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La tentation du grand virage
Publié le jeudi 11 septembre 2014   |  Gabon Review


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© Autre presse par DR
La tentation du grand virage


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L’administration publique est-elle trop politisée, au service exclusif d’un camp ? A-t-elle favorisé la coupure du pays en 2 camps opposés ? Au PDG et au sein de la majorité, on ne mesure toujours pas l’ampleur du phénomène. Mais, autour du président de la République, on réfléchit aux voies et moyens d’y remédier. Y parviendra-t-on ? Voire…

Y a-t-il encore un moyen de dépolitiser l’administration ? Lors du Conseil national du Parti démocratique gabonais (PDG) en avril dernier, les Gabonais avaient été surpris de constater que des directeurs généraux d’administrations publiques, d’établissements publics ou même de sociétés privées étaient invités à décliner leurs activités dans un cadre partisan. Pour la première fois en 24 ans de pratique démocratique, l’administration manifestait publiquement son allégeance à un camp politique, affichait ouvertement une coloration politique. Certes, les directeurs généraux d’administrations publiques ont toujours été recrutés de préférence parmi les membres ou sympathisants du PDG, mais jamais cela ne c’était fait de manière aussi ostentatoire.

Alors qu’Ali Bongo n’a cessé de magnifier le triptyque «Paix-Développement-Partage», qui laissait augurer de la participation de toutes les intelligences et forces sociales à l’œuvre de construction nationale, voilà que l’action publique se politise comme jamais auparavant. Les choses se radicalisent peut-être. Les positions se crispent certainement. Les hommes se figent et s’éloignent les uns des autres sans doute. Et le climat socio-politique se détériore inexorablement chaque jour davantage.

Au PDG comme au sein de la majorité on n’est, en tout cas, pas choqué par ce raidissement. Même si on ne pouvait s’attendre à mieux de leur part, on relève tout de même qu’aucun militant PDG n’a été choque qu’Ali Bongo les invite au combat idéologique en présence de directeurs généraux d’administrations publique, d’agents économiques privés et même de supposés investisseurs étrangers tels Olam. «C’est parce nous n’expliquons pas suffisamment notre démarche et nos ambitions que nous laissons le champ libre à ceux qui n’ont que le mensonge, la médisance, la calomnie et la haine de l’autre comme projet pour le Gabon. De quoi avons-nous peur ? De qui avons-nous peur ? De quoi vous cachez-vous ? », avait-il lâché en avril dernier face à un parterre visiblement acquis à sa cause mais devant une opinion publique médusée. Dans la même veine, aucun leader de parti membre de la majorité n’avait trouvé à redire au fait qu’il lance un appel à l’ouverture non pas à l’occasion d’un message à la nation mais dans un cadre politicien. «Venez apporter votre pierre à l’édifice. Ne passez plus votre temps à critiquer. Plutôt, venez rejoindre la grande famille de la majorité pour la construction d’un large rassemblement pour un Gabon fort et dynamique», avait-il lancé, en juin dernier, à l’occasion de la Convention des partis de la majorité, donnant le sentiment de réduire le président de la République au «distingué camarade» du PDG.

Toute la question est maintenant de savoir jusqu’où nous mènera cette politisation outrancière de l’administration conjuguée à une lecture essentiellement politique voire politicienne de la fonction présidentielle. Aujourd’hui plus qu’hier, le président de la République est curieusement perçu comme le chef de l’administration publique. Il est dépeint comme le«patron de l’administration émergente»,«l’émergent en chef». Un glissement sémantique et institutionnel sans doute explicable par la cannibalisation de la fonction de Premier ministre ou, mieux encore, par les liens incestueux savamment entretenus entre le PDG, d’une part, l’administration publique et le secteur privé, d’autre part.

Cartographie géo-ethnique de l’administration publique

Avec sa kyrielle d’établissements publics rattachés à la présidence de la République, Ali Bongo a tout d’abord fragilisé l’administration centrale, se substituant définitivement au Premier ministre, avant de transformer les liens de subordination entre l’administration et le pouvoir politique en une connivence voire une prise de position. Là où il faudrait de la loyauté, il a exigé de la fidélité. Là où on exige de l’action civile, il a demandé de l’action civique. Là où s’expriment des citoyens, il a demandé à des militants de prendre la parole. Résultat des courses : toute l’action publique fait désormais l’objet d’une lecture politique voire politicienne. Occuper des fonctions au sein de l’administration, c’est «être émergent». Et s’il existe certains administratifs pour s’en défendre, ils sont tout de suite soupçonnés d’apostasie.«Il n’est pas avec nous», «on dirait qu’il fait le double jeu», sont autant de sentences qui s’abattent généralement sur eux quand elles ne les poussent pas à rejoindre les «traitres», «jaloux», «ingrats», «haineux» qui constituent la longue liste d’agents publics à l’esprit quelque peu critique. Un climat si peu propice à l’œuvre de construction nationale que le président de la République lui-même en vient désormais à se présenter comme l’objet d’une «haine» prétendument entretenue par la «cohorte d’un certain nombre de leaders politiques». A l’évidence, ce climat ne saurait se prolonger éternellement.

Est-ce dans cette perspective que l’idée d’une cartographie géo-ethnique de l’administration publique est évaluée en ce moment dans certains cercles de décision ? Si les liens ethniques ou provinciaux ont jusque-là été présentés comme déterminants dans la cooptation des élites politiques et administratives nationales, les choses pourraient sembler plus complexes qu’elles ne paraissent. La complexité et la diversité des manières d’intégrer l’élite politique et administrative gabonaise devraient inciter à interroger les différents liens sociaux. La tentation du grand chambardement existe. Mais, elle ne saurait se réduire à une basse opération de «géopolitique» à des fins politiciennes. Autrement, elle pourrait résonner comme un aveu d’échec et s’avérer improductive. Ali Bongo n’a-t-il pas clamé faire fi de la «géopolitique» ? «La géopolitique (…) a favorisé la constitution de baronnies. Elle a permis la mise en place d’une gestion féodale des élites qui a eu pour conséquence de fragiliser l’Etat et de paralyser, par endroit, l’action publique», avait-il proclamé le 12 septembre 2012 devant les 2 chambres du Parlement réunies en congrès. Va-t-il se dédire ? Pour l’heure, la recherche de l’antidote à la «haine» dont Ali Bongo serait victime ne fait que commencer…

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