaires nationaux, à savoir L’Aube et La Loupe, l’assemblée plénière du CNC réunie sous la présidence de Jean-François Ndongou, le mercredi 17 septembre 2014, n’a rien dit sur ce déni de démocratie. Même l’organisation de défense et de protection des journalistes, Reporters sans Frontières (RSF), a saisi les autorités gouvernementales pour dénoncer un tel acte, et en demander les raisons ; cela aurait pu aider le Conseil national de la Communication à surfer sur cette affaire, mais il a plutôt choisi de se taire. C’est un scandale ! C’est un mutisme honteux ! Un mutisme qui n’honore pas cette institution ! Pourtant, cette institution compte quand même en son sein des personnalités comme Gilles-Térence Nzoghé, universitaire, historien et journaliste qui, aux côtés de Marc Saturnin Nan Nguéma et de Paul Mbadinga Matsiendy, a créé Fréquence 3, la deuxième radio libre du Gabon en 1993, après Radio Liberté.
Il est vrai que ce n’est pas la première fois depuis l’arrivée de l’ancien premier flic du Gabon à la présidence du CNC que l’institution de régulation de la communication manifeste une telle indifférence à des actes ayant eu tendance à obstruer la liberté d’expression et d’opinion et le pluralisme, socle de tout système démocratique. Il est vrai que le statut des conseillers-membres du CNC peut parfois passer pour précaire, parce qu’ils peuvent être débarqués de leurs responsabilités avant la fin de leur mandat, ainsi qu’on la vu avec un bon nombre de présidents de l’institution, «libérés» pour entrer au gouvernement, à l’instar tout dernièrement de Guy-Bertrand Mapangou ; ce qui les rend extrêmement prudents, obséquieux à l’égard du pouvoir et les fait ressembler à des béni oui-oui. La faute à qui ? La faute aux hommes de média qui ne se battent pas pour que le CNC soit une institution démocratique. Ils se devaient de mener un combat qui ne saurait tolérer aucune résignation. La faute à qui d’autre ? La faute au système qui a établi que seuls des hommes et des femmes proches du pouvoir pouvaient siéger dans le Collège de telles institutions.
En réalité, il n’y a rien à reprocher à Jean-François Ndongou et à ses collègues conseillers membres de cette institution. Choisis par le président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale, Jean-François Ndongou, Brigitte Anguile-Diop, Fidèle Etchenda, Gilles Térence Nzoghé, Jean de Dieu Ndong Ovono et les autres ne peuvent réellement avoir les coudées franches dans l’exercice de leurs attributions et missions. «S’il y en a un qui se lève dans le but d’amener les autres membres du Collège des conseillers-membres vers une affirmation d’autonomie ou d’indépendance à l’égard des tenants du pouvoir, il sera broyé par ses pairs d’abord, par les autorités nommantes ensuite», affirme un ancien conseiller-membre qui y a siégé entre 2007 et 2012.
En fait, c’est au président de la République de décider, pour donner un peu d’air à la démocratie gabonaise, de donner au CNC une réelle autonomie morale en désignant quelqu’un qui ne lui soit pas proche au sommet de cette institution. Cela constituerait une évidente modernisation de la vie des institutions, de la vie politique tout court. «L’opinion est massivement consciente de l’anachronisme» que représentent aujourd’hui les personnalités nommées au Conseil national de la Communication. Celles-ci sont décriées dès la minute qui suit leur nomination, parce qu’il s’agit toujours généralement de personnes encartées PDG. Il faudrait donc prendre des mesures pour corriger ce quasi-monopole des membres ou des proches du Parti démocratique gabonais (PDG) au niveau des candidatures, car «l’idée d’un CNC homogène, unicolore, à la pensée unique, «politiquement correct», apparaît dorénavant d’un autre âge».
Aussi, quel que soit celui qui exercera la fonction suprême au moment du renouvellement des conseillers-membres du CNC, il faudrait qu’il laisse une personnalité de l’autre bord diriger l’institution de régulation de la communication. Cela donnerait plus de cohérence à la vie publique, à la démocratie que ce pays mérite d’avoir près de vingt-cinq ans après le retour au multipartisme. Cela permettrait aussi au CNC de devenir une institution responsable. Le Gabon ne peut continuer à être un pays moderne qui garde des traits archaïques.