Au moment où une haine réciproque et, apparemment, insurmontable, oppose Jean Ping et Ali Bongo, la majorité ne montre pas une grande envie de se battre. Le parti éléphant, le Rassemblement pour le Gabon (RPG), s’est «gazellisé», les partis gazelles n’existent plus que par leurs leaders, le Parti démocratique gabonais se comporte toujours comme un parti unique. Constat : Silence médiatique d’un grand nombre de ses hauts dirigeants, soutien mollement exprimé par d’autres. La majorité dite républicaine et sociale pour l’Emergence n’est pas aussi dynamique que ses responsables le disent.
Le RPG n’en finit pas de voir partir ses hauts dirigeants. Après Pierre Amoughé et Francis Edou Eyene qui ont rejoint les forces de l’alternance en avril dernier, c’est au tour de Rose Allogho Mengara, ancienne secrétaire particulière et Conseiller du Vice-Premier ministre Paul Mba Abessole, ancien maire d’Oyem, de claquer la porte et de rallier le PDG. Nommée il y a quelques mois au poste de Conseiller spécial chargé de mission du président de la République, l’ancienne collaboratrice du président du RPG a décidé d’intégrer les rangs du Parti démocratique gabonais. Si, comme l’annoncent certaines publications, le Dr. Paulin Obiang Ndong, sénateur d’Oyem et cinquième vice-président du Sénat, devait lui aussi s’en aller, il ne resterait plus de grosses pointures RPG pour porter la politique de ce parti dans la capitale du septentrion.
Mieux, les élections municipales et départementales du 14 décembre dernier ont montré à quel point le parti du Père Paul Mba Abessole avait coulé : très peu d’élus locaux dans l’Estuaire, le Woleu-Ntem, l’Ogooué-Ivindo, voire le Moyen-Ogooué, notamment Ndjolé, ses bastions traditionnels, et même ailleurs. Conséquence : le RPG ne gère plus un seul arrondissement à Libreville, et il a perdu la ville d’Oyem dont il dirigeait la mairie depuis 1996, date des premières élections locales multipartites ! Le RPG est en déclin, et les prochaines sénatoriales vont encore voir sa présence au Parlement s’étioler. Il ne devrait avoir aucun sénateur pour la période 2015-2021. Battue au premier arrondissement de Libreville par les listes Chantal Myboto (Libreville pour tous) et Christelle Limbourg Iwenga (PDG), Marie-Rose Melighé-me-Ngwa, la compagne du leader du RPG et présidente du Rassemblement des Femmes RPG, va quitter la chambre haute du Parlement en janvier 2015 lors du renouvellement des élus de cette institution. Autant le dire tout de suite : la création de l’Union nationale, mais aussi les atermoiements, les hésitations, les prises de position parfois contradictoires, voire caricaturales, du Père Paul Mba Abessole, et de ceux et celles qui lui parlent à l’oreille, ont tué l’ancien parti éléphant ; cette formation politique, autrefois d’envergure, risque de ne jamais connaître de remontée. Avec seulement trois élus à l’Assemblée nationale, et aucun dans le prochain Sénat, le RPG va tomber de son piédestal.
L’Alliance démocratique et républicaine (ADERE) a, elle aussi, perdu du terrain et de la crédibilité. Le départ de son leader charismatique, Jean-Clément Didjob Divungi di Ndinge, puis le décès de son successeur, Dieudonné Pambo, ont porté un coup sérieux à la vie de ce parti autrefois bien implanté à Gamba, Mouila et dans de nombreuses localités du sud du Gabon. Le déclin de l’ADERE est-il, comme celui du RPG, définitif ? En tout cas, les observateurs ne voient pas cette formation politique, qui a pour logo l’éléphant, barrir à nouveau dans un avenir proche.
D’autres formations politiques soutenant l’action d’Ali Bongo n’existent plus que par leurs leaders. Le Parti Travailliste de Mburu-Yi-Djako, le FDU de Quentin Ben Mongaryas, le FUNDU de Noël Borobo Epembia, même l’Union Socialiste Gabonaise reprise par Guy Nang Békalé -cet universitaire et politique brillant et doué qui n’a pas eu la carrière qu’il mérite, et l’Association pour le Socialisme au Gabon (APSG) que dirige aujourd’hui Théo Mapangou Moucani Muetsa, fils du fondateur du parti, ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Ils sont pour la plupart politiquement peu fiables. Sur l’échiquier politique actuel, ces partis auraient du mal à convaincre de leurs zones d’implantation.
Heureusement qu’il y a le PDG, avec ses 300 fédérations, 900 sections et 2700 comités disséminés à travers tout le territoire et dans certains pays amis. Mais le parti créé par Omar Bongo paraît fortement divisé aujourd’hui entre les «amis du père» (le PDG-Dur) qui veulent soutenir un des leurs passé de l’autre côté de l’échiquier politique et les «amis du fils» (le PDG-Emergent) qui pensent que «le Gabon a été créé en 2009», pour paraphraser Guy Nzouba Ndama, membre éminent de ce parti. Tout ceci montre à suffisance pourquoi le soutien à l’action du chef de l’Etat n’est pas si massif. Un soutien mou. Un soutien façon-façon. Et on voit bien que malgré la forte actualité de ces dernières semaines, certains ont prétexté de vacances pour se terrer dans une cure de silence médiatique. La presse et les éditorialistes proches de la présidence de la République ne manquent pas de s’étonner et de… condamner cette froideur, cette frilosité, ce mutisme. D’autres ne comprennent pas l’emprisonnement de Jeannot Kalima, qui a servi comme directeur de cabinet d’Idriss Ngari, alors ministre des Travaux Publics, et cela accentue cette sorte d’attentisme à laquelle on assiste.
Pour sa part, le Centre des Libéraux Réformateurs vient, au cours de ses récentes manifestations liées à son vingt-deuxième anniversaire, de repréciser son ancrage indéfectible dans la majorité, en dépit de sa difficulté à asseoir une véritable co-gestion à la mairie de Libreville. Le faiseur de «rois» à l’Hôtel de Ville de la capitale gabonaise se sent à l’étroit et se croit peu considéré par son alliée. Mais loyauté, fidélité et soutien restent ses maîtres-mots. Autour de ces deux grands partis, devraient se greffer quelques leaders de l’opposition (avec ou sans leurs militants), tels que Séraphin Ndaot Rembogo (PDS), Séraphin Davain Akuré (ANG), Moussavou King (Parti Socialiste Gabonais) et Samuel Mendou (leader d’une aile du Morena). Ont-ils eu, par émissaires interposés, comme le pense l’opinion, des promesses «d’élévation sociale» ? Pour les observateurs, cela ne fait guère de doute pour un certain nombre d’entre eux, tandis que d’autres jouent aux «essuie-glaces» pour y arriver.
Les mêmes observateurs estiment que l’UPG n’a pas montré une très grande envie d’éclairer l’opinion sur son positionnement actuel. Ils pensent que la situation conflictuelle dans laquelle se complaît ce parti ne semble pas être un simple conflit de personnes, mais elle est aussi et surtout une question de positionnement. Si Jean de Dieu Moukagni-Iwangou, président de l’UPG-Centre Ville, à qui les dernières sorties médiatiques ont donné une côte de popularité flatteuse, se définit clairement de l’opposition radicale, Matthieu Mboumba Nziengui et Bruno Ben Moubamba de l’UPG-Awendjé, eux, donnent le sentiment d’observer une certaine neutralité. Une neutralité qui peut s’avérer coupable pour l’UPG et pour eux. Quant à Pierre-Claver Maganga Moussavou, président du PSD, qui se considère comme le «leader des leaders du Sud» depuis la mort de Pierre Mamboundou et le retrait de Divungi di Ndinge de la vie politique nationale, il va sans doute briguer à nouveau la magistrature suprême en 2016, bien que sa sphère d’influence ne s’arrête qu’au point zéro dans le chef-lieu de la Douya-Onoye. Il pense certainement qu’il va ainsi faciliter la tâche aux forces de l’alternance…